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3.5/5 (sur 22 notes)

Nationalité : États-Unis
Biographie :

Edith Sheffer est historienne et auteure.

Titulaire d'un doctorat d'histoire de l'Université de Californie à Berkeley, elle est Senior Fellow à Institute of European Studies de l'Université de Californie à Berkeley depuis 2017.

Elle a découvert la véritable histoire de médecin Hans Asperger (1906-1980) après la naissance de son enfant autiste. En 2018, elle a publié un essai biographique consacré au psychiatre intitulé "Les enfants d'Asperger: Le dossier noir des origines de l'autisme" ("Asperger’s Children: The Origins of Autism in Nazi Vienna").

La parution de cet ouvrage a entraîné un débat sur l'utilisation du nom de syndrome d'Asperger comme item diagnostique.

son site : https://edithsheffer.com/
Twitter : https://twitter.com/edithsheffer
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Source : Wikipédia
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Le nom d'Asperger fait maintenant partie de nos vies
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(p.101-103)

L'environnement professionnel d'Asperger se métamorphosa. A l'université de Vienne, Eduard Pernkopf, spécialiste de l'anatomie et militant du Parti depuis 1933, fut nommé doyen de la faculté de médecine. Il avait résolu à aligner l'institution sur les principes nationaux-socialistes. Quatre jours après sa nomination, le 6 avril 1938, c'est habillé en uniforme de la SA qu'il prononça son discours inaugural, dans lequel il soulignait le rôle central de l'hygiène raciale pour la médecine nazie et plaidait pour la promotion au sein de la population de ceux étant "génétiquement valables" et "l'élimination de ceux étant héréditairement inférieurs par la stérilisation et d'autres moyens".

Pernkopf insista pour que toute la faculté préte serment à Adolf Hitler et que , "aryens" ou non, déclarent leur ascendance auprès de l'administration. Ceux qui ne prêtèrent pas serment on furent classés comme "non-aryens" perdirent leur poste. Si Asperger pu le conserver, ses collègues furent en revanche massivement licenciés. La faculté e médecine se débarrassa ainsi de 78 % de son corps enseignant, majoritairement des Juifs, parmi lesquels trois prix Nobel. Sur 197 médecins, 44 seulement restèrent.

Au total, l'université de Vienne exclut 45 % du personnel de ses autres facultés. Et deux tiers des 4900 médecins de Vienne, parmi lesquels 70 % de ses 110 pédiatres, perdirent leur poste. Des milliers d'entre eux émigrèrent (principalement aux États-Unis) ou furent déportés. La médecine devint une des professions les plus nazifiées du IIIème Reich, la moitié environ des praticiens rejoignant le parti.
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(p. 132-133)

Les meurtres débutèrent au Spiegelgrund le 25 août 1940. Au moins 789 enfants y moururent sous le IIIième Reich; près de trois quarts d'entre eux succombèrent officiellement à une pneumonie. Censée paraître naturelle, cette cause de décès résultait en fait de l'administration de barbituriques. Les mineurs perdaient du poids, étaient pris de fièvre et devenaient vulnérables aux infections qui débouchaient généralement sur une pneumonie. Étant donné la malnutrition et les affections non traitées, une multitude d'autres maladies pouvaient également entraîner la mort. Comme l'expliqua Ernst Illing, deuxième directeur du Spiegelgrund, dans son témoignage durant le procès après-guerre, "la chose était maquillée, personne à l'extérieur ne devait être au courant de l'accélération de ces décès. Il fallait qu'il y ait une dégradation progressive de la maladie qui finissait par provoquer la mort".

Reste que les enfants ne réagissaient pas tous de la même manière aux médicaments, et certains périrent très rapidement. Les médecins du Spiegelgrund présentèrent les meurtres comme un processus scientifique expérimental. Dans les interrogatoires d'après-guerre, ils expliquèrent qu'il avait fallu du temps pour parfaire les méthodes de mise à mort. Le premier directeur médical du Spiegelgrund, Erwin Jekelius, affirma que les enfants ne succombaient pas toujours aux doses standard de Luminal : "Au début, j'ai assisté à plusieurs reprises personnellement à ces mises à mort afin de voir si ce processus était d'une quelconque manière douloureux. Par deux fois, l'empoisonnement des enfants malades ne causa pas la mort parce que la dose de Luminal était insuffisante." C'est pourquoi les médecins recoururent ensuite à une injection combinée de morphine, d'acide diallybarbiturique et de scopolamine.

