AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Donald Rayfield (5)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Anton Tchekov : Une vie

[Lu dans le cadre d'une Masse critique Babelio]



Sobrement intitulée "Anton Tchékov : une vie", cette biographie est LA référence absolue sur la vie de l'auteur de “La Mouette” et de “La Cerisaie”. Jusqu'alors inédite en français, elle fut publiée sous sa forme originale anglaise en 1997 (et suscita l'enthousiasme d'Arthur Miller), puis traduite en russe. Cette nouvelle - et première - édition française, parue en février dernier, est un texte entièrement remanié qui prend en compte les nouvelles découvertes que l'auteur, éminent spécialiste de Tchekov, a pu faire ces vingt dernières années et sera à son tour publiée en anglais et en russe. le lecteur francophone est donc extrêmement privilégié, qui a désormais à sa disposition - et en avant-première - la biographie ultime de Tchekov.



C'est un travail universitaire immense, une somme de plus de cinq cents pages (en petits caractères) qui exploite pour la première fois la totalité des sources russes (archives familiales et correspondances) inédites et pour une grande part interdites d'accès par le pouvoir soviétique. A ce titre, "Anton Tchékov : une vie" n'est pas seulement une biographie de plus - aussi importante puisse-t-elle être - sur Tchevkov, mais un véritable événement éditorial, et une pierre de toute première importance ajoutée à l'édifice de la littérature mondiale.



De cette vie qui fut malheureusement très brève - Tchekov est mort à l'âge de quarante-quatre ans - Doneld Rayfield retrace le cours, année après année et parfois au jour le jour, depuis la naissance de ses grands-parents jusqu'au décès de l'écrivain, dans la nuit du 15 juillet 1904. Il explore et relate, avec une étonnante profusion de détails, les premières années d'un enfant puis d'un adolescent qui grandit, bientôt livré à lui-même et dans une misère absolue, celles de l'étudiant en lutte pour sa survie, du jeune médecin, généreux et déjà écrivain, celles de l'homme fait, médecin philanthrope, écrivain-voyageur infatigable et fin psychologue qui saura nourrir ses textes du regard pénétrant, lucide et humainement engagé qu'il porte sur le monde qui l'entoure et les êtres qu'il côtoie.



De cet ouvrage, qui réclame une lecture de longue haleine mais de bout en bout passionnante, ressort le portrait d'un homme à la vie difficile et tumultueuse, au courage inébranlable face à l'adversité, acharné à survivre - à la misère, à sa famille, aux difficultés, aux échecs et à la maladie - et aux capacités de travail hors du commun ; un homme extrêmement attachant, singulier et complexe, profondément altruiste et résolument engagé, au quotidien, aux côtés des plus pauvres dans cette Russie tsariste gangrenée par la misère, la violence et l'injustice sociales et où s'annoncent déjà la colère, les soubresauts et la révolte qui, quelques années plus tard, balayeront l'ancien monde.



La lecture de ce travail universitaire monumental, qui aurait pu être aride et passablement rébarbative, a été pour moi un véritable bonheur tant le propos - portrait d'un monde, d'un homme et d'une oeuvre en train de s'écrire - est passionnant, intelligent et documenté, tant l'écriture est sensible et fluide, servie de surcroît par une traduction de grande qualité, à tel point que je range désormais "Anton Tchékov : une vie" au nombre des (très) grandes biographies qu'il m'a été donné de lire.



C'est également, en tant que livre, un très bel objet, et on ne peut que saluer le travail éditorial admirable réalisé par les éditions Louison qui, par le choix du papier, des polices, de la mise en page - élaborée, originale et raffinée jusque dans les moindres détails - et la richesse du matériau iconographique, offrent un magnifique écrin à cette biographie intellectuellement et visuellement somptueuse.



Un très grand merci, donc, aux éditions Louison pour ce très précieux cadeau, ainsi qu'à Babelio pour m'avoir une nouvelle fois accordé sa confiance à l'occasion de sa dernière Masse critique.



