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Critiques de Diane Waggoner (1)
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L'Objet d'Art thématique 1. Une ballade d'amo..

Comme je continue à ressortir des placards mes revues d'art, j'en viens forcément de temps à autre à des petits moments de nostalgie. C'est le cas avec ce numéro spécial de L'Objet d'art, qui fut consacré à une exposition présentée en 2011 au musée d'Orsay sous l'intitulé Une ballade d'amour et de mort. Très joli titre, mais un brin racoleur, ne rendant que très partiellement compte du sujet de ladite exposition, la tirant vers l'aspect du préraphaélisme toujours mis en avant, et celui qui nous fait en général le plus rêver. Et titre qui ne disait rien de la photographie à l'époque des préraphaélites, tant qu'on n'avait pas lu le sous-titre : photographie préraphaélite en Grande Bretagne, 1848-1875. Le tout se révélant une traduction dévoyée du titre et du sous-titre originaux. Car cette exposition était le fruit du travail de la National Gallery of Art de Washington, présentée là-bas de fin 2010 à début 2011, effectuant ensuite une étape bienvenue à Paris, et s'intitulant exactement The Pre-Raphaelite Lens : British Photography and Painting, 1848–1875. Soit : "L’œil préraphaélite : Photographie et peinture britannique, 1848-1875". On voit bien là que le musée d'Orsay s'est permis de petits écarts assez significatifs.



De taille moyenne, Une ballade d'amour et de mort eut le tort d'être contemporaine de la grande expo sur Manet à Orsay. Du coup, les salles en étaient assez peu fréquentées tandis que le gros du public se battait pour assister à l’événement-phare du musée. Et on ne s'embêta même pas à publier un catalogue, préférant proposer uniquement aux visiteurs celui de la National Gallery, en anglais... (mais qu'on se rassure, la Cinémathèque de Paris faisait, à peu près en même temps, le même genre de coup avec leur grande expo sur Kubrick). Aucune revue ne trouva non plus Une ballade d'amour et de mort assez attirante pour rapporter de l'argent sur un hors-série, excepté L'Objet d'art.



La revue avait pris le parti de demander à Diane Waggoner, commissaire de l'exposition de la National Gallery de Washington, de diriger, pour ainsi dire, ce numéro, puisqu'elle en a signé presque tous les articles. Pour le coup, l'avantage évident, c'est qu'on a une bonne spécialiste du sujet qui est en charge des textes. Le mauvais côté, c'est qu'on se retrouve avec une série de textes très factuels, qui certes ne cherchent pas à faire l'apologie de l'exposition (ce qui est tout de même appréciable), mais qui ne sortent pas du tout du champ de l'expo par le biais d'un œil extérieur. L'essentiel y est : la volonté et le besoin de donner à voir une nature via une approche plus réaliste, les rapports étroits entre ce qu'avaient entrepris les préraphaélites et ce que proposaient les photographes à la même époque, la question du paysage et celle du portrait, la relation de la peinture comme de la photographie aux mythes, aux légendes et à la littérature. Mais je trouve que ça manque un peu de passion. Évidemment, il me faut préciser que j’avais adoré cette exposition, que j'en garde un excellent souvenir - un souvenir sans doute mythifié par le temps -, et que j'ai été déçue de ne pas me retrouver plongée dans l’atmosphère que j'avais gardée en mémoire. En prenant du recul, je me dis que cette impression est due tout simplement au fait qu'un souvenir qui m'est propre ne peut forcément pas m'être rendu par une revue d'art. Ben oui, ça tombe sous le sens...



N'empêche que je trouve que l'équipe de L'objet d'art aurait pu prendre un chouïa ses distances avec la conservatrice et commissaire d'expo de Washington, et élargir le propos. Car il y avait déjà un défaut dans l'expo, du moins pour un public français. Quelles images viennent à un public français lorsqu'on lui parle de préraphaélisme ? Portraits à l’ambiance mélancolique, jeunes filles noyées dans un déluge de fleurs, légendes et littérature médiévales. En gros, on pense aux portraits de Rossetti, on pense à l'Ophélie de Millais, à Burne-Jones (qui ne faisait pas partie du groupe à l'époque couverte par l'expo) ou à la Dame de Shalott de Waterhouse (qui ne fit en fait jamais partie du groupe préraphaélite). D'où le titre français de l'exposition...



