Ce dimanche 7 avril 2024 marque les 30 ans du dernier génocide du XXe siècle, celui des Tutsi au Rwanda. le pays a-t-il achevé sa reconstruction après l'horreur ? Comment se passe la cohabitation entre les victimes et leurs bourreaux, en grande partie sortis de prison depuis quelques années ?
Pour en parler et analyser la situation, Guillaume Erner reçoit :
Hélène Dumas, historienne, chargée de recherches au CNRS au Centre d'études sociologiques et politiques Raymond Aron.
Scholastique Mukasonga, écrivaine rwandaise.
Dominique Célis, écrivaine belgo-rwandaise.
Visuel de la vignette : Alexis Huguet / AFP
#histoire #afrique #rwanda
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Je me souviens de la bouffée déchirante de gratitude dans mes entrailles pour l’enseignement de ce pays infernal ; on survit à l’agonie des siens, à la violence de leur absence parce que la vie n’en a cure de la mort et se suffit à elle-même.
(page 274)
Ici, les bières, c’est comme les couilles. On les fournit par paires. Et on, enfin on, on guette la dernière goutte de la bouteille pour décapsuler la deuxième. Et ainsi de suite.
Faudrait pas les faire attendre pour se soulager, vois-tu.
On qualifie cela d’être attentionnée. Accueillante.
(page 103)
J’avais envisagé des tas d’aspects. Pas les grandes retrouvailles,
Avec l’enfance. Les parents. La famille. Les amis.
La plupart d’entre eux envasés, machettés, à la latérite brune des collines.
Ces retrouvailles, c’est la rencontre avec le néant.
Le néant. Ce chef-d’œuvre des assassins,
Des bourreaux, des complices,
De leur communauté, aux mains presque propres. À la langue et aux yeux pestilentiels pour n’avoir ni désavoué ni empêché.
(page 13)
En 1997, Vincent avait participé à la Libération du pays. C’était un héros. Auréolé du martyre d’avoir perdu les siens. Un label de qualité pour cette protestante pratiquante. Tu connais les chrétiens, ces fétichistes de la tristesse, grands amateurs de la souffrance. Donc du racisme, cet infatigable fossoyeur.
(page 95)
La transformation paysagère du pays est totale et irrémédiable. Il n’y a plus d’avant. Les massacres ont siphonné les collines. La destruction se dérobe à l’espace.
(page 48)
Il s’agit de leur lente déshumanisation. Gratuite. Cadeau !
Il s’agit de cruauté. De mépris. De tortures.
Il s’agit de l’agonie, planifiée, de la dignité humaine.
De la cafardisation des nôtres.
(page 39)
Nous sommes le pays le plus propre d’Afrique. Toute cette hémoglobine visqueuse à vidanger. Alors, ça frotte, ça range, ça ramasse – ramasser, elles savent ce que c’est.
Les Mille Collines sont rutilantes.
La crasse, Lo, ici, elle est immanente aux êtres. Elle est intérieure.
(page 44)
Manzi s’est confondu en excuses. C’était bon de chialer au creux de son corps si solide, à même sa peau. De le sentir dénouer mes cheveux et, mèche après mèche, s’aventurer hors du lexique de sa réserve, lâcher le contrôle et revisiter nos odeurs.
(page 222)
Nous, ici, depuis hier, il y a vingt-cinq ans, le cap n’est pas la liberté individuelle. C’est la libération. Collective, d’abord sortir de notre condition de cafards ou de chiens. Devenir des sujets !
(page 229)
Je suis arrivée au passage piétons, devant une des entrées du Kigali Heights. Un véhicule militaire s’est arrêté pour m’accorder la priorité, d’un geste de main agacé du conducteur. Les autres automobilistes, bernique ! Tu connais l’Afrique. T’es à pied, t’es un pauvre, un minable, tant pis pour toi !
(page 152)