Dominique de Villepin est l'invité du 7/9 de Pierre Weill et répond aux questions des auditeurs de France Inter
N'oublions pas qu'après la guerre, il faut construire la paix.
Les grands pôles n'ont pas vocation à s'équilibrer dans une quelconque paix armée, comme au XIXe siècle. (...) La vision française de la multipolarité ne vise en aucun cas à organiser la rivalité ou la concurrence, mais bien la responsabilité, la stabilité et l'initiative.
Dans l’épreuve, la loyauté et l’esprit de service s’incarnent souvent dans les plus humbles.
C'est vrai, l'esprit de cour est en chacun de nous. Il se déploie au contact du pouvoir, aussi petit soit-il et quel que soit son domaine: politique, administratif, entrepreneurial ou sportif. La définition de la puissance suscite depuis toujours la peur et attise l'intérêt, conduisant à un comportement individualiste et à des attitudes qui sont de tous les temps et de tous les pays.
Par son histoire, la France a été sa terre d'élection.
A l'aristocratie fermée s'est substituée une oligarchie en réseau, encore plus conservatrice car fragile et marquée par les purges en cascade de la régénération robespierriste. La peur de perdre engendre une dérive suspicieuse qui banalise la pratique du complot, arme de cour par excellence au profit de la conservation des hommes et des mentalités voulue par la minorité consanguine accrochée au pouvoir. La vanité, la jalousie, le lucre sont ses mobiles,; la flatterie, l'intrigue et la corruption ses moyens; le courage, la sincérité et l'esprit de service ses ennemis. Bonaparte, qui prend les hommes tels qu'ils sont, escompte mettre leurs défauts à son profit en jouant des divisions, quitte à les aviver pour mieux préserver sa suprématie.
En quelques instants, les doigts et les pieds gèlent. Les chevaux, en dépit des supplications de Caulaincourt, n'ont pas été ferrés à glace. En conséquence, ils glissent, tombent et meurent, entraînant dans leur chute canons et fourgons, voitures de civils, femmes et blessés, bientôt laissés à l'agonie faute de pouvoir les transporter. On assiste à une catastrophe en chaîne. Affamé, meurtri par le gel, le combattant n'existe plus, l'homme régresse en bête sauvage n'hésitant pas à assassiner ces chevaux qui seuls pourtant peuvent le sauver.
Le courtisan moderne ne diffère guère de celui de Louis XIV, sauf qu'il n'est plus identifié en tant que tel, ce qui le rend encore plus redoutable car il avance masqué.
L'Art et la littérature élèvent-ils là où le pouvoir rabaisse?
Chaque guerre appelle une nouvelle guerre.
Vient bientôt l’agonie. Avec un talent littéraire rare chez un officier de l’époque, Montesquiou raconte le dernier acte, le plus souvent vécu comme une délivrance : « Tous périssaient de même, c’est-à-dire brusquement et sans s’y attendre. L’engourdissement les prenait debout ; ils continuaient cependant à faire quelques pas, puis ils trébuchaient et tombaient en avant. Une fois à terre, ils ne remuaient plus. Mais un moment encore quelquefois, on entendait leur plainte étouffée. La tête était un peu contractée et baissée, le visage était devenu bleu et les poings fermés se réunissaient violemment vers le creux de l’estomac ; tout le corps avait acquis une invincible raideur. C’était donc ainsi que l’on mourait. »