Edgard Garcia

Mais "l'autre", celui qui inquiète, celui qui est considéré comme inférieur et suscite le mépris ou la haine, ce n'est pas seulement celui qui a une couleur de peau différente. C'est aussi celui qui n'a pas les mêmes "codes".

Quand Wendy Carlos travaille Beethoven au synthétiseur, la "grande musique" devient étonnamment moderne, comme le montre la bande-son du film "Orange mécanique" , de Stanley Kubrick (1971).

[...] mais les plus curieux se tiennent informés des musiques nouvelles et des nouvelles façons d'être jeune en écoutant les radios pirates basées sur des bateaux dans la Manche : comme Radio Caroline, la plus célèbre, qui diffuse à volonté des tubes pop, exclus de la BBC. On peut se faire une idée du bonheur des auditeurs en regardant le film de Richard Curtis, "Good morning, England" (2009), qui évoque cette épopée.

C'est un vieux débat, un vieux combat : l'art nourri par le savoir, l'art des connaisseurs, contre un art populaire, supposé un peu simplet, facile et au mieux, divertissant. Ce sont des critiques qui ont été faites à toutes les formes nouvelles quand à la fois elles s'adressaient à un vaste public et bousculaient les règles : le cinéma a été soupçonné d'infériorité congénitale par rapport au théâtre, la science-fiction fut longtemps considérée comme une vaste niaiserie peuplée de petits hommes verts, la bande dessinée ne pouvait se destiner qu'à des enfants, etc.

Les années 60 et une bonne partie des années 70 vont être marquées par l'espoir de toute une génération, que les rêves de justice et d'épanouissement deviennent réalité : que la vie ne se réduise pas à tous ces gâchis, qu'elle ait enfin un autre sens. Comme le chante Bob Dylan, The Times they are a changin'... Les temps changent.

Le rock se fait art, il croise de plus en plus d'autres expressions : il est théâtre, il est poésie, il se police et se sophistique, il est peut-être bien de moins en moins "prolétaire". Sauf que surgissent deux mouvements fortement porteurs de développements, qui entendent bien rompre irrémédiablement avec la pop et revenir aux sources : le cri de colère, de vitalité, de fraternité avec ce que chacun a de plus élémentaire. Retour aux groupes, retour à l'élan premier : hard rock et punk.

La musique est révolte et plaisir, voyage et expérimentation. Toutes les frontières s'abolissent : le rock flirte avec le jazz, et ce sera le rock progressif ; la pop s'imprègne des rythmes orientaux, des pulsations tribales, des distorsions planantes. Tout est possible, tout fait musique.

Quand on aime la musique dite savante, on est un mélomane. Quand on aime la musique rock, on est simplement...jeune et bruyant.

Mais aucune forme d'expression, même la plus nouvelle, ne surgit de nulle part.