En Allemagne, on désigne de moins en moins la bande dessinée sous le terme de "comic". Il a été remplacé par celui de "Graphic Novel". Çà sonne plus sérieux et cela permet de rentrer plus facilement dans les librairies.
Dans le film de Ron Mann, "Comic Book Confidential" (2004), le grand dessinateur américain Will Eisner expliquait les circonstances de la publication de "Un Pacte avec Dieu" (éditions Delcourt), le premier « Graphic Novel » historique : Il appelle un éditeur new-yorkais de ses amis, un personnage important dont le temps est compté. Il lui parle de ce « Graphic Novel » qu’il vient de créer et pour lequel il cherche un éditeur. « Graphic Novel » ? Oh, oh, ça m’intéresse ! lui répond l’éditeur. Passe me voir ! ». Arrivé chez son lui, Eisner lui montre les pages et là, déception, notre tycoon de l’édition lui dit : « Mais Will, enfin, ce que tu me montres là, c’est un comic book ! »
Avec cette anecdote, tout est dit sur le malentendu suscité par la traduction du vocable anglais : « roman graphique ». Je me souviens de Jean-Louis Gauthey, le vraiment trop sympathique éditeur de Cornélius, essayant de me coincer aux Universités d’été d’Angoulême sur la définition du mot. Comme je lui opposais ce qui à mon sens est la seule définition qui vaille : son usage commercial, à savoir une bande dessinée qui « singe » une forme de livre pour mieux se retrouver à côté des romans et des essais, et pas des bandes dessinées, il avait eu le bec dans l’eau…