Ernst Illing, qui succéda en 1942 à quarante-et-un ans à Jekelius au poste de directeur, confirma que "la façon dont la mort intervenait différait grandement selon l'âge de l'enfant et la nécessité de le calmer ou non préalablement. La mort intervenait parfois en quelques heures, parfois seulement au bout de plusieurs jours". Pendant son mandat, ajouta Illing, les enfants recevaient généralement des cachets de Luminal ou de Veronal réduits en poudre et mélangés avec "du sucre ou du sirop ou tout autre aliment appétissant, de façon à ce qu'ils ne sentent pas le mauvais goût des cachets". Mais, une fois qu'un enfant était "dans le processus de l'agonie, il n'était plus possible de s'appuyer sur sa capacité de déglutition, il fallait injecter".
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(p. 322-323)

Les images populaires occultent souvent la diversité des étiquettes.

La difficulté qu'il y a à classifier l'esprit d’autrui apparaît dans l'hétérogénéité des étiquettes de l'hystérie et de l'autisme. La société joue un rôle dans l'élaboration des diagnostics qui définissent autrui. Si des individus et des professions donnés nomment certes ces états, ils ne nous sont en revanche pas imposés. Nous les acceptons, les perpétuons et participons à leur création. Quand nous évoquons l'étiquette de l'autisme, nous devrions le faire en ayant une pleine connaissance de ses origines et implications.

La société est de plus en plus sensible aux nuances en matière de race, de religions, de genre, de sexualité et de nationalité allant croissant, nous pourrions commencer à saisir les dangers que recèle une étiquette totalisante fondée sur des caractéristiques variables, car les étiquettes influent sur le traitement des individus, et le traitement influe sur leur vie.

En montrant comment une société peut façonner un diagnostic, l'histoire d'Asperger et de l'autisme devraient mettre en exergue la moralité qu'il y a à respecter l'esprit de chaque enfant et à traiter cet esprit avec prudence.
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(p. 114-115)

Durant le mandat d'Asperger, entre octobre 1939 et juillet 1940, les conseiller motorisés de Hamburger effectuèrent soixante-dix-sept voyages et examinèrent 5626 nouveau-nés et enfants ayant jusqu'à 14 ans. Ils affirmaient avoir réduit le taux de rachitisme et de mortalité infantile et se posaient en modèle pour d'autres districts de l'Autriche. Ce qui n'empêcha Hamburger de noter que ces visites inquiétèrent certains habitant, évoquant "la circonspection initiale des mères à l'égard du nouveau service".

Les mères avaient raison de se méfier. Car les conseillers motorisés de Hamburger avaient pour seconde fonction d'être les yeux et les oreilles du régime nazi. [...] Ces derniers recensaient les enfants qu'ils considéraient handicapés ou génétiquement atteints, ainsi que les parents qu'ils estimaient socialement ou économiquement inaptes. [...]

