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Rencontre avec les écrivains de Marine, organisée dans le cadre du Rendez-vous des Écrivains de marine, qui a eu lieu le 22 juin à la librairie dialogues à Brest, avec pour invités : Patrick Poivre d'Arvor,
François Bellec, Marie Dabadie, Dominique Lebrun et Jean Rolin.
Entretien mené par Charles Kermarec.
Réalisation : Ronan Loup.
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La fortune favorise les audacieux et Surcouf semble être son enfant gâté.

Des Antilles, sur un appel pressant de George Washington, l'escadre appareille pour la Virginie, emmenant 3 300 soldats. Le 30 août 1781, ce corps d'armée est débarqué en baie de Chesapeake et, le 5 septembre, une force navale anglaise se présente. Avec 24 bâtiments, contre 21 pour leurs adversaires, les Français bénéficient d'une légère supériorité stratégique. Mais surtout, leur allant provoque des ravages chez l'ennemi. Placée en avant-garde, la division de Bougainville montre une grande efficacité. La bataille ne dure que quelques heures, du milieu de l'après-midi à la tombée de la nuit, mais elle est sanglante : sur l'Auguste, Bougainville perd 67 hommes. De Grasse n'est pas avare de compliments, affirmant par la suite, à Rochambeau et à Washington, que l'élément déterminant de la victoire de la Chesapeake ne fut autre que Bougainville. Après son repli, la Royal Navy ne tentera pas une nouvelle attaque. Dès lors, ayant obtenu la supériorité maritime, les armées américaine et française peuvent se concentrer sur l'attaque de Yorktown. Et la prise de ce point stratégique va marquer le début de la victoire américaine, et un jalon décisif vers l'indépendance.
Ce dernier prétendait que les Français ne se battaient jamais que pour de l’argent, tandis que les Anglais ne combattaient que pour l’honneur et pour la gloire !
Eh bien ! Qu’est-ce que cela prouve, lui répondit le Maloin, sinon une chose, que nous combattons chacun pour acquérir ce qui nous manque ?
Ayant la chance de ne pas être incommodé et donc de se trouver intellectuellement dispos, Bougainville a enregistré beaucoup de choses. Le vocabulaire dont il use le démontre. Comme un marin, il parle de lames et non de vagues ; il évoque un gaillard d’arrière engagé dans l'eau et non submergé par l'eau. En revanche, la phonétique lui joue des tours : les navigateurs ont sûrement parlé d'un appareillage « de conserve avec le Héros », une expression devenue « de concert avec le Héros ». Or la signification maritime de l'expression n'est pas la même. En effet, « de concert » signifie que les deux bâtiments se sont accordés pour appareiller au même moment (ils se sont concertés pour prendre la décision), alors que « de conserve » signifie qu'ils ont l'intention d'effectuer la traversée ensemble, en vue l'un de l’autre, prêts à se porter mutuellement assistance.

En 1809 enfin, il est choisi pour présider le conseil de guerre relatif à la défaite de Trafalgar.
Lorsqu'il s'installe derrière la table des jurés, entouré de l'ancien secrétaire d'État à la Marine de Fleurieu et des vice-amiraux de Rosily et Thévenard, Louis Antoine de Bougainville est un vieux monsieur de quatre-vingts ans. Mais il se souvient sûrement avec une acuité toute particulière de ce mois de mai 1784, à Lorient, lorsqu'il fut lui-même jugé. Voici de cela vingt-cinq ans, il se trouvait dans la situation où se trouve aujourd'hui le contre-amiral Dumanoir. Le 21 octobre 1805, lorsque la flotte de Villeneuve a été défaite par celle de Nelson au large du cap Trafalgar, Dumanoir, commandant l'avant-garde de l'escadre française, aurait manqué à ses devoirs. Ironie du destin, voici Bougainville président du jury face à un homme sous le coup de la même accusation que celle qui, autrefois, mit un frein à sa carrière. Car entre la bataille des Saintes et celle de Trafalgar où l'on vit Nelson couper la ligne de bataille pour encercler la partie de la flotte française ainsi isolée, la similitude est frappante.

