L'heure des adieux approche. Il évite les discours comme il a toujours fui la moindre responsabilité. Il a multiplié les stratégies pour en dire le moins possible, taire ce qu'il est. Il a préféré écouter, parler des autres, il a choisi une place idéale. Mais, à trente-huit ans, il a vieilli avant l'heure, il est devenu cet homme qui s'en fout, sans le revendiquer, sans ostentation. Il fait mine de continuer à s'intéresser aux avis de ceux qui l'entourent. Il les observe, entend fuser les idées, parfois brillantes, qu'il ne se donne pas la peine de chaparder. Il a publié de trop rares histoires humaines, vraies, sincères, simples.
Au moment où Anaïs et Paul ont le courage de s’effleurer, la vie les éloigne et les abîme dans des projets qui, peu à peu, s’effritent. Comme un fil d’Ariane, une œuvre musicale déploie sa magie pour les unir à nouveau. Alors ils rejoignent les contrées où leur histoire est restée inachevée, la terre de leur adolescence.
Les amants maudits vont inventer des armes singulières pour se reconquérir et affronter ce qui est trop grand pour eux : places abandonnées aux quatre vents, fantômes de parents partis trop vite, héritages de famille et magots légendaires, remuant un passé où plus personne n’ose s’aventurer.
Anaïs freine sa course folle et tombe, essoufflée, dans ses bras. Sans répit, il lui confie le fil de ses pensées :
- Pourquoi tu ne m'as rien dit, au conservatoire ?
Les secondes glissent, il contemple les joues roses :
- Je ne me voyais pas te demander pourquoi tu m'avais humiliée de la sorte.
- Mais comment as-tu pu penser que j'étais capable de te blesser ?
- Je venais de te conter un mensonge auquel je ne croyais pas, mais j'étais prisonnière de ce que j'avais dit aux autres. Je n'ai pas osé te dire la vérité. Je me suis persuadée que tu savais, et que tu me considérais comme une menteuse.