Oui mais voilà, ce qui a intéressé la National Gallery, ce n'est pas ça, ou du moins ce n'est pas ce qui est à l’origine de l'exposition. Ce qu'il est importe de comprendre tout d'abord, et c'est par là que débutent l'exposition et le numéro de L'Objet d'art, c'est que les peintres préraphaélites voulaient rompre avec tout un pan de la peinture anglaise, étaient animés par un grand sens du vérisme, qu'ils avaient décidé d'aller peindre en extérieur contrairement à leurs prédécesseurs. Et que les photographes britanniques qui leur étaient contemporains étaient également dans une démarche réaliste, qui voulait restituer une nouvelle vision de la nature. Tout ça, c'est expliqué, mais ce n’est pas évident à avaler pour des Français, déjà, et surtout ça n’est pas remis dans le contexte. Pour comprendre la nouveauté qu'offrait les Préraphaélites (qu'on ne qualifierait jamais de réalistes, et d'ailleurs le terme est mal choisi), il faudrait déjà qu'on comprenne ce qui se faisait quand ils sont arrivés sur la scène britannique. Et de même il ne nous semble pas spécialement exceptionnel de voir une photographie de fougères avec tous ses détails, parce que nous avons depuis longtemps la technologie pour faire ce genre de photo. Donc là aussi, si on ne comprend pas comment était représentée la nature dans la peinture britannique lorsque des photographes, britanniques également, se sont intéressés à la façon de rendre des arbres, des feuillages, la mer, le ciel. Une recontextualisation du sujet, voilà ce qui manquait à l'expo mais qu'aurait pu exploiter L'Objet d'art et qui n'a pas été fait. Dommage. Et il n’aurait pas été inutile de reproduire La mort d'Ophélie de Millais, en précisant que le tableau n’était pas présenté à l’exposition, mais en le commentant. Voilà qui aurait certainement permis de réconcilier les lecteurs avec deux visions du préraphaélisme qui n'ont, de prime abord, rien à voir l'une avec l'autre : la mélancolie mortifère liée à la littérature et le besoin de vérisme. Car c'est un tableau, qui, au-delà de son aura, présente un souci de réalisme saisissant lorsqu'on regarde de près les nombreuses plantes qu'on y trouve, et qui est connu pour cette particularité.



Je regrette aussi que Diane Waggoner se soit beaucoup focalisée sur Cameron : deux articles lui sont en grande partie consacrés. Bon, j'avoue, Julia Cameron n'est pas ma tasse de thé. Mais au-delà de ça, lui donner beaucoup plus d'importance qu'à d'autres artistes, c'est se priver d'un texte plus conséquent sur les relations entre la peinture préraphaélite, d'une part, et leurs contemporains photographes, d'autre part, avec le mythe et la littérature. Là aussi, on aurait pu se servir d'un tableau de Millais (oui, bon, j'aime beaucoup les tableaux de Millais de cette époque, c’est vrai), Mariana - dont une esquisse était présente pour l'exposition française -, qui aurait très bien fait le lien entre les préraphaélites et des photographes comme Julia Cameron ou Henry Peach Robinson. Et il nous manque un article plus solide que celui publié en fin de numéro sur la société contemporaine vue par les peintres et les photographes. Pourquoi ne pas parler de Rejlander et de sa magnifique et terrible photo d'un enfant épuisé après une journée de travail ? Et de même que pour Cameron, ou aurait peut-être pu se passer de la totalité des photos de Jane Morris par Rossetti pour approfondir les autres sujets.



Je ne pas décemment juger ce numéro comme mauvais : il est correct, et comme je le disais plus haut, il explique l'essentiel de ce qu'il y a à savoir que les rapports entre la vison des préraphaélite et celle de leurs contemporains et concitoyens photographes. Il donne à voir de très belles photos (bon, pour les fougères vous serez déçus, c'est beaucoup mieux de voir un tirage, c'est clair) : beaucoup de lecteurs, contrairement à moi, apprécient Cameron, donc ils seront comblés - mon copain s'est écrié "Oh, c’est beau !" en voyant la photo de Cameron ouvrant la revue, pendant que je grommelais. Et je pense qu'il ne bouderont pas leur plaisir devant les compositions d'Henry Peach Robinson. Ceux qui aiment Rossetti seront sans doute ravis. Vous y trouverez également des reproductions de tableaux de Millais assez peu connus, ce qui ne les rend pas moins intéressants. Mais j'ai eu l'impression de relire le texte de présentation de l’exposition sur le site du musée d'Orsay, alors que j'en attendais beaucoup plus. Trop, c'est certain.
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