[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]

Commenter  J’apprécie          4410
Anton Tchekov : Une vie

Ce livre monumental, qui vient de sortir, est une bibliothèque à lui tout seul, avec des cartes, des index, un vaste arbre généalogique et de nombreuses photos dont celle d’une amusante affiche de théâtre rédigée complètement en russe à l’exception d’une mention en français indiquant que le théâtre possède un «salon pour la coupe des cheveux». À la place des 555 pages de cette immense biographie, combien de pages aurions-nous eu si Tchékhov n’était pas mort à 44 ans?

La traduction française comporte des adjonctions qui ne figurent pas dans l’original anglais, provenant de sources non encore exploitées, parfois interdites à l’époque soviétique, parmi plus de 5.000 lettres envoyées et environ 7.000 reçues. La traduction française est ainsi le livre le plus complet qui existe sur la vie de l’écrivain. Une version anglaise et une version russe sont en préparation.

Petit-fils d’un serf affranchi qui savait lire, Anton Tchékhov (1860-1904) est né à Taganrog, port sur la mer d’Azov au sud de la Russie (au nord du Caucase). Il n’eut pas une enfance heureuse. L’un des slogans de son père, commerçant pauvre, était «Un battu en vaut deux». L’un de ses professeurs était le père du tortionnaire soviétique Dzerjinski.

À 13 ans, Anton va pour la première fois au théâtre, et c’est pour voir «La Belle Hélène» d’Offenbach. La passion du théâtre ne le quittera plus. À 14 ans, il écrit «Tarass Boulba», pièce d’après Gogol, puis «Platonov » qui préfigure «La Cerisaie», et «La Crise» qui se passe dans le milieu de la prostitution qu’il fréquente assidûment car «il ne faut pas avoir de dégoût pour la vie, quelle qu’elle soit... (Certains) vous prennent dans trente-trois positions... Le moyen le plus facile, c’est le lit» (p. 161). Je passe les autres passages sur le sujet.

Grâce à une bourse, il étudie la médecine, mais la médecine de l’époque. «Tchekhov considérait la masturbation comme une habitude mortifère à traiter par la fréquentation des prostituées, les bains froids, et les sédatifs» (p. 93). Il soigne ces dames (dans tous les sens du terme), et fait aussi des autopsies pendant 15 ans.

«La Steppe» (1888) décrit la nature à la Tourguéniev et comporte un orage digne de la «Symphonie pastorale» de Beethoven et de l’ouverture de «Guillaume Tell» de Rossini.

L’amitié de la famille Kisselev lui ouvre un nouveau monde, celui des officiers, habilement décrit en 1900 dans «Les Trois Sœurs», pièce cruelle inspirée de la vie des trois sœurs Brontë. Il découvre aussi la splendeur perdue de la noblesse terrienne, notamment d’un certain Konchine qu’on retrouve dans «La Cerisaie» avec d’autres réminiscences, notamment les cerisiers de son enfance à Taganrog (p. 510). «Les Trois sœurs», comme «La Dame au petit chien» (1899), histoire d’amour entre deux personnes mariées, peint le mariage comme une tyrannie. Avec d’autres accents, c’est l’un des points communs entre Tchékhov et Tourguéniev. Celui-ci, et Tchékhov lors de l’affaire Dreyfus, sont aussi les seuls grands écrivains russes qui prirent la défense des juifs (p. 115).

Un autre trait commun avec Tourguéniev est la défense des humbles. Tchékhov traverse la Sibérie en 81 jours dans des conditions éprouvantes qui sont parmi les meilleures pages du livre, jusqu’à Sakhaline. La région, est peuplée de milliers de forçats vivant dans une situation épouvantable. Il soigne les malades, fait envoyer des médicaments et des livres scolaires pour les enfants, et au retour, relate ce qu’il a vu dans «L’Île de Sakhaline». Cela lui vaut de devenir une sorte de conscience de la nation (p. 171). Tourguéniev avait lui aussi écrit sur la condition des prisonniers.

