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Critiques de Didier Quella-Guyot (351)
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Pierre Loti, une vie de voyageur

Je ne connaissais pas du tout Pierre Loti et encore moins la vie qu’il a pu avoir. Il se démarque des autres en étant un grand voyageur de la fin du XIXème siècle à une époque où les personnes étaient assez sédentaires. Du coup, il apparaissait comme une sorte d’aventurier à la manière d’un Corto Maltese.



Visiblement, c’est son premier voyage à l’île de Pâques qui lui a donné le goût du voyage. Il verra également Tahiti et ses vahinés puis l’Afrique noire. Il n’hésite pas à aller à la rencontre des autres cultures pour en tirer un enseignement personnel. Parfois, il laisse une maîtresse à chaque port.



Il fustige l’aspect civilisé de notre civilisation qui peut se comporter en barbare. J’ai aimé cette humilité qui le caractérise. Cela rend d’ailleurs son récit assez intéressant. A noter qu'il raconte sa vie à la Princesse en 1913 à la princesse Alice de Monaco épouse d'Albert 1er.



A noter un graphisme pas du tout repoussant qui met en valeur les personnages ainsi que les différents décors exotiques avec une mention spéciale pour la colorisation. Cela procure véritablement un plaisir de lecture.



Bref, cette BD m'a permis de faire plus ample connaissance avec un auteur méconnu (membre tout de même de l'Académie française). Dépaysement garanti avec ce grand voyageur bourlingueur !
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Halifax, mon chagrin

Le graphisme et les nuances de couleurs me paraissent être les premières qualités de cette bande dessinée. Toutes les planches sont magnifiques, particulièrement les plus grandes figurant la mer, les bateaux, le phare, les explosions. Les plus petites ne sont pas en reste même s'il m'a semblé que les visages des personnages masculins ne permettaient pas toujours de les distinguer du premier coup les uns des autres.



Le scénario présente un réel intérêt historique avec les scènes de repêchage des corps après le naufrage du Titanic, puis celui de L'Empresss of Ireland. Cependant, l'enquête de police sur les différents meurtres qui vont survenir me paraît bien légère, avec la classique erreur de coupable impliquant à tort un homme noir innocent.



La fin me semble peu vraisemblable et décevante, je n'en dis pas davantage afin que les futurs lecteurs disposent du suspense jusqu'au bout. Elle me semble un peu bâclée et simpliste.
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L'île aux remords

Septembre 58. Un orage violent, une pluie battante depuis la veille et le village se retrouve bientôt envahi par les eaux. Une eau fraîche et boueuse, bientôt collante, claquant par vagues les murs des maisons. Rarement, ce massif cévenol n'a connu une aussi grande tempête. Le Gardon, l'Ardèche ou encore la Cèze dépassent les côtes d'alerte, certaines communes déplorent des morts. Jean Poujol, médecin de ce petit village, venu apporter les dernières nouvelles et trouver refuge au bar du coin, quitte brutalement l'échoppe et grimpe à bord de sa voiture. Il s'engage, malgré les avertissements des gendarmes, sur le pont qui risque à tout moment de s'écrouler. Malheureusement, après une mauvaise glissade, voilà sa voiture à l'eau, un tronc d'arbre la traversant. Obligé de continuer à pied, Jean atteint non sans mal la demeure de son père, isolée sur une toute petite île. Ce dernier semble étonné de voir débarquer ainsi son fils. Il faut dire que ses visites se font très rares et que les deux hommes se croisent peu...



Parce qu'ils sont prisonniers des eaux, c'est coincé sur ce petit bout d'île que le père et le fils vont avoir une discussion comme ils n'en ont pas eu depuis 20 ans. Au fils des mots échangés, le père va peu à peu connaître le passé de son fils, ce qu'il a fait, où son métier de médecin l'a conduit et pourquoi il a fui autant dans sa vie. Jean, lui, va découvrir ses véritables origines. Une discussion qui va, évidemment, bouleverser les deux hommes emplis de secrets. Didier Quella-Guyot nous offre un album touchant sur les relations père/fils et aborde le thème des colonies françaises, de l'armée coloniale et des bagnes, notamment celui de Poulo Condor, le plus grand bagne français. Sébastien Morice, de par son trait tout en finesse et élégance, de par ses couleurs très douces, de par ses décors et paysages magnifiques, sublime ce récit original et intrigant.
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Facteur pour femmes

28 juin 1914. L'Archiduc François-Ferdinand et sa femme sont assassinés par un terroriste serbe. Cet événement n'affecte en rien les habitants de cette petite île bretonne, de même que cette guerre qui semble faire rage sur le continent. Elle paraît si lointaine cette guerre. Et pourtant, le maire ne tardera pas à recevoir une lettre l'informant que tous les hommes, entre 20 et 50 ans et en bonne santé, ainsi que les chevaux et les denrées, sont réquisitionnés. Les hommes doivent quitter l'île dès le lendemain mais ne s'inquiètent pas outre mesure, persuadés que le conflit ne durera pas longtemps et qu'ils seront revenus pour les moissons. Parce qu'il a un pied-bot, Maël reste sur l'île. Les hommes laissent ainsi derrière eux des mères, des filles et des épouses qui devront se débrouiller seules. On va alors réquisitionner le jeune homme pour tout autre chose : lui qui a un vélo, il sera le facteur de l'île...