Pour Bougainville, tout cela paraît cependant bien déconcertant.
Dire que dans les premiers jours de décembre 1776, comme lui-même prenait le commandement du Bien-Aimé, un audacieux petit bâtiment se glissait en rivière d'Auray afin d'y débarquer un envoyé des jeunes États d'Amérique en lutte contre leur colonisateur. L'homme s'appelait Benjamin Franklin, que les militaires de la guerre de Sept Ans connaissaient pour avoir affirmé : « Point de repos pour nos treize colonies tant que les Français seront en Amérique. » Eh bien, cet homme-là venait maintenant implorer Louis XVI de lui apporter une aide militaire pour chasser les Anglais.
Et qui l'avait envoyé ? Un certain George Washington. Washington, le colon américain qui avait commandé cette attaque traîtresse, en vallée de l'Ohio, à l'origine de la guerre du Canada, et par suite de l'éviction de la France !
Désormais, depuis le 8 février 1778, chacun sait à quoi s'en tenir : le traité de commerce et d'alliance signé entre la France et la République américaine ne peut pas être perçu par les Anglais autrement que comme une déclaration de guerre.
Comment Louis XVI le pacifique en est-il arrivé là ? L'opinion publique... Car entre le fougueux marquis de La Fayette qui ne parlait que de recruter une armée pour aller se battre aux côtés des insurgents, et Beaumarchais l'homme de théâtre et homme d'affaires qui leur livrait armes, munitions et matériel en contrebande, il n'y avait plus de place pour une diplomatie pusillanime.
Je suis voyageur et marin, c'est-à-dire un menteur et un imbécile aux yeux de cette classe d'écrivains paresseux et superbes qui, dans l'ombre de leur cabinet, philosophent à perte de vue sur le monde et ses habitants, et soumettent impérieusement la nature à leurs imaginations. Procédé bien singulier, bien inconcevable de la part des gens qui, n'ayant rien observé par eux-mêmes, n'écrivent, ne dogmatisent que d'après des observations empruntées de ces mêmes voyageurs auxquels ils refusent la faculté de voir et de penser.

A ce moment précis, tourné vers l'arrière, j'ai vu le premier une grosse vague en forme de pyramide se dresser et remonter notre sillage. Elle a saisi le Centurion sous la hanche en provoquant un coup de roulis terrible. D'abord la bôme a pointé vers le ciel et le tangon du foc a rasé la vague. Dans un second temps, c'est la bôme qui a touché l'eau. J'ai été assez heureux pour pouvoir en larguer la retenue assez tôt afin d'éviter la casse, mais pas assez vite cependant pour que le léger croche-pied de la bôme dans la mer ne fasse partir Préludes en travers. Le voilier s'est couché en filant droit vers la côte. Un grand tumulte est monté du carré où tout ce qui n'était pas amarré valdinguait. Le vent a pris le foc à contre, ce qui a stoppé l'auloffée; et comme derrière la vague isolée qui nous avait surpris, la mer demeurait relativement calme, Michel Pouliquen a pu remettre le bateau en route sans peine. Rien dans le gréement n'avait bronché: le Centurion est un bon bateau!
« D’où vient donc cette étrange attirance de ces régions polaires, si puissante, si tenace qu’après en être revenu, on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu’à retourner vers elles ? »
Jean-Baptiste CHARCOT, exergue du livre.
Combien voit-on de personnes capables des plus hautes entreprises, languir dans l'oisiveté faute d'avoir les choses nécessaires pour les exécuter ! Il n'en est pas de même des flibustiers ; leur génie supplée au défaut de leurs moyens : ils ne manquent jamais d'invention pour trouver des munitions de guerre ou de bouche.
(Dans "Chirurgien de la Flibuste". Extrait d'écrit de 1678 d'Alexandre Oexmelin )