Les amours de Tchékhov sont multiples, par exemple avec Lydia, dont le cœur appartenait surtout à une autre femme, Tania, «même si l’actrice offrait le reste de sa personne aussi bien à Korsh, son manager et directeur du théâtre homonyme, qu’à un employé des douanes ou à Anton Tchékhov, voire peut-être même à Ignati Potapenko» (p. 273). L’auteur de la biographie écrit qu’il pensait, comme Schopenhauer, que «seul un intellect masculin brouillé par le désir sexuel pouvait vénérer la femme» (p. 305). Cette misogynie apparaît notamment dans le récit «Anne au cou» (1895), où une jeune femme pauvre, à peine mariée à un vieux riche, se met à le tyranniser, rappelant «Don Pasquale» (1843) de Donizetti que Tchékhov a peut être vu jouer, mais le livre n’en parle pas.

«La Mouette» reprend le dispositif utilisé par Tourguéniev dans «Un Mois à a Campagne»: un domaine campagnard où l’on s’ennuie, un médecin ironique, une héroïne dominatrice et une longue chaîne de sentiments non partagés (p. 315).

Parmi les célébrités qui venaient voir les pièces de Tchékhov, le livre cite notamment Chaliapine, Gorki et Rachmaninov, mais l'index comprend plus de six pages de contemporains.

Trois ans avant sa mort, Tchékhov a fini par épouser secrètement l’actrice Olga Knipper en mai 1901 (pp. 474-475), en présence seulement de quatre personnes. Il est mort de tuberculose, maladie dont il souffrait depuis longtemps.

Merci à Louison Éditions qui m’a offert ce magnifique ouvrage, présenté de manière raffinée, en vue d’une critique pour Babelio (Masse critique). C'est une maison spécialisée dans la littérature russe qui a traduit beaucoup d’auteurs contemporains. Impossible de les citer tous. Je fais une mention particulière pour «Nostalgia», un recueil de 18 nouvelles russes contemporaines, préfacé par Mazarine Pingeot, la fille de F. Mitterrand, «Bateau pour l’Argentine» (sur l’émigration) d’Alexeï Marouchinski, «Heureuse Russie» (sur un sous-fifre de la police secrète soviétique en 1937) de Boris Akounine, «Je suis Tchètchène», roman-réflexion de German Sadoulaev et «La Reine des terminus» de Sofia Koupriachina qui avait 20 ans au moment de la perestroïka.

Commenter  J’apprécie          121
Anton Tchekov : Une vie

Présentation du colossal objet : un bébé de près d’un kilo, 550 pages grand format, chaque page sur deux colonnes, plus de 600 notes de bas de pages, une bibliographie de 10 pages pleine à craquer, tout ceci pour une biographie vertigineuse d’Anton TCHEKHOV.



Bien sûr il est impossible de résumer un ouvrage pareil, l’un de ceux qui vous accompagne durant des mois, que vous terminez après avoir usé vos yeux de plusieurs dizaines d’heures de lecture, où tout votre corps semble engourdi d’avoir tenu aussi longtemps un tel livre avec son poids conséquent. Nul doute que cette biographie fera encore longtemps autorité tant elle est démesurée, précise et complète jusqu’à la maniaquerie.



Quelques repères cependant : né en Ukraine en 1860, père violent, autoritaire, paranoïaque, très pieux. Après une scolarité très moyenne, le jeune Anton se lance dans des études de médecine. En janvier 1880 paraît sa première publication sous pseudonyme. La famille TCHEKHOV déménage souvent tout en se désunissant au fil du temps. C’est en fin d’année 1883 qu’il signe une œuvre pour la première fois sous son vrai nom (il ne sera pas payé pour ce travail). Diplômé de médecine en 1884. L’année suivante parution en feuilleton de ce qui restera son unique (et excellent) roman, « Drame de chasse ». Les meilleurs années, TCHEKHOV écrit une centaine de récits, se fatigant à la tâche. Il est régulièrement, y compris pour la régularité de ses nouvelles, comparé à MAUPASSANT.