L'on se doute un peu de la tournure des événements dès lors que ce jeune Maël sera seul sur cette île avec toutes ces femmes, la plupart esseulées et déplorées. Pour lui, c'est évidemment une aubaine, lui qui a toujours été rejeté à cause de son handicap, lui sur qui les femmes ne se retournaient guère, lui qui se faisait railler. Sur son vélo, il va en parcourir des kilomètres et se rendre dans toutes les maisons, même les plus isolées, pour apporter des nouvelles du front. Maël va ainsi découvrir les plaisirs de la chair et devenir le confident de ces femmes. Didier Quella-Guyot nous offre un album riche, étoffé et original à la fin surprenante avec des personnages attachants et des textes soignés. Un récit captivant servi par une palette de couleurs variée et un trait fin et élégant. Sébastien Morice nous offre ainsi de magnifiques paysages bretons.
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Facteur pour femmes

Ce joli roman graphique insulaire pur beurre salé, nous raconte la grande guerre sur une île bretonne dont tous les hommes dans la force de l'âge ont été mobilisés. Avec des couleurs douces et un beau texte, l'auteur nous raconte les petits arrangements avec la vie des femmes seules et Maël , le jeune homme au pied bot promu facteur et qui de ferme en phare distribue le courrier tout en séduisant ces dames. Seul coq dans le poulailler, le fils Grehat s'enhardit et triche. La tentation est grande de jouer alors, sur les bonnes ou mauvaises nouvelles, quitte à en inventer ou en supprimer pour gagner les faveurs des unes ou des autres.

Elle est plus complexe que vous ne l'imaginez cette histoire qui se déroule souvent dans le foin des granges. Elle nous parle aussi des horreurs de la guerre qui émane du courrier des hommes. C'est aussi une incursion dans le quotidien d'un autre siècle.

L'issue est bien évidemment inattendue et tout aussi immorale que ce qui précède. Toutefois le plus gros scandale, c'est la mort absurde des hommes par milliers sur le front, qui devient de plus en plus absurde que le conflit s'enlise, comme cette anecdote terrible de l'instituteur fusillé pour insoumission parce qu'il avait pris la défense d'un homme puni. Ce paysan finistérien n'avait rien compris, il ne parlait que breton.

Un bon moment de lecture, entre marivaudage, humour léger, tragédie humaine et une fin digne des meilleurs polars .
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La part des flammes (BD)

Le grand bazar de la charité fut une horrible tragédie qui fit plus de 120 victimes en mai 1897 surtout parmi les généreux donateurs de la bourgeoisie parisienne. C'est un peu comme si ceux qui aidaient les migrants disparaissaient brutalement en masse dans le naufrage d'un navire pour donner dans la comparaison.



Ce drame met également en lumière les dommages collatéraux qui ne sont guère évoqué à savoir les brûlures qu'ont dû subir les femmes aristocrates survivantes. Certaines ont terminés à l'abri des regards dans un asile. C'est tout le sujet de cette BD qui met en scène deux héroïnes survivantes dont on va particulièrement s'intéresser.

On pourra également regretter l'exploitation de cette tragédie par les médias de l'époque qui n'ont pas hésité à en rajouter. On apprendra que non, les hommes n'ont pas piétiné les femmes pour sortir des flammes. Certains furent d'ailleurs injustement accusés ce que nous verrons également dans cette œuvre.



A noter que ce récit est tiré d'un roman de Gaëlle Nohant. Il est scénarisé par Quella-Guyot de manière tout à fait respectable. On pourra également souligner le trait du dessin de Wyllow avec ce côté réaliste et élégant que j'affectionne particulièrement. Bref, c'est joliment mis en image.



J'avoue néanmoins que vers la fin, je me suis un peu perdu dans les méandres de ce récit qui va sur le terrain du secret de famille dans une société où les femmes sont mises de côté.



Pour autant, dans l'ensemble, c'est une lecture qui apportera sans doute des précisions utiles sur la condition féminine à la fin du XIXème siècle dans notre pays. Il s'agira de ne pas confondre la part des femmes avec la part des flammes car ce n'est pas la même chose.

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Boitelle et le café des colonies

On l'appellait l'ordureux. C'est à lui que l'on faisait appel dès que l'on avait à nettoyer une fosse ou un fumier, curer un égout. On le voyait venir de loin avec sa carriole, ses instruments de vidangeur et ses bottes enduites de crasse. Alors qu'Antoine Boitelle vient de terminer ce jour une sale besogne chez Maître Auballe, il s'en va sonner chez ce dernier afin d'être payé. La bonne le fait entrer et le fait patienter dans le couloir. C'est là qu'il aperçoit un buste africain sur une console. Visiblement, il en est tout retourné, attisant la curiosité d'Auballe. Celui-ci lui propose de partager avec lui un verre de calva et commence à parler de ce buste qu'il a ramené d'Afrique. Venant aux confidences, Boitelle lui raconte alors que, lui aussi, il a connu des noirs. Une, en particulier. Non pas en Afrique mais au Havre, alors qu'il était soldat. Elle était serveuse au Café des Colonies...



