Citations de Dominique Sampiero (165)
Quand il ferme les yeux Jean voyage dans le pays de ceux qu'il aime : renard, tilleul ou jeune fille. Son âme est une vitre pleine de ciel.
La parole est si forte en lui qu'elle écrase sa langue et la tient serrée contre son palais, attachée à un piquet comme une chèvre. Les hommes et les femmes du village le prennent pour un idiot.
En fait, il est ivre de mots plus grands que son corps. Le son de sa voix le terrorise.
C'est encore cela l'hiver, cet anéantissement qui échoue, cette métaphore du néant dans le ralentissement de toute vie, comme si le vide cherchait le vide pour féconder d'autres germes en lui.
Dans un dernier rameau de soupir, tombé de la bouche comme un pétale du vase, quelque chose ou quelqu'un s’éloigne dont on ne sait rien, agitant dans l'air un tourbillon de silence qui soulève du vide et la lumière dans la chambre, sans un bruit. Celui qui meurt rejoint tous les savoirs. Et plus encore. De l'être à profusion caché sous ses paupières lui ôte toute envie d'ouvrir les yeux à nouveau.
Tu dors dans le rehausseur à l'arrière. Ta tête est tombée comme un pétale dans mon rétroviseur.
Je pense à ton poids plume entre mes mains. A mon poids plume sur le carrelage de la maternité. A la fragilité qui m'est confiée rendant précieux mon souffle, le moindre de mes tremblements.
Dans le miroir, en plein milieu : un beau, un vrai sourire ! Jusque dans mes yeux!
Je file en vitesse chercher la miss à l'école.
Fais attention à toit. Ne reste pas seul dans tes coups de cafard.
Et s'il te paît, protège-moi de ta tristesse.
Moi aussi j'ai besoin de toutes mes forces.
Bises
TIFF
( p 106)
La lenteur à posé un oiseau en haut, tout en haut du pylône. Monarque des gouttières, sa silhouette règne sur le désordre flamboyant des branches dévoreuses d'espace.
L'œuvre nous épuise et nous façonne.
Tu es le mot qui dévore…
Tu es le mot qui dévore la vie et je tisse ta présence entre ceux
qui se sont endormis dans leur source, ce n’est pas moi qui
vient manger dans ta main, ce n’est personne, je suis juste une
vitre pour laisser passer ton cœur de verre, ton éclipse dans tes
beaux habits de signifiant. Quand je ne sais plus où poser mes
mains ni dans quelle direction aller, tu m’ouvres les yeux, tu
traduis en intervalle le parfum de mes épaules.
Le rebutant n'en peut plus d'aimer sans aimer, de parler sans paroles, de marcher sur les chemins, sans corps et sans jamais laisser la trace de ses pas courir dans les rivières. Le rebutant n'en peut plus d'être, de ne pas être, de grandir vers le bas, de se débattre avec le ciel comme une feuille morte.
( p.63)
Chaque jour lui demande de vivre sans objet, sans personne à aimer, à aimer quoi ? Le vacillement de la chute dans son corps.
( p.53)
Le rebutant est pris en otage dans la ville, tout le monde s'en fout.
Des regards comme des hangars, en friche, en ruine, terrain vague où l'herbe ébouriffe de front (...)
"L'enfance passe de l'orage à l'averse, de la face grimaçante au sourire de béatitude, comme si l'argile de son front était pétri par l'eau, l'air, les doigts de la lumière."
Nuit alors n'en revient pas
de se souvenir
Nuit ne ressemble
à rien
mais regrette
le mystère
Dos au mur
nuit se lasse
d'être en haut
p.39
Elle saisit une vieille tartine entre ses mains, une belle tranche momifiée de campagnard, raide et dure comme la pierre, trempe la morte dans une assiette de lait, attend de ramollir ses contours, puis la baptise d’œuf battu et crémeux, pour la jeter enfin ressuscitée dans l’enfer noir et grésillant de beurre d’une poêle large comme un trou noir...
Extrait 5
Dans la chambre, j’ai déposé ton corps
de soie nocturne entre les draps du lit
ouvert. Je n’ai pas éteint au contraire,
j’ai voulu voir fleurir sur ton col la
fraîcheur de ton visage.
Extrait 4
Alors j’ai marché dans toutes les pièces de la
maison comme au premier jour de notre
rencontre en tenant ta petite robe noire par
la taille.
J’ai souri au plafond, aux murs blancs qui
portent encore la trace de toutes tes photos.
J’ai souri au miroir qui porte encore la trace
de mes lèvres sur ton front.
Extrait 2
Un matin, j’ai ouvert toutes les portes de la
maison et j’ai invité le nuage le plus animal à
entrer. Puis j’ai décroché ta petite robe noire
de son cintre de bois clair dans l’armoire
cirée où dorment encore toutes tes
enveloppes.