Les problèmes familiaux sont nombreux, notamment entre les figures du père et celle de l’un des frères, Kolia, alcoolique errant qui meurt en 1889. Un autre frère, Alexandre, survivra à Anton, mais sera souvent également confronté à de graves crises alcooliques. Des projets d’écriture avortent, d’autres aboutissant sont pourtant reniés. À la manière d’un ZOLA, TCHEKHOV décide de se rendre sur le terrain avant d’écrire un long récit, ce sera sur l’île pénitentiaire de Sakhaline (10000 prisonniers) où il arrive en juillet 1890 après trois mois de voyage. Il n’y reste que quelques mois, mais tient enfin la trame d’un livre d’envergure qu’il a d’ailleurs du mal à écrire et qui ne sortira que plusieurs années plus tard.



Parallèlement, TCHEKHOV devient propriétaire d’une mangouste, possède de très nombreuses soupirantes, notamment dans la jeune noblesse russe, entretient une longue relation ambiguë et turbulente pendant plusieurs années avec une certaine Lika. Les femmes sont en quelque sorte le démon de l’écrivain, qui en fréquente régulièrement plusieurs à la fois malgré sa santé très précaire (il est atteint de tuberculose).



TCHEKHOV a la bougeotte, il saute dans un train, sur un bateau, souvent pour les femmes d’ailleurs. Pour sa carrière aussi. Lorsqu’il est sédentaire il est entouré d’animaux de ferme, alors que de plus en plus de ses proches périssent.



En 1893 paraît une première traduction en anglais de l’un de ses textes, c’est « Le moine noir ». TCHEKHOV devient célèbre et reconnu mais de plus en plus malade alors qu’il prend peu à peu ses distances avec la doctrine de TOLSTOÏ qu’il avait pourtant jusque là soutenue. Il se lie d’amitié avec l’écrivain Ivan BOUNINE, qui deviendra un proche.



TCHEKHOV peut être vu comme un mécène : grâce à sa notoriété, il gagne de l’argent qu’il redistribue en partie à sa famille, pour des œuvres de charité ou la rénovation d’écoles, sans oublier d’aider financièrement les paysans. Il écrit de plus en plus pour le théâtre, mais la première représentation de « La mouette » subit un cuisant revers en 1896, ce qui l’affaiblit physiquement (ses problèmes de santé seront souvent la conséquence d’un échec professionnel). Parallèlement, alors qu’il n’est pourtant pas un auteur engagé, il est parfois victime de la censure.



Alors que de plus en plus de jeunes femmes lui court après, il se déclare en privé comme devenu impuissant sexuellement et n’écrit pratiquement pas en 1897. En octobre 1898, sa famille ne l’informe pas de l’agonie de son père, qui décède en trois jours. Il devient ami avec Maxime GORKI puis l’actrice Olga KNIPPER. Lui qui a toujours défendu avec vigueur le célibat, se marie pourtant (en secret) en 1801 avec Olga. Enceinte en 1802, elle est victime d’une fausse couche. Cette période est difficile à reconstituer car TCHEKHOV ne serait peut-être pas le père de l’enfant (qui ne naîtra donc jamais), plusieurs documents concernant cet épisode ont mystérieusement disparu. Sa relation avec Olga est paradoxalement surtout épistolaire, ils ne vivent pas ensemble, sont même parfois séparés de plusieurs centaines de kilomètres.



Fatigué, usé, malade, terriblement affaibli, TCHEKHOV s’éteint en juillet 1904. Son corps est rapatrié à Moscou « dans un wagon pour transport d’huîtres fraîches » écrit GORKI. L’héritage sera fort disputé.