Cet album de Didier Quella-Guyot est tiré d'une nouvelle de Maupassant, publiée dans le recueil "La main gauche". Celle-ci met en scène Boitelle, alors qu'il était jeune militaire dans la ville du Havre, qui tomba follement amoureux d'une noire. Mais, dans cette Normandie rurale, où le racisme est plus que jamais présent, la nouvelle de cet amour naissant ne va pas plaire du tout. Ni à ses parents ni aux villageois. Pas même au curé. Il était fort probable que beaucoup d'entre eux n'avaient encore jamais vu des "nègres" qu'ils considéraient alors comme des bêtes de foire. L'auteur nous plonge dans une ambiance douce-amère à la Maupassant tout à fait délectable. Le dessin y est pour beaucoup. En effet, le trait semi-réaliste et la mise en page de Sébastien Morice sont parfaitement maîtrisés. Il nous offre de superbes planches nostalgiques et douces. Une adaptation réussie...
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Facteur pour femmes

La première guerre mondiale éclate . Sur une petite île de Bretagne, le tocsin résonne, tous les hommes valides de 20 à 50 ans doivent partir pour défendre leur pays.

Maël Gréhat est réformé en raison d'une malformation du pied.

Il est chargé de porter le courrier sur sa bicyclette.

Son rôle lui plaît à merveille et il sait en tirer profit pour devenir un homme, pour s'approprier les secrets des familles.

C'est qu'on ne lui a pas appris à se tenir, ce garçon.

Sa mère est morte en le mettant au monde et son père le maltraite depuis sa naissance. Les autres de son âge l'insultaient en raison de son handicap en plus.

La fin de la guerre arrive , elle va être porteuse d'évènements pour Maël, pour les femmes qui voient revenir leurs hommes bien abîmés ou ne pas revenir du tout.

J'avais envie de découvrir la bande dessinée depuis sa parution en 2015 avec sa magnifique couverture, le thème qu'elle annonçait.

Les illustrations à l'intérieur de l'album témoignent d'un grand talent au point de vue du dessin aux lignes claires , réalistes avec des couleurs bien adaptées à chaque situation.

J'aurais préféré une autre voie plus sentimentale, plus honnête pour le jeune homme mais étant donné son passé, Didier Quella-Guyot a construit son personnage de façon très plausible.
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Agatha Christie, tome 24 : Rendez-vous avec..

Hercule Poirot est à Jérusalem en vacances.

Vacances ou pas, c'est bien connu, là où il y a Poirot, il se passe toujours quelque chose.

Aussi de sa fenêtre d'hôtel il entend cette phrase : "tu vois bien qu'il faut la tuer, non?", prononcée par une voix d'homme.



Dans l'hôtel séjournent, entre autres, une américaine, Mrs Boynton et ses deux enfants, enfin beaux enfants puisqu'il s'agit d'un remariage. Le garçon et la fille. Cette dame est une vraie marâtre, imbuvable comme on dit, un véritable tyran.

Ceux qui ont voyagé avec cette dame ont constaté, lors du voyage à quel point ces deux grands enfants étaient terrorisés.

C'est lors d'une expédition à Petra, en Jordanie, que Mrs Boynton, un peu avant le dîner, est découverte morte.



J'ai beaucoup apprécié cette enquête dessinée. J'ai ressenti l'atmosphère typique d'Agatha Christie. Il faut dire que le scénariste s'est pas mal débrouillé dans son adaptation, ce qui n'est pas tâche facile dans le contexte de la bande dessinée car il faut adapter les dialogues aux dessins ou inversement. Ici l'intrigue est bien amenée et le lecteur sait que cette impossible femme passera de vie à trépas, juste attendre pour savoir quand et où.



Poirot aura reconnu la voix du jeune homme et les soupçons se tournent automatiquement vers lui. Mais le détective ne juge pas sans avoir fait travailler ses petites cellules grises.

Le dessin que certains pourraient considérer comme un peu niais ou naïf, voir simplet, me convient personnellement. Les paysages sont bien rendus et le site de Petra est parfaitement bien dessiné. Un petit chef d'oeuvre.

Quant au héros, Poirot, il est parfait avec son ventre rebondi et ses moustaches à la rebique. Le dessinateur aurait pu s'inspirer des acteurs connus ayant interprété le rôle dont, notamment, David (?) Suchet. Non, il a choisi de dessiner Poirot à sa façon et, ma foi, c'est bien réussi.



Un bon moment de détente sans prétention.
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Facteur pour femmes

28 juin 1914.

Une île au large des côtes de Bretagne.



Un archiduc autrichien assassiné par un jeune étudiant serbe. En Bretagne, et sur une île de surcroît, personne n’en a rien à « kicker » ! Sarajevo ? Connais pas !



Les marins ont du thon à pêcher et les paysans voient que la moisson ne va pas tarder. Seul Félicien, l’instituteur, en lisant le journal, trouve qu’il y a là une sérieuse raison de se préoccuper. Plus vite qu’il ne s’y attendait, les gendarmes débarquent : mobilisation générale ! On sonne le tocsin. Tout le monde est rassemblé. Ordre à tous les hommes de 20 à 50 ans de rejoindre les dépôts pour être équipés et envoyés au front. Pour une fois, la France n’a pas oublié ses « finis terrae », ses terres du bout du monde. Certains hommes y voient une belle occasion de quitter l’île. Personne ne semble envier ce pauvre Maël. Il ne partira pas, lui ! A cause de son pied-bot, il est réformé. Encore un plaisir que le jeune homme ne connaîtra pas ! Il va continuer à vivre avec son veuf de père, brutal et alcoolique.



