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Citations de Dominique Guyaux (13)


Une autre affaire de repères, comme ceux de l'esprit, de repères encrassés. Je pétais les plombs: dans leur graisse, je ne voyais que la preuve de la saturation de leurs corps, que les limites de leur capacité d'élimination..., et d'assimilation. Leurs repères étaient gras et moi j'étais maigre, très maigre, et je n'avais que cette histoire à la bouche, cette histoire qui compliquait tout et dérangeait leurs compromis. Je heurtais les sceptiques, ceux qui tiraient sur les mots avant même qu'ils ne soient devenus phrases, ceux qui condamnaient sans comprendre. Je heurtais les tolérants, les curieux démagos, les: pensez donc, avec cette maladie..., si ça marche..., faut continuer...: leur compassion était à la hauteur de leurs craintes. Ils étaient tellement effrayés à l'idée de remettre en question ce qu'ils croyaient être leur nature, que toutes les armes étaient bonnes pour la défendre. Un univers si fragile, qu'ils avaient eu tant de mal à structurer, qu'un autre regard risquait à lui seul d'en détruire les fondations. Et ils tiraient sans sommation.
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et si cette spectaculaire évolution n'était qu'une extraordinaire coïncidence, et que je puisse remanger cuit sans que rien ne se passe? Il faisait chaud. Le bateau restait fermé à longueur de journée car maintenant, la pluie semblait avoir toujours fait partie du décor. Il faisait vraiment très chaud et humide aussi ..., je devrais peut-être vérifier, prendre quelques précautions? Juste pour voir, juste une fois... Débat: un petit diable rouge faisait la nique à un ange bleu, lui prêtait ses nippes et sa queue, et l'autre sa belle gueule et ses ailes. J'étais perdu: expérience? ou fallacieux argument d'une trop faible volonté?

N'étant pas encore tout à fait convaincu par cet histoire de manque qui taraudait ma volonté, par cette manigance de drogué qui me faisait tant hésiter, je tournais et retournais mes arguments. Mais le spectre de la chaise roulante rôdait et je me fustigeais rien qu'à l'idée de craquer. A l'idée que mes actes pourraient me rendre responsable de ma chute. Accusés, levez-vous, au pluriel du coup, et ma mère se levait, celle qui m'avait nourri au lait de vache et m'avait ensuite appris les petit plats. Et mon Père aussi, et tous les adultes qui depuis toujours ... Une fois, juste une fois, pour me détendre, me jeter sur un plat de spaghetti et bâfrer jusqu'à en ressortir groggy, une simple "expérience", pour voir, comme au poker. Sauf qu'au poker, on paie d'abord.

Je savais pourtant bien qu'un tel écart ne prouverait rien, que pour tirer des conclusions valables, il me faudrait pousser l'expérience jusqu'au retour de symptômes incontestables. Je ne me sentais pas prêt à affronter ça pour moi seul car je n'avais déjà plus besoin de preuves. Mais il y avait les autres: juste pour clouer le bec aux psychiatres, aux médecins, aux amis et aux inconnus, à tous ceux qui entendraient un jour parler de ce type qui avait guéri sa sclérose en plaques en mangeant tout cru.
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Un mois dans cet l'hôpital, un tout petit mois de rien du tout, mais en revenant sur le port d'Hyères, je n'ai rien reconnu. Les digues n'avaient pourtant pas changé de place, ni les couleurs de la mer qui couraient du bleu au noir en traînant par moment vers l'argent. Les palmiers étaient toujours coincés entre bistrots et bateaux et agitaient encore leurs grands bras sous les rafales d'un Mistral qui faisait aussi gémir les haubans des bateaux. Le flot de touristes, allant d'ailleurs à nulle part, s'écoulait en longeant les terrasses bondées.

Les détails n'avaient pas changé, c'était seulement la matière première du monde qui, me semblait-il, avait changé de structure. Interloqué par cette réflexion, je me suis arrêté près d'un palmier et j'ai posé une main sur son tronc rugueux. Je voulais qu'il me reconnaisse mais la foule nous pressait. J'ai cherché des mots vrais, des mots pour qu'il me raconte encore la caresse du vent et réveille celle de l'espoir.

Je ne les ai pas trouvés. Si je le caressais, peut-être? Mais il a continué d'agiter ses grandes palmes comme si de rien n'était. Nous ne parlions plus le même langage et j'ai senti qu'un poids très lourd se posait sur mes épaules: désormais, plus rien ne serais jamais plus comme avant.
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J'en suis resté pantois. La Puce, toute aussi retournée que moi, était venue chercher du réconfort à mes côtés et pour me dire sa détresse, elle me glissait des gémissements mielleux accompagnés de langoureux plissements des yeux. Ensuite, voyant que j'étais trop occupé par le grain, elle a changé de registre. Elle s'est mise à frotter sa frimousse sur mon visage avec une préférence très marquée pour le nez. J'avais d'autres choses en tête et je n'ai pas cédé. Mais, elle avait plus d'un tour dans son sac, elle pouvait encore brancher son générateur de ronron turbocompressé. Si je ne craquais pas malgré ça, elle ne me laissait pas le choix, elle me plantait ses crocs dans le cartilage du nez. J'ai donc capitulé et elle s'est retrouvée en boule sur mes genoux.
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Mais le sort en a voulu autrement. Mon siècle de fatigue sur les épaules, je me suis mis à remonter quatre à quatre les marches de la vie. Adieu cachets, piqûres, maux de tête, paralysies et autres visions troublées et fatigue, fatigue, fatigue...