Ce livre est bien sûr un ouvrage très fourni sur la vie d’Anton TCHEKHOV. Cependant, il se focalise sur la vie privée, parle peu de son œuvre, ou seulement si elle permet d’éclaircir un élément du privé. Cette œuvre est d’ailleurs elle-même truffée d’éléments autobiographiques. Bien que TCHEKHOV soit connu pour son caractère empathique et bienveillant, il peut se révéler misogyne ou antisémite tout en s’en défendant. Certaines anecdotes glissées ça et là peuvent faire sourire, je pense à cette première rencontre avec l’écrivain Nikolaï LESKOV (qui a si bien dépeint la vie paysanne russe et qui deviendra son ami, avant de décéder peu après) qu’il traîne, après une mémorable bordée, aux putes. Rien de moins. Plusieurs figures de la littérature russe apparaissent, en direct ou non. Ainsi, cette critique de TCHEKHOV, fustigeant l’œuvre de DOSTOÏEVSKI : « C’est bien, mais tout de même très long et très immodeste. Beaucoup de prétentions ».



Mais dans cet essai, l’histoire russe est aussi évoquée, quoique brièvement : la famine de Russie centrale de 1891, l’épidémie de choléra l’année suivante, ainsi que la tragédie du champ de Khodynka en 1896, où est entassée une foule immense lors d’un rassemblement en l’honneur et en la présence du tsar Nikolaï II, et où un mouvement de panique provoque la mort d’environ 2000 personnes. TCHEKHOV, pourtant distant politiquement, s’engage pour la défense du capitaine français Alfred DREYFUS.



Ce qui frappe ici, c’est la maladie, celle qui poursuit sans cesse TCHEKHOV mais aussi ses proches, comme une fatalité. La mort est très présente. Lorsque la joie semble vouloir s’inviter à table, un drame se déclenche, ce qui semble être l’essence même de l’âme russe, en tout cas celle vue par le prisme des écrivains.



Cette biographie s’appuie de très nombreux extraits de correspondance variée, en publie moult paragraphes, ceci est le fil rouge du déploiement chronologique de ce travail stupéfiant par sa densité. Certes, on peut regretter que l’accent n’ait pas été davantage mis sur la période de Sakhaline pour privilégier l’histoire amoureuse, mais force est de convenir que le résultat est particulièrement impressionnant. En guise de dessert, de nombreuses photographies d’époque à la qualité supérieure figurent dans ce livre, les fans seront comblés. Ce pavé est sorti en 2020 aux éditions Louison, spécialisées en littérature russe.



https://deslivresrances.blogspot.com/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          30
Anton Tchekov : Une vie

Vous aimez les biographies? Vous aimez la littérature russe? Vous êtes un inconditionnel de l’oeuvre d’Anton Tchekhov? Ou vous souhaitez simplement découvrir l’homme? Cette biographie est faite pour vous, accrochez-vous! Il ne s’agit pas du menu livre de poche, non, non, nous sommes face à du grand format, avec un texte imprimé sous forme de deux colonnes par page. Donc, si vous êtes aussi myope que moi, n’oubliez surtout pas votre paire de lunettes (et une lampe suffisamment puissante le soir), car la police d’écriture est assez (trop) petite, vous l’aurez compris. L’auteur Donald Rayfield a effectué un minutieux travail de recherche particulièrement remarquable, toutes les archives qui existent sur Tchekhov ont à mon avis été passées au crible.