Très vite, un problème se pose : le facteur aussi a été appelé sous les drapeaux ! Impensable de vivre sans facteur, surtout que les nouvelles des soldats seront attendues avec impatience et qu’ils espéreront recevoir des lettres et des cartes de leurs proches. Le vieux maire a bien une idée : pourquoi ne pas confier la tâche au fils Gréhat ? Maël a un vélo et il sait lire et écrire ! A l’annonce de la nouvelle, le vieux malmène son fils car il prétend qu’il a besoin de lui pour les moissons. Il n’a pas le choix.



Maël est ravi de se voir confier cette tâche et attend tous les jours avec impatience le bateau venu du continent avec son courrier.



Les femmes se sentent bien seules depuis que tous les hommes sont partis. Beaucoup ne savent pas lire. Heureusement, le facteur est là pour leur faire la lecture et, au besoin, pour rédiger une lettre ou une carte. Peu à peu, il entre dans l’intimité de toutes ces femmes… D’autant plus qu’il n’hésite pas à ouvrir le courrier et à prendre connaissance des nouvelles… Il découvre comment se rendre indispensable…



Critique :



Sans les recommandations de mon libraire, je ne me serais pas attardé sur ce magnifique album. Un facteur pour femmes… Sur une île bretonne, en plus ! Non, mais…



Séduit par les dessins de Sébastien Morice et la finesse de son trait plein de douceur, j’ai craqué ! A défaut d’un bon scénario, je pourrais toujours me consoler avec les (très) jolies images de Morice. Et là… Grosse baffe ! Le scénario est admirablement construit… Il vire même au polar ! On s’attache à ce Maël qui, pour arriver à ses fins, coucher avec la plupart des femmes esseulées de l’île, ne va pas hésiter à se comporter comme une fripouille !



Une histoire très humaine… Où les personnages ne manqueront donc pas de défauts… Mais pas que !



Si vous avez la possibilité d’acheter le coffret comprenant les deux intégrales (4 tomes), n’hésitez pas : il est splendide et l’histoire en vaut la peine.

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Facteur pour femmes

Maël est un jeune homme que tout le monde trouve un peu simplet, de plus, il a un pied-bot. C’est donc loin d’être le tombeur de ces dames…

Mais la guerre arrive et tous les hommes valides désertent le village.

Maël devient donc facteur, c’est lui qui apporte le courrier des hommes partis au front mais aussi une forme de réconfort dans les foyers, car les femmes se languissent du corps de leurs fiancés et de leurs époux.

Ajouter à ça un drame, un secret longtemps gardé et vous obtenez une bande dessinée originale, avec de l’humour et de la tendresse, sans oublier des vies brisées et tout ça, sous les embruns marins.
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Facteur pour femmes

En route pour la Bretagne insulaire, alors que l’archiduc François Joseph vient de se faire assassiner à Sarajevo. Les hommes ont été réquisitionnés et quittent l’île pour l’enfer. Tous, non, Maël, est infirme, son pied-bot qui l’a exclu depuis toujours lui épargne aussi la conscription. Et lui offre une perspective inattendue, remplacer le facteur, qui lui est mobilisé. Maël devient ainsi l’interlocuteur quasi unique de ces dames esseulées, pédalant de ferme en ferme sur l’île, recevant les confidences, apportant les nouvelles du front. Sauf que la toute-puissance le gagne, et que son rôle de vaguemestre lui monte un peu à la tête : quelle misère d’apporter des lettres chargées de drames et de larmes. Alors que c’est facile d’omettre de les lire aux analphabètes, et de corriger les écrits à celle qui peuvent les déchiffrer. Et c’est encore mieux lorsque le stratagème sert sa cause : se retrouver dans le lit des belles abandonnées.



Le personnage est ambigu : sa solitude et sa différence le rendent séduisant, son immoralité dérange, car les bonnes intentions déguisent des ambitions moins louables. Difficile de faire la part des choses. C’est toute cette ambivalence qui rend l’histoire intéressante.



Le dessin est superbe, les ambiances sont perceptibles, on en perçoit quasiment l’odeur du varech et les bruits d’u petit port de pêche de cette île imaginaire mais oh combien réaliste. L’humour est au rendez-vous, parfois subtilement dissimulé dans le coin d’une case, et incarné par une femelle à la recherche de son Raymond.



La construction est aussi très habile, car l’histoire aurait pu se limiter à cet épisode de la guerre 14-18, et pour le plus grand bonheur du lecteur, reprend quelques décennies plus tard, pour révéler des secrets inavouables.





C’est de la belle ouvrage, que l’on soit breton ou pas, ilien ou continental, féru d’histoire ou non, et même amateur ou réfractaire au genre BD .
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Facteur pour femmes

Facteur pour femmes m'a fait voyager en Bretagne car c'est avant tout un bel hommage à cette jolie région.



Nous sommes en 1914, et la vie paisible de l'île est soudain bouleversé par l'arrivée de la guerre et la mobilisation des hommes. Les femmes se retrouvent seules sur l'île, et pensent comme la plupart que cette guerre sera courte.