Ce catalogage des mineurs allait bientôt être mis à profit par le programme de mise à mort d'enfants qui démarra à l'institution viennoise de Spiegelgrund à la fin du mois d'août 1940, un mois seulement après la fin du mandat d'Asperger au service du Conseil motorisé.
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P.224 : Autrement dit, l'idée d'Asperger de la psychopathie autistique était un diagnostic totalisant et néanmoins totalement flou. Il l'utilisa pour certains enfants afin d'en suggérer l'humanité, pour d'autres afin de la leur dénier. Il se manifestait dans leur "apparence physique, leurs fonctions expressives et, en fait, dans tout leur comportement" et revenait à juger la valeur même de l'existence d'un enfant. Nul détails n'était insignifiant, nul domaine de la vie d'un enfant n'était ignoré par le diagnostic. La psychopathie autistique englobait chaque recoin de l'univers psychique, depuis les habitudes inconscientes jusqu'aux émotions extrême en passant par l'intellect. Elle englobait de multiples milieux, depuis l'esprit jusqu'à la physiologie, depuis l'école jusqu'à la famille en passant par la communauté. Elle allait au cœur de ce que cela signifiait qu'être humain dans le 3ieme Reich.
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P.188 : En tout, Asperger a été impliqué dans le transfert d'au moins quarante-quatre enfants au Spiegelgrund — dont neuf au moins qui provenaient de son service, parmi lesquels deux périrent, et trente-cinq que la commission de la ville soumit à l'"action Jekelius" et qui moururent. Étant donné qu'il conseilla de nombreuses agences municipales et que les archives sont incomplètes, le nombre total d'enfants dont Asperger recommanda le transfert au Spiegelgrund est probablement plus élevé.
Ces enfants n'étaient toutefois ni des statistiques ni un ensemble abstrait de symptômes. Asperger examina personnellement nombre d'entre eux, toucha leur corps et leur parla de visu. La façon dont lui et son personnel jugèrent les enfants — et décidèrent de leur sort — fut un processus gigantesque et meurtrier.
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A l'époque où le programme de mise à mort du Spiegelgrund tournait à plein régime, au milieu de l'automne 1942 (ouverture fin 1941), presque deux fois plus de mineurs mouraient dans les pavillons de la mort qu'il en sortait vivants. Au cours des deux années et demie suivantes, approximativement 300 enfants furent libérés ou transférés des pavillons 15 et 17, tandis que 540 perdirent la vie. Le Reich élargit les critères de sélection des enfants susceptibles d'être tués. Si le programme d'euthanasie d'enfants cibla initialement les nouveau-nés (et prématurés) et les enfants de moins de trois ans, la limite d'âge fut portée à huit ans, puis à douze ans et finalement à seize ans. L'équipe avait davantage d'influence au Spiegelgrund dans la sélection des enfants à tuer que dans la puplart des autres "services spéciaux pour enfants" du Reich. Habituellement, les enfants jugés handicapés étaient d'abord signalés au comité du Reich à Berlin, qui ordonnait ensuite le transfert des enfants dans un centre de mise à mort . Au Spiegelgrund, le processus était inversé. Les médecins du Spiegelgrund signalaient eux-mêmes à Berlin les enfants dont ils estimaient qu'ils devaient être tués. Et il leur arrivait de passer à l'acte sans attendre l'autorisation formelle de Berlin.
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Avant l'Anschluss (avec l'Autriche), Asperger avait mis en garde contre la création de diagnostics pour l'enfance. En octobre 1937, dans la première des deux conférences qu'il donna à l'hôpital universitaire de Vienne, intitulée "L'enfant psychiquement anormal"... il affirmait : "il y a autant d'approches qu'il y a de personnalités différentes. Il est impossible d'établir un ensemble rigide de critères pour un diagnostic". Un an plus tard, au mois d'octobre 1938, à l'occasion d'une conférence portant le même titre, donnée dans le même lieu et publié dans la même revue, il présentait pourtant son propre diagnostic : "ce groupe bien caractérisé d'enfants que nous nommons 《psychopathes autistiques》 en raison du rétrécissement de ses relations au monde, et en raison de la restriction de soi-même..."
Pourquoi donc ce revirement ? Son diagnostic de la psychopathologie autistique était assurément en phase avec son époque. L'Anschluss était arrivé avec de nouveaux idéaux.
- page 106-
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L'attachement à la communauté nationale devenant une priorité sous le IIIéme Reich, les émotions collectives relèvent de l'eugénisme nazi. La sociabilité évolue en une catégorie de la persécution, rejoignant ainsi la race, l'orientation politique, la religion, la sexualité, la criminalité et la physiologie. Asperger et ses supérieurs recoururent d'ailleurs au terme Gemüt pour rendre compte de cet aspect. Gemüt, qui signifiait l'âme au Dixième siècle, renvoie dans le domaine de la pédopsychiatre nazie à la capacité métaphysique des humains à nouer des liens sociaux. Le Gemüt est essentiel à la connexion de l'individu avec le collectif, un ingrédient clé du sentiment fasciste. Les psychiatres nazis commencent alors à diagnostiquer des enfants dont ils affirment qu'ils ont un piètre Gemüt, qu'ils forgent dmdes liens sociaux ténus et déçoivent les attentes collectivités. Ils vont créer un certain nombre de diagnostics similaires à l'autisme, comme gemütsarm (qui manque de Gemüt), bien avant qu'Asperger ne décrive la psychopathie autistique en 1944, qu'il définit aussi comme un défaut de Gemüt.
- page 26 - extrait de l'introduction
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