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Citation de abitbol84


C'était sans espoir. Il n'était tout bonnement pas possible qu'elle puisse être moitié aussi importante aux yeux de M. Médiathécaire qu'aux miens. On était faits l'un pour l'autre; entre nous il y avait une justesse onirique et de la magie, c'était indiscutable; sa seule pensée inondait de lumière le moindre recoin de mon esprit et en déversait dans des greniers miraculeux dont j'ignorais l'existence, des images qui semblaient ne pas exister du tout si ce n'est en rapport avec elle. Je n'arrêtais pas d'écouter son Arvo Pärt préféré, une façon d'être avec elle; et il lui suffisait de mentionner un roman lu récemment pour que je m'en empare, affamé, afin de pénétrer dans ses pensées, une sorte de télépathie. Certains objets qui passaient par la boutique - un piano Pleyel; un drôle de de petit camée russe déniché - semblaient être des artefacts tangibles de la vie qu'elle et moi aurions dû vivre ensemble, c'était légitime. Je lui avais écrit des emails de trente pages que j'avais effacés sans les lui envoyer, optant à la place pour la formule mathématique que j'avais mise au point afin de ne pas trop me ridiculiser: toujours trois lignes de moins que l'email qu'elle m'avait envoyé, toujours un jour de plus que le temps qu'il m'avait fallu, moi, pour recevoir sa réponse. Parfois, dans mon lit, perdu dans mes rêveries opiacées érotiques emplies de soupirs, je menais avec elle de longues conversations à coeur ouvert: Nous sommes inséparables, nous imaginais-je déclamer à l'autre (c'est éculé), chacun avec une main sur la joue de l'autre, nous ne pourrons jamais être séparés. Tel un désaxé, j'amassais des bouts de cheveux couleur feuilles d'automne récupérés dans la poubelle après qu'elle se fut coupé la frange dans la salle de bain - et, même plus effrayant, un chemisier sale, enivrant parce que portant encore la trace de sa sueur végétarienne qui sentait le foin.
C'était sans espoir. Plus que sans espoir: humiliant.
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