Maël, lui, n'est pas parti, à cause de son pied-bot et on le nomme donc facteur. Lui qui a toujours été laissé à l'écart à cause de son handicap, se retrouve donc mis en avant et bientôt il se retrouve le seul réconfort pour les femmes. Réconfort mental, puisqu'il apporte des lettres de leur mari mais aussi un réconfort charnel, étant le seul homme restant. Il va donc profité de la situation et séduire peu a peu toutes les femmes....



C'est une BD vraiment très réussite. Les dessins sont vraiment superbes et le dépaysement est garanti. L'intrigue parait simple mais, j'ai adoré les multiples rebondissements, surtout ceux des dernières pages, qui donne un tout autre tournant à l'histoire.



Cette BD est un petit coup de cœur, une pépite que je vous invite à découvrir.
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Facteur pour femmes, tome 2

Fallait-il ajouter un second tome?

Le premier ne suffisait-il pas?

Pourtant la messe était dite : les hommes avaient quitté l'ile pour aller sauver la patrie, sur le continent, la "grande guerre" comme le disait un certain et le principal héros, le consolateur, le facteur, Maël, le chéri de ces dames n'était plus, accident de vélo, seulement...

Seulement les hommes, dans ce tome-ci, revenaient, gueules cassées, traumatisés, blessés, gazés, des ombres là, où pendant ce temps les femmes avaient tenu la boutique, s'étaient substitués aux hommes absents, plutôt bien d'ailleurs.

Cependant, maris, amants, pères, fils, commencèrent à flairer dans l'air passant comme un soupçon de changement dans le caractère et les agissements de ces dames. Il y avait-il quelque chose qu'on leur cachait?



Je ne voyais pas la nécessité de rajouter quoi que ce soit au tome précèdent. Cela dit, après quelques pages tournées, mon avis changea pour m'émerveiller à ce superbe dessin de Manu Cassier et comme, ma foi, le texte de Didier Quella-Guyot se lisait bien, je pris goût à l'ensemble que je lus avec plaisir.

Il est vrai que ce tome-ci est plus à suspens que le premier, il y a l'épée suspendue au dessus des têtes de ces femmes et puis les édiles, le maire, le curé, eux savent, pas tout mais presque et quand on ne sait pas tout on cherche, mal ou faussement, on questionne et cela ne fait pas vraiment que du bien. Alors c'est bien fait, agréable à lire, des personnages de femmes, dessin compris, bien trempés, avec du caractère et du répondant comme les ont les bretonnes iliennes de surcroît.

Une bande dessinée intéressante avec un premier tome, à mon avis, supérieur au second mais ça se lit bien quand même.

Un cahier de recherches graphiques en fin d'album.


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Facteur pour femmes

Maël, c'était un peu l'idiot du village, à cause de son pied bot et des maltraitances paternelles. Mais ça c'était avant, avant la mobilisation générale en août 1914 qui a chassé tous les hommes valides de cette petite île bretonne. Avant que Maël soit chargé de la distribution du courrier à vélo - il a beau être mal foutu, il est robuste et il sait lire...



Pour les travaux domestiques et agricoles, les femmes et les enfants se débrouillent, en Bretagne on est habitué, les hommes sont souvent en mer plusieurs jours, voire plusieurs semaines d'affilée, on sait faire. Pour la tendresse, les câlins, par contre, à deux, c'est mieux... Alors on le trouve finalement bien mignon, ce petit facteur boiteux, on se consolerait bien dans ses bras, d'autant que le mari au front, on ne l'aimait peut-être pas tant que ça, on ne l'a pas toujours choisi, il ne reviendra peut-être jamais, ou tout cabossé... Maël finit par comprendre ce que les femmes attendent de lui, il prend confiance, et, grisé par le succès, devient même un peu trop hardi, le bougre !



Histoire tour à tour amusante, gentiment coquine, et émouvante. Mais un brin agaçante aussi : Maël cumule les 'mandats', trompe les hommes au front (bon, ils lui en ont fait baver avant en le prenant pour un demeuré, mais quand-même), et réconforte très intimement une femme dont le fils, mobilisé, a le même âge que lui (bof)...



Le récit est joliment mis en images avec un trait fin, des paysages bretons, des regards expressifs, et de superbes déclinaisons de bleu-gris et jaune-orangé. L'intrigue peut sembler s'essouffler et devenir lourdement répétitive une fois qu'on a compris en quoi consistaient les heures supp' de Maël, mais la fin réserve bien des surprises, au-delà des rebondissements attendus.



'Facteur pour femmes', et rien que pour elles... Qu'on ne s'étonne pas si, depuis des décennies, les femmes achètent autant par correspondance ! Les facteurs auraient-ils fait les beaux jours de la Red*ute et des 3S, le succès d'Am@zon reposerait-il sur leurs épaules (sexy) ? ;-)
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Facteur pour femmes

Quand tous les hommes jeunes ou valides sont partis à la guerre (la première) que reste-t-il dans cette petite île bretonne ? Les femmes, les enfants, les vieux et les bêtes… et Maël, jeune homme un peu simplet au pied-bot, qui va devenir bien vite le facteur attitré et accessoirement, le chéri de ces dames. Toutes ? Non, bien sûr. Maël est prudent. Il ne butine que dans les fermes éloignées, auprès de femmes qui ne se connaissent pas et ne risquent pas de se rencontrer, pour qu’aucun grain de sable ne vienne perturber ses plans.



