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Citation de PATissot


Jeudi 26 juillet

Je pleure depuis hier soir, tant j'ai de la peine. Ma rose de Luther, la médaille que j'aimais tant, le seul objet laissé par maman, a disparu ! Je l'ai perdue ! Impossible de me résoudre à l'admettre ! Moi qui l'avais glissée sur ma poitrine, pour éviter précisément de l'égarer, elle est tombée ! Partie ! Envolée ! N'est-ce pas M. Simon qui m'avait recommandé de la mettre à l'abri lorsqu'il l'avait retrouvée dans ma chambre ? Je ne l'ai pas écouté. C'est de ma faute !
Si je réfléchis bien, c'est en dansant que j'ai l'ai sûrement perdue. . .
Si c'est le cas, il m'est impossible d'aller demander si on l'a retrouvée : une rose de Luther, un symbole protestant à Versailles. . . C'est proprement inconcevable, voyons ! Sans parler des soupçons qui peuvent peser sur moi. . .
J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je n'y vois aucune solution. . . Et c'est bien ce qui me navre, qui m'attriste. . .
Une petite satisfaction, cependant : mes initiales S. B. . . . On se creusera peut-être longtemps la tête, mais personne ne parviendra à m'identifier. Mon premier prénom aura au moins servi, dans ce cas présent, à quelque chose : me protéger.

Mercredi 1er août

Ce que je viens de vivre me glace le sang. J'hésite à le raconter car je sais depuis tout à l'heure que je suis épiée. Pire, je viens d'être démasquée. . .
J'écris lentement car ma main tremble et ma tête bourdonne. Mais je tiens à le rapporter, même si je continue à cette allure d'escargot. Peu à peu, je me calmerai et pourrai remettre ma tête en place, réfléchir à ce qui m'arrive.
À la hâte, mal réveillée, je suis sortie ce matin de ma chambre pour rejoindre Liselotte, comme Madame me l'avait hier demandé. Juste le temps de me rajuster, de me tapoter sur les joues pour me donner bonne mine, et de glisser dans la poche intérieure de mon manteau ma bible ( enfin, celle de M. Simon ). . . J'ai hésité un instant, mais la perspective de passer un long moment dans les jardins à l'abri des regards m'a décidée à la prendre.
À grandes enjambées, j'ai parcouru le couloir aussi vite que j'ai pu. Au pied de l'escalier, par scrupule, je marquais un temps d'arrêt pour m'assurer que le livre était toujours sur moi. Je tâtais le tissus de la poche de gauche, celui de la poche de droite. . . Rien, il n'y avait plus rien ! La bible avait disparu ! Mon cœur cognait dans ma poitrine ; les jambes molles, je revins sur mes pas. . . Stupeur : un homme habillé en noir, dont je ne voyais que le dos, était en train de feuilleter mon livre et de le laisser tomber ostensiblement, avant de s'enfuir en courant. . . Que faisait-il là ? Que voulait-il ? Je crus que j'allais défaillir. . . C'était certain, il m'avait suivie. . . On me guettait !
J'ai plaqué le dos contre le mur pour reprendre mes esprits ! Puis, je me penchai pour ramasser le livre. C'était bien le mien. Une sueur froide me glaça le front. Quelle malédiction ! La rose de Luther était une perte irréparable à mes yeux, mais la bible de M. Simon était d'une toute autre importance. Sur la première page, elle portait son nom. Ce qui le compromettait en même tant que moi ! C'était très grave !
La gorge serrée, j'ai retrouvé Liselotte avec laquelle j'ai passé un moment bien troublé. Ensuite, les mains moites et la mort dans l'âme, je me suis dirigée vers l'officine. Il fallait bien que je l'apprenne à M. Simon !
- Notre maître est parti à Marly, mademoiselle ! m'annonça un des garçons. On ne sait quand il sera de retour. . .
Un soupir de soulagement s'échappa de ma poitrine. Mais mon angoisse reprit vite le dessus. Ce n'est que partie remise. Je sais qu'il me faudra le dire tôt ou tard à mon ami.

Samedi 4 août

J'ai tout raconté à M. Simon. Avec calme, il m'a laissée parler. Pour me rassurer, il m'a dit que l'on connaissait ses origines protestantes, ici, à la cour. Il a reconnu qu'en ce moment, il était assez malvenu de les évoquer et de les étaler. J'ai bien senti qu'il était fort contrarié. Face à mon désarroi, il n'a pas voulu laisser paraître.
- Vous devez redoubler de prudence, Angélique, c'est une obligation !
Il s'était rapproché de moi et son air était presque suppliant. . .
- Je ne sais qui s'intéresse à vous ainsi, mais vous avez tout intérêt à suivre ces conseils : fermez bien votre porte, ne laissez rien traîner dans votre chambre et rapportez la bible ici. C'est là qu'elle sera le mieux à l'abri. Venez la consulter le soir quand il vous plaira. Les temps sont de plus en plus troublés pour nous autres protestants. . . Nous devons nous méfier !
En retranscrivant les propos de M. Simon, je viens de me rendre compte qu'il me considère comme une de ses coreligionnaires : " nous autres protestants ". Eh bien, oui, je l'admets, je déclare être protestante !
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