C‘est une plongée totale dans la famille, la fratrie Tchekhov, un clan porté à bout de bras par Anton, troisième fils, après l’aîné Sacha et le second Kolia, mort prématurément, d’une lignée de six enfants issue d’un couple pas vraiment heureux ensemble, Pavel Tchekhov, père maltraitant qui éduque ses enfants à coups incessants, Evguenia la mère qui subit. Il me semble peu probable qu’un détail ait pu échapper à l’œil attentif et la plume acérée de Donald Rayfield, et à ses traductrices, tant cette biographie est dense et riche en informations, parfois peut-être un petit peu trop. Le biographe a trouvé opportun, et à juste titre, d’adjoindre à son récit l’arbre généalogique (et conséquent) de la famille Tchekhov ainsi que différentes cartes et une bibliographie assez imposante, qui justifie ainsi parfaitement ces quatre-vingt-quatre chapitres de récit. Je finirai par évoquer le corpus photographique qui permet de visualiser les traits de l’auteur, de sa famille et de son entourage proche. Sans aucun doute, la qualité de cet ouvrage est indéniable autant par son contenu que son contenant! À noter qu’Anton Tchekhov était un épistolier particulièrement prolixe, Rayfield estime qu’il a été l’auteur d’environ six mille cinq cents lettres dont cinq mille ont été publiées, qui constituent d’ailleurs les principales sources des différentes biographies de l’homme de lettres. On ne peut que saluer le travail de fourmis qu’a effectué Rayfield qui estime avoir passé trois ans à déchiffrer et recueillir les archives ayant trait à l’artiste. Et pourtant, Donald Rayfield affirme s’être limité à ses relations familiales et amicales.



Pourquoi une nouvelle biographie alors que tant d’autres ont déjà été écrites? La volonté affichée dans la préface de Donald Rayfield est celle de vouloir d’explorer plus profondément l’homme, qui lui apparaît moins consensuel que le portrait trop lisse et parfait qui a été brossé de lui jusqu’à présent. Une volonté d’explorer les zones d’ombres du personnage partant du postulat que son génie est intimement lié à sa vie personnelle, qui a été source intarissable à ses œuvres, Et c’est ce lien que Rayfield ne cesse de rappeler tout le long de son récit: à chaque événement de la vie du dramaturge russe, il ne cesse d’y relier l’oeuvre correspondant, tout en rappelant que la genèse de chaque oeuvre correspondant à plusieurs mois, voire plusieurs années, d’élaboration.



Qui se cachait derrière ce prestigieux nom, Anton Pavlovitch Tchekhov? Un homme profondément attaché à sa famille, en particulier à sa sœur Macha, avec laquelle il entretint toute sa vie un lien fort. L’homme fort du clan, celui qui assure un niveau de vie décent, qui paiera les loyers, qui achètera les maisons, celui qui trouvera un travail à ses frères. Le point central de la maisonnée, un homme solide, malgré la tuberculose qui le rongeait à petits feux depuis sa jeunesse, qui ne tenait pas en place. D’abord médecin, le goût de l’écriture lui viendra plus tard, celui-ci prendra peu à peu le pas sur son activité médicale. Un homme aux multiples facettes, qui a commencé sa carrière d’auteur par des articles dans différentes revues telles que la Gazette de Saint-Pétersbourg. C’est par ces biais qu’il publia ses premiers récits, qui s’éloignaient du ton journalistique, de ses premières contributions. Mais aussi, un aventurier solitaire, le seul qui osa aller défier le climat hostile de l’île de Sakhaline et s’intéresser au sort peu enviable des bagnards déportés.





« Vous êtes, j’en suis sûr, appelé à écrire quelques œuvres admirables, réellement artistiques. Vous vous rendriez coupable d’un grand péché moral si vous ne répondiez pas à ces espérances » Grigorivitch