"C’est plus facile, il le sait bien, d’être vainqueur quand on est tout seul, mais tout de même…."



Par le courrier qu’il distribue, il apprend beaucoup sur ses futures conquêtes. Car bien sûr, Maël en profite pour le lire avant et mettre à profit tout ce qui pourrait lui permettre de séduire rapidement les plus belles femmes. Pendant que Maël prend du bon temps, les maris subissent la guerre et ses horreurs. Certains reviennent. Méconnaissables, traumatisés, gueules cassées et mental en berne !



"Il ne mangeait plus, s’épuisait. Au mieux de sa forme, je l’asseyais sur une chaise de la cuisine et il passait des heures à regarder par la porte laissée entrouverte ce qui se passait au-dehors, sans bouger. Un refus total de se redonner vie. La guerre l’avait complètement déglingué…"



Didier Quella-Guyot et Sébastien Morice rendent bien la réalité des tranchées et la vie de l’île qui continue, grâce aux femmes qui peu à peu se chargent de tout ce que faisaient leurs hommes, en plus de leurs taches habituelles.



"Avec l’aide des enfants et des vieillards, les femmes assurent peu à peu et de mieux en mieux, la continuité des exploitations agricoles. Elles peinent à la tâche, s’épuisent, passant du tricot à la fourche, battant le linge au lavoir, puis frappant le cul des vaches pour les mener au pré, fauchant le foin pour l’hiver, ramassant les bouses pour se chauffer".



Les dessins sont magnifiques et la colorisation superbe ! J’aurais préféré que la fin soit plus développée et non simplement racontée par une des protagonistes de cette histoire. Mais ce n’est qu’un point de vue personnel…
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Facteur pour femmes

C'EST LUI, LE CHEF...!



C'est l'histoire d'une petite île de Bretagne, lointain confetti de la France Républicaine, cette mère supposée bonne mais très oublieuse de ses enfants les plus excentrés lorsqu'il s'agit de leur apporter les bienfaits de la civilisation. L'histoire d'une île que vous rechercherez infructueusement, qui ressemble tour à tour à Sein, à Molène, à Batz, à d'autres encore, sans être exactement aucune d'elles...



C'est l'histoire de cette petite île du bout du bout de la fin de la terre - Finis Terrae - à l'écart du monde et du temps, un petit morceau d'humanité au large des côtes, un fragment de roc et de sable sur lequel vit une de ces petites communauté de femmes, d'hommes et d'enfants qui ont pris l'habitude de ne compter que sur eux-mêmes, face aux éléments souvent menaçants...



C'est l'histoire de cette petite île, vers les débuts apparemment tranquilles de ce siècle de fureur et de sang, avec son instituteur, débonnaire et pacifiste convaincu, homme de gauche à n'en point douter, devenu maire parce qu'on suppose qu'il en faut bien un et que c'est l'homme qui sait ; un curé, bon homme mais jaloux de conserver ses âmes au plus près du Seigneur Jésus Christ et dont on sent qu'il enrage de perdre celles-ci au profit de "la laïque" ; ces hommes tour à tour marins et paysans, ces femmes dures à la tâche et qui font bien plus que seulement seconder leurs époux, n'était que ce monde tourne encore autour du mâle...



C'est l'histoire de cette petite île qui connait, comme partout, son rejeté, son gentil benêt qu'on aime à charrier, qu'on caillasse sans même prendre conscience du mal, enfant, qu'on évite et qu'on moque, homme comme femme, parce qu'il est mal conformé, qu'il est différent, qu'il est mal fichu de nature. Et tant pis si ce jeune homme-là a un prénom de Chef*, de Maître*, puisqu'il s'appelle Maël puisqu'aux yeux de tous, il n'est encore rien...



C'est donc l'histoire d'une petite île sur laquelle, avouons-le, il ne se passe pas grand chose, jusqu'à ce que...



... Jusqu'à ce que cette République très lointaine se rappelle, et avec quelle force, avec quelle violence, à tous ses enfants, ne laissant derrière elle que femmes, enfants, vieillards et estropiés ! Il s'en est ainsi fallu qu'un couple princier meure à l'autre bout de l'Europe pour que cette dernière sombre dans l'horreur sans nom que l'histoire et les hommes garderont en mémoire bien après qu'elle se fut achevée, un jour de Novembre 1918. Il en est un cependant pour qui la guerre va tout changer, tout apporter et de la meilleure manière qui soit : c'est ce contrefait, ce boiteux, ce pied-bot simplet presque invisible de Maël ! du statut de quasi sous-homme moqué de tous - à l'exception notable du curé dont il repeint avec art l'église et les décors, et de l'instituteur, par humanisme généreux et sincère -, battu sans raison par un père violent, musculeux, alcoolique, il va passer à celui de facteur et, mieux que simple facteur en temps de paix, à celui de Facteur pour femmes, puisqu'il n'y a plus qu'elles, sur l'île, à recevoir de loin en loin les nouvelles de leurs fils, maris, fiancés qui crèvent à petit feu dans ce mouroir sans nom des tranchés quand ils ne crèvent pas tout à fait d'une balle ou d'un éclat qui ne leur était pas tellement plus destinés qu'à un autre, n'était le vilain sort.