Le doute et la prudence me disaient de ne pas trop y croire et pourtant un moi plus tard , j'avais retrouvé mon corps d'antan, j'étais tout neuf. J'allais dire "comme avant" mais c'est faux, je ne serai jamais plus "comme avant", j'étais devenu bien plus que cela, j'étais presque devenu moi.

Aujourd'hui, après avoir passé près de cinq années sans que l'ombre d'une seule crise ne vienne obscurcir mes horizons, que je marche, que je cours, que je vois et vis comme tout le monde, je me dois de transmettre le récit de mon retour parmi les hommes.
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Dans la renaissance que je vivais, les autres ne voyaient qu'une maigreur maladive. Comment était-ce possible? Une déviation de la pensée, que leurs complexes, de "à peine enveloppés", amplifiaient à la démesure. Un dérèglement qui dépassait leur jugement et se réfugiait dans un rejet en bloc
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Chaque mille que je devais parcourir en valait dix, les jours passaient et, mes vivres baissant, j'ai commencé à ressentir un manque. Pourtant, je mangeais "normalement", mais il me manquait toujours quelque chose. J'ai cherché dans le bouquin, et j'ai trouvé: j'étais un camé. Un camé en manque de ces drogues qui, depuis ma naissance, encrassaient chaque cellule de mon corps. Ces molécules issues de la cuisson, ces "génétiquement inconnues", criaient maintenant par leur absence. Mais de le savoir n'y changeait rien. Ce manque, cette frustration qu'une aride alimentation n'arrivait pas effacer, me heurtait le raisonnement de plein fouet: je pensais avoir faim... et j'avais pourtant le ventre plein.
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Mais que se passait-il donc? Il n'y avait pas si longtemps que cela, j'étais un malade, un homme condamné à la chaise roulante, un rebut de la société active, un perdant. Et voilà qu'à peine sur pieds, au lieu de crier ma guérison, de claironner sur tous les toits ma vue retrouvée et ma jambe ressuscitée, je ne pensais qu'à chanter la paix qui me submergeait. Comme si le reste n'était déjà plus qu'un détail, comme si tout à coup, le bonheur de la fleur avait plus d'importance que la fleur elle-même. Qui allait me croire? J'ai pris de quoi écrire et j'ai commencé à tout leur raconter. Presque tout, car mes doutes étaient encore trop pressants pour que j'en fasse état.
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- Elle est encore là, la dame qui a poussé ces hurlement la nuit dernière?

Elle n'était pas sur ses garde et avait répondu sans réfléchir.

– Ho! Celle là, avec les crises qu'elle nous fait, elle n'est pas prête de sortir.

– Qu'est-ce qu'elle a?

– Une sclérose en plaques et on ne peut pas grand chose pour elle.

Je l’avais piégée mais le plaisir de la victoire n’a que peu duré. Un long frisson m’a parcouru l’échine et l'expression de mon visage a trahi mon émoi. L'infirmière a eu une petite moue fautive et s'est éclipsée sans rien ajouter.
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Mais la nuit n'a pas voulu de moi, elle est restée dehors, avec les vivants, les vrais, ceux qui dorment.
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Un brouhaha, d'abord lointain, s'est amplifié au fil des minutes. Des bribes de phrases se sont esquissées et, soudain, je les ai vus; leurs blouses encadraient mon chevet en formant une muraille qui semblaient me cacher l'avenir. Le plus âgé a commencé à poser des questions et, de temps à autre, un élève levait timidement un doigt.

Je n'étais plus qu'un objet, un cas d'école, une petite souris résignée au regard apeuré.

– Je reviendrai dans la journée, a dit le docteur en sortant.

Alors, le silence s’est transformé en camisole.
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(son père) Devenu commandant à l'âge de 33 ans, j'avais été très fier de voir sa photo dans le journal sous l'étiquette de plus jeune commandant de France. Comme le Christ, se plaisait-il à préciser dans un grand éclat de rire. Et des années durant, j'ai cru que le Christ aussi, avait travaillé dans la marine marchande
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Tous les bateaux sont habités par des génies. Il y a les bons, qui vivent à bord, et les méchants qui rôdent dans le sillage. Les premiers sont là pour guider l'avenir, un peu comme des phares. Les seconds sont des vestiges d'échecs, des souvenirs d'écueils que le bons génies n'ont pas su écarter de la route du bateau.

Et ils vivent en harmonie parce que leurs histoires sont liées. Et, si l'on veut changer le nom du bateau, lui offrir un nouvel avenir, il faut faire un sacré ménage dans le sillage. Sinon, c'est une vraie pagaille. L'âme du bateau perd le sommeil et sa mémoire ancestrale se trouble.

J'étais fasciné par cette histoire. Mon père y tenait la place d'un être surnaturel. Un sorcier de la mer, un homme à qui la sagesse avait ouvert les portes de l'au-delà.
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