Quel artiste était-il? Un homme inspiré par ce qui l’entourait, sensibles aux moindres éléments de la nature. Un auteur qui a su s’attirer nombres de protecteurs: Alexeï Souvorine éditeur et journaliste, propriétaire du Temps nouveau qui jouissait d’une influence considérable. Le critique et auteur Dmitri Grigorovitch qui l’a aidé à se lancer en littérature. Tous avaient une conscience aiguisée de son génie et qui ont donc participé à la reconnaissance du tout nouveau auteur qu’était Anton Tchekhov, par la société russe. Des écrits d’inspiration naturaliste ou « environnementaliste », son récit Le Pipeau s’inspire de la steppe et évoque la plaine Don, des premières œuvres qui empruntaient à Tourgueniev et Pouchkine, le personnage du héros russe malheureux. C’était également un artiste engagé, un artiste partagé entre l’activisme et le quiétisme, à cet égard une partie des critiques déploraient le manque d’action de ses intrigues. En effet, le don de Tchekhov était d’imprégner ses pièces une atmosphère particulière qui participe tout autant que l’intrique à leur originalité. La première de La Mouette, son premier succès théâtral, présentée d’abord à Saint-Pétersbourg, qui a posé les prémices du théâtre moderne sur la voie duquel Tchekhov s’est engagé, s’est très mal déroulée, les spectateurs, décontenancés, ont donc mal accueilli la pièce dans un premier temps. Ce nouveau style théâtral mélangeait en effet réalisme et symbolisme tout en étant empreint d’une mélancolie latente sur des personnages qui se font dépasser par leurs idéaux. Cette pièce en quatre actes présentent des personnages représentant la Russie fin de XIXe siècle, à la fois anxieux et agités et assoiffés de nouveautés mais totalement dans l’échec, symbole de la mouette. Quant à Oncle Vania, la pièce, qui reçut la désapprobation de Tolstoï, portait pourtant l’idéal d’Anton Tchekhov, celle de l’acceptation de la vie quotidienne.



C‘est incontestablement un récit passionnant, qui alterne entre phases descriptives de la vie d’Anton, parfois celle de son entourage, et phases plus analytiques qui s’attardent sur les caractéristiques de l’oeuvre de l’auteur. Parfois, des longueurs interminables semblent un peu plomber le récit, et qui ont contribué à engourdir mon esprit de sorte à ce que je me suis sentie contrainte d’interrompre ma lecture pour la reprendre plus tard. Mais le travail de fond de Donald Rayfield et de ses traductrices est suffisamment brillant pour passer au-dessus et profiter de la qualité des informations qu’il apporte à son lecteur. À la limite du roman-fleuve, la vie d’Anton Tchekhov est loin d’être calme et insipide, c’est au contraire un homme qui a passé son temps à voyager de Moscou à Saint-Saint-Pétersbourg, de Tarangog sa ville natale à Sakhaline, de France en Allemagne, mu par une quête intérieure, extrêmement sensible au temps qui passe d’autant, qu’en tant que médecin et tuberculeux, il se doutait que sa vie serait raccourcie par son mal.



Tant les nouvelles que le théâtre d’Anton Tchekhov présentent dans l’ensemble des personnages qui se révèlent être bien incapables de sortir de leur condition. Il reste pourtant profondément emphatique envers ses personnages, comme le médecin et l’homme qu’il est. D’ailleurs, son récit à démontre parfaitement cet intérêt pour l’homme, mais aussi pour la condition humaine. C’est un homme à la mesure de la puissance de son oeuvre, et ses travaux littéraires à la mesure de l’homme qu’il était, que j’ai découvert: un être complexe, sombre, un observateur, mais terriblement humain et généreux.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
Commenter  J’apprécie          10
Anton Tchekov : Une vie

Grosse somme, hyper documentée. Lu presque jusque bout puis craqué car t

chronophage et je m'y perdais. Intéressant cependant. Colossal travail d'archives. Milliers de lettres inédites ici reproduites. Problème : on s'y perd. Trop de détails. Pas assez de caractérisation des personnages. 12/20. Offert par Colette. Laissé en BAL Moulleau.
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Donald Rayfield (9)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz Harry Potter (difficile:1-7)

De quoi la famille Dursley a-t'elle le plus peur?

des voisins curieux
des hiboux
de Harry
de tout ce qui peut les faire paraître étranges

20 questions
8132 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}