Il y a deux sortes d'écrivains : ceux pour qui le langage est le but, et ceux pour qui il n'est qu'un outil. Ces deux races sont irréconciliables. Flaubert incarne le premier type. Son art de taxidermiste ne laisse rien au hasard. Ses phrases ont les yeux de verre des animaux empaillés. Toujours l'Université polira sa statue, toujours elle ignorera le rossignol. Avec beaucoup de travail on peut devenir un Flaubert, mais on ne peut pas devenir un Bobin, une Dickinson ou un Grosjean, parce qu'ils ne sont "personne". Rien que le souffle de leur écriture traversière --- mais plus contagieux qu'une rougeole !
La flûte enchantée est d'un bois ordinaire. C'est seulement quand celui qui en joue a le coeur limpide sue le miracle advient. C'est par un souffle de cristal que les soufis atteignent le ravissement. Un air de flûte éclaire secrètement l'écriture de Bobin. Un simple feutre noir est la flûte dont il tire les airs qui aimantent les lecteurs. (préface de Lydie Dattas)
L’école lui apparaît comme un univers d’incompréhension où règne la froideur du collectif. Les propos des maîtres ne le concernent pas et ce qui intéresse ses condisciples le laisse indifférent. Les premiers quinze jours qu’il y passe, il ne fait que « hurler avec l’effroi de ne rein comprendre à ce qui réjouissait les enfants de son âge ». Il ajoutera : « A l’abattoir de l’école maternelle, j’ai compris une fois pour toute ce qu’était le monde. »
Les livres. Ils sont sur ma table. Je les ai ouverts, au hasard. Je les ai feuilletés.
Un apaisement est venu […] Un bonheur de lire, dont je ne savais pas avoir besoin, antérieur à l’acte même de lire […] Puis j’ai fermé les livres. Plus tard. La lecture viendrait plus tard, bien plus tard.
Christian Bobin – L’enchantement simple
Le passé de chacun est comme la traîne que tire derrière lui un roi exilé; elle est brodée d'animaux et de fleurs héraldiques en fil d'or, mais elle est également souillée et percée.Elle s'use à mesure que l'on avance et qu'on essaie de la ravauder avec des souvenirs plus ou moins justes.
Mon pays, c'est l'écriture. Mon pays est minuscule. Il fait vingt et un centimètres de large sur vingt-neuf de long. Mon pays c'est la page blanche et elle seule.
Rarement une écriture aura donné un tel sentiment de plein air et de liberté que celle de ce poète qui n’a jamais quitté sa chambre.
Ayant fait mienne cette idée du dramaturge anglais Marlowe : "Il n'y a pas de beauté sans quelque chose d'étrange", je suis peu sensible à la beauté canonique des femmes : m'intéresse toujours qu'un léger défaut, un léger déséquilibre dérange la perfection et, dans le cas de cette femme, c'étaient cette monture et des verres épais qui enchâssaient comme les veines d'une agate des yeux très bleus.
…il sait quelle tyrannie exercent les images et combien elles aveuglent plus qu’elles ne font voir.
Les livres que l'on écrit, ils se perdent dans les bras des lecteurs dans les rivières de leurs yeux, dans la forêt de leurs songes. Ils ne reviennent plus jamais vers l'auteur, qui n'existe plus. L'auteur, c'est le lecteur, il n'y en a pas d'autre.
Il se lie à peine avec ses condisciples : toujours cette crainte du collectif.