Peu à peu, Maël le timide, Maël le mal-fichu, Maël le simplet se révèle, auprès de ces femmes seules, éplorées mais néanmoins dans la force de l'âge et de leurs sinueux désirs, un compagnon discret, attentif, bienveillant et, auprès d'un nombre de plus en plus important d'entre elles, franchement tendre et aimant ! Les mois passent et la guerre qui ne devait durer que quelques jours, quelques semaines tout au plus, n'en finit pas de n'en pas finir. Maël se prend, hélas, pour un peu plus que ce qu'il est réellement : un pis aller. Agréable, affectueux, reçu avec bienveillance, bien plus fin qu'on ne se l'était imaginé, mais il n'est pas celui qui manque, celui qui est parti voir l'enfer.

Maël se prendrait-il un peu trop pour le Prince* qu'il n'est pas ? Les mois passent, et s'il comprend que la guerre tend vers son achèvement, il refuse d'admettre que cette conclusion sera aussi le point final à cette étonnante aventure, mais comment faire pour revenir à ce point en arrière, une fois que les bonshommes encore vivant, même morcelés, seront de retour...?



C'est un récit tour à tour tendre, poétique, violent, féminin, étrange, dur, drôle et au charme étrangement envoûtant que nous livrent ici Didier Quella-Guyot au scénario et Sébastien Morice au dessin et à la couleur. Derrière une certaine légèreté - celle apportée en même temps que ces courriers parfois totalement revisités par ses bons soins et pour les meilleures des raisons inventées, bien entendu - c'est toute l'âpreté de ces années incroyablement dures, douloureuses, impitoyables, traversées de plein fouet par les convulsions de l'Histoire, que nous content les deux artistes, l'un à la plume, l'autre au pinceau, par petites touches, sans même en avoir l'air.

S'il y a bien quelques petites incohérences ça et là (les femmes de ces marins-paysans totalement désemparées par l'absence soudaine des maris... Comme si leur situation géographique particulière n'avait pas fait d'elle, de tout temps, des sortes d'hommes-bis, prêtes à les remplacer au pied levé, mais sans la reconnaissance sociale. D'ailleurs, le scénariste corrigera de lui-même un peu plus tard cette supposée impossible situation. Plus loin, il y a cette femme de quarante-ans tout juste, celle dont on comprend qu'elle a reconstitué toute cette faramineuse histoire, bien après, mais qui en parait à peine vingt), c'est à une proposition graphique et romanesque de très bonne tenue, esthétiquement ravissante, que nous assistons dans cet album très réussit. Tandis que Didier Quella-Guyot parvient à alterner avec grâce et réalisme des dialogues sentant bon la simplicité populaire d'avec des lettres d'amoureux, forcément plus et mieux écrites, décrivant l'enfer du Grand Massacre Collectif, Sébastien Morice propose une Bretagne tour à tour desséchée par les vents, embruinée de mer, tordue par le soleil, empierrée de falaises, adoucie par ses femmes - pas toutes belles, non, mais toutes au charme indescriptible et profond -, un peu de cette Bretagne magique et reculée, mystérieuse et frontale que l'exotique Paul Gauguin saura si bien magnifier lors de son séjour à Pont-Aven ou qu'un Paul Sérusier, peintre méconnu mais d'une élégance humble et rare, aura transcendé tout au long de son existence, et dont il ne serait pas incroyable de penser que notre dessinateur, avec talent, s'est inspiré. On referme l'ouvrage doucement, tout doucement, de crainte de réveiller quelque démon ancien ou de céder à un long et nostalgique soupir, mais c'est tout de même avec un sourire ineffable que l'on se prend à songer à ce bizarre Facteur pour femmes et à son inattendu, son impossible harem qui ne se savait pas tel... quoique : il ne faut JAMAIS sous-estimer une bretonne !





*Maël viendrait du vieux breton signifiant Chef, Maître ou Prince.
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Facteur pour femmes, tome 2

Je n'avais pas été particulièrement convaincue par le premier tome mais j'ai tout de même eu envie de découvrir le fin mot de cette histoire. Dans le premier volume, nous suivons Maël, un jeune facteur infirme qui va distribuer le courrier pendant la guerre. Il est le seul homme à être resté sur cette île bretonne. Il va apporter du "réconfort" aux femmes dont les maris sont partis.



Ce second tome se situe après la Grande Guerre, alors que les survivants sont revenus chez eux. Les femmes cachent alors leur secret commun, avec la peur d'être découvertes un jour...



J'étais surprise de voir une suite à cette bande dessinée et assez curieuse de la lire... Je ne m'attendais pas du tout à cela, d'autant plus que j'avais oublié certains évènements qui se déroulaient dans le tome 1.



L'histoire était prenante mais je ne me suis pas particulièrement attachée aux personnages. Je souhaitais surtout savoir ce qui allait se passer. J'ai bien aimé les illustrations, qui nous offrent de magnifiques vues de ces côtes bretonnes. C'était une lecture sympathique mais qui ne me marquera probablement pas beaucoup.
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Facteur pour femmes

C'est une île bretonne comme on l'imagine, battue par les vents et les flots, il y a de la bruyère et des chardons qui courent jusqu'au bord des falaises, celles-ci avancent comme des promontoires au-dessus de la mer.

