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Citation de Ali022


Ali022
20 décembre 2020
Dernière quinzaine de décembre en grand-duché d’Éponne : tout plonge peu à peu dans une stase morose. Un froid humide s’installe, la longueur des nuits devient sensible à l’être le plus accaparé par son travail ou par sa vie, c’est l’entrée pour de bon dans le tunnel de l’hiver, lequel ne compte aucune issue de secours, aucun puits de lumière. Qu’elles paraissent loin, la Fête de la dynastie et ses frasques orgiastiques !
Les Éponnois partagent avec les Américains ce rythme syncopé où les plus grandes festivités de l’année ont lieu avant la fin d’année elle-même, faisant de Noël et de la Saint-Sylvestre une affaire incertaine, qu’on ne sait jamais trop de quelle façon prendre. Tels un premier et un second bis offerts par un virtuose alors qu’une partie du public, fatiguée, a déjà rejoint les vestiaires, voire les parkings souterrains.
Certains tentent vaillamment de contrer cette torpeur. Des directrices d’école se démènent pour muer leur établissement en palais des couleurs, en arche de Noé de la joie, d’où fusent, sur les sombres flots alentour, des chœurs d’enfants gavés de pain d’épice et de pâte d’amande. Des galeristes mettent en vitrine leurs œuvres les plus dérangeantes, les plus controversées, conscients que les passants leur sauront gré de les avoir réveillés, fût-ce en les scandalisant. Et dans les entreprises, les administrations, c’est l’heure des pots de Noël anticipés, où chacun se rend les pieds lourds et fait pourtant en sorte de sourire, car il le faut : il faut célébrer une clôture d’exercice dans la confiance et l’enjouement, il serait mal vu de laisser paraître qu’on en a marre, tout simplement, et qu’on aspire à ces quelques jours de congé autant que le sage antique aspirait à la mort.
Ce n’est pas très gai, non. Tout renaîtra lentement de ses cendres, la douceur des aurores et les mouvements de la sève dans les troncs dénudés, mais on l’oublierait presque, alors que les premières neiges ne sont même pas encore tombées. On attend. On regarnit la théière d’eau bouillante, on enfourne un rôti, on se fait couler un bain, on recherche tout ce qui est chaud ou du moins tiède. Et avec un pragmatisme résigné, on profite de cette marée d’ennui pour écouler en douce les tâches les plus ennuyeuses de l’année, comme des riverains indélicats profitent de la présence d’une benne de chantier pour se débarrasser de leurs plâtras et de leurs meubles décatis.
p. 191-192
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