Je sais qu'André Gide a dit : "On ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments", mais j'affirme que la bonne foi absolue de Bazin, sa générosité, en ont fait un personnage qui nous a étonnés, intrigués, enthousiasmés jusqu'à nous faire sourire pour cacher nos émotions. […]
Par exemple, je me souviens d'une fois où des objets (une petite horloge, un pichet en étain et un appareil photo) ont commencé à disparaître de son appartement et Bazin, toujours détective, a dit : "Ces vols ne peuvent pas avoir eu lieu dans la journée parce que Mado (la femme de ménage) est ici, ils ont donc dû avoir lieu la nuit ; mais dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi Pluton (le chien) n'a pas aboyé."
Quelque temps plus tard, la gouvernante tombe malade et ne peut venir chez lui. Bazin dit à sa femme : "La pauvre Mado est malade toute seule chez elle. Je ne suis pas sûr qu'elle puisse compter sur l'aide de ses voisins, alors je vais lui apporter une soupe chaude dans un thermos." Aussitôt dit, aussitôt fait. Arrivé chez Mado, qui est effectivement alitée, quelle est la première chose que Bazin voit en regardant autour de lui ? La petite horloge, le pichet en étain, l'appareil photo, tout ce qui avait disparu de chez lui. Parce que son sens de l'humour était aussi vaste que sa bonté, Bazin était le premier à rire de lui-même, même dans ce genre de situation absurde.
François Truffaut (préface)