Nous sommes en août 1914. Sur cette île bretonne, tous les hommes valides sont mobilisés pour partir à la guerre. Brusquement, cette île qui vivait un peu éloignée du reste du monde est rattrapée par l'histoire, la Grande Histoire. C'est ainsi que l'instituteur écrit au tableau noir de l'école cette magnifique sentence libertaire : « aucune île n'est à l'abri des continents imbéciles ».

Seuls restent les femmes, les enfants, les vieux et ceux qui sont invalides... Maël aurait l'âge de partir à la guerre, mais il souffre d'un pied-bot. Il reste donc à quai, si l'on peut dire, et devient le seul homme jeune et vigoureux de l'île, parmi des femmes esseulées, transies d'attentes, d'espoir, puis peu à peu de désespoir au fur et à mesure que la guerre va durer...

Lorsqu'on propose à Maël de se voir confier la fonction de facteur de l'île, celui-ci accueille la nouvelle avec enthousiasme. C'est déjà une forme de revanche sur la vie, lui qui était jusqu'à présent moqué, victime du rejet des autres et sans doute en particulier de la gente féminine, à cause de son handicap. Mais sa revanche s'accomplira avec un dessein bien plus dense et complexe...

Un facteur est un passeur. Quand dès lors la guerre vient s'en mêler, nous sentons bien l'importance que revêt ce rôle. Il fait le lien entre ceux qui sont au front et leurs familles, mères, soeurs, épouses qui attendent des nouvelles... Mais au-delà de la fonction primaire de distribuer les lettres des poilus, Maël l'a vite compris, le facteur devient le bienfaiteur qui apporte l'espoir, celui qui écoute, celui qui console, celui sur lequel on trouve une épaule chaleureuse pour poser un chagrin, celui qui prend dans ses bras, les mains consolatrices deviennent peu à peu des caresses et le facteur se fait amant. Parce que ces femmes esseulées, qui attendent patiemment la fin de la guerre, rudes à la tâche, n'en sont pas moins faites de chair et de sang où bat le désir. Maël éveille ce désir chez elles et ces dernières en reconnaissance lui accordent une forme d'apprentissage à l'amour charnel. Point de sentiments, le cœur de ces femmes continue de battre dans la boue des tranchées. C'est juste une parenthèse.

L'histoire de ce roman graphique est originale à plusieurs niveaux. Didier Quella-Guyot, le scénariste et Sébastien Morice le dessinateur ont su avec harmonie composer une BD profonde et sensuelle.

Elle nous offre tout d'abord la vision de l'arrière-pays, loin des tranchées, là où la guerre se vit avec émotion, mais là où la vie continue aussi, c'est le courage des femmes qui vont continuer d'accomplir les tâches qui incombaient à leurs hommes. Ici, elles s'appellent Nolwenn, Simone, Soizig, Clémence… Les dessins ont une saveur désuète. Je les ai trouvés magnifiques. Dans cette naïveté fouettée par les embruns, ils m'ont rappelé des peintures de Paul Sérusier ou de Mathurin Meheut, un trait, une peinture typiquement bretonne, le dessin de Sébastien Morice rajoute une petite pointe teintée d'un érotisme pur beurre salé...

Et puis il y a une intrigue qui se noue au fil des planches.

Cela aurait pu être une gentille bluette, mais voilà que notre facteur de charme, par son succès inespéré, échafaude d'autres plans. Il détient une forme de pouvoir entre ses mains. C'est lui qui transmet les nouvelles du front d'une certaine manière. C'est par lui que passent l'espérance et l'effroi. Il en prend vite conscience... Un autre personnage en lui va alors se révéler, émerger dans la poursuite de son dessein revanchard, un personnage plus dense et ambigu que celui qui semblait se dessiner aux premiers abords, nous éloignant définitivement d'un romantisme désuet et de terroir, dans lequel l'histoire aurait pu totalement basculer. Didier Quella-Guyot réussit à merveille à nous capter sans relâche tout au long du récit.

Enfin, la force du scénario est qu'il se prolonge, par un rebondissement inattendu, au-delà de la guerre 14-18 et de la terre de cette île bretonne battue par les vents et le cri des mouettes... Mais, chut... ! Venez vite jeter votre ancre au bord de ses récifs...
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L'île aux remords

La couverture de cette BD est tout simplement sublime !

Ma ferveur pour cette BD n'ira pas plus loin.



Cette histoire entre un père et un fils qui se retrouvent isolés comme sur une île suite à une soudaine montée des eaux aurait pu faire un huis-clos très émouvant et intrigant.

Seulement, j'ai eu beaucoup de mal à suivre chacun dans ses souvenirs, ses regrets, ses révélations. J'ai trouvé le scénario mal ficelé, partant un peu dans tous les sens.

Je n'ai pas bien compris non plus pourquoi chacun se met à révéler ses souvenirs, ce qui les pousse à le faire à ce moment précis, sans qu'il y ait vraiment de raison. Bref, tout cela tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.

C'est dommage, car le décor et la situation de départ servis par un très joli trait et des couleurs douces et enchanteresses étaient propices à une très belle histoire.
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