Selections from The King of the Mountains by Edmond About
Nous sommes les héritiers de tous ceux qui sont morts,
les associés de tous ceux qui vivent,
la providence de tous ceux qui naîtront.
Lorsqu’on lui mit l’atlas sous les yeux, il s’écria d’abord avec un profond dédain : « Ça, la France ! » Mais bientôt deux larmes de tendresse échappées de ses yeux arrosèrent l’Ardèche et la Gironde. Il baisa la carte et dit avec une émotion qui gagna presque tous les assistants :
« Pardonne-moi ma pauvre vieille, d’avoir insulté à ton malheur ! Ces scélérats que nous avions rossés partout, ont profité de mon sommeil pour rogner tes frontières ; mais petite ou grande, riche ou pauvre, tu es ma mère, et je t’aime comme un bon fils !
Apprenez, ma chère enfant, que la danse et la politique sont jumelles. Chercher à plaire, courtiser le public, avoir l’œil sur le chef d’orchestre, composer son visage, changer à chaque instant de couleur et d’habit, sauter de gauche à droite et de droite à gauche, se retourner lestement, retomber sur ses pieds, sourire avec des larmes plein les yeux, n’est-ce pas en quelques mots le programme de la danse et de la politique ?
Robert de Bonnieres sur About :
M. About n'avait pas encore trente-neuf ans. Il était alors tout blond, au lieu d'être tout gris comme il est à présent, et n'avait point encore de poches sous les yeux.
Toute sa barbe, le nez un peu fort, l'œil vif et pétillant, les cheveux épais et drus marchant tout d'une pièce, ramassé, râblé, un peu solennel et dandinant, parlant facilement, caustique avec de feintes modesties, tranchant et riant, n'ayant qu'une pointe, mais acérée, un hanneton nourri de miel et de verjus.
Enfin plus jeune et ressemblant mieux au portrait sur fond bleu que M. Baudry a fait de lui en t872 ou1873.
M. About se montrait bon enfant, galant et spirituel, bien qu'on sentît qu'il se lâchât un peu trop dans les mots aussi bien que dans les attitudes et toute la personne. Car il n'a ni le goût parfait, ni la mesure. Ses familiarités soudaines se tournaient facilement en une camaraderie impertinente mais qui n'était voulue que par gène et manque d'usage. Il se retenait le premier jour, mais il débordaitau second. C'était très bien un homme à pousser ce compliment « Mais, Madame, vous n'êtes pas si sotte que M. X. m'avait dit." Il a de ces mots qui vous laissent coi. Bref, il avait l'art d'interloquer les gens par des façons particulières.
On appelle quelquefois cela avoir de l'esprit.
Nous avons tous besoin les uns des autres, car nos besoins sont toujours plus variés que nos aptitudes.
L’homme est ainsi bâti que d’étape en étape il considère
son point d’arrivée comme un nouveau point de départ.
Les brigands ne sont pas en Grèce, comme dans les autres pays, une classe entièrement séparée de la société. J’ai dit que chaque troupe avait son directeur, son impresario dans une ville, quelquefois dans la capitale, quelquefois à la cour.
Les subalternes rentrent souvent dans la vie civile ; souvent aussi le paysan se fait brigand pour quelques semaines, lorsqu’il sait un bon coup à faire. Il retourne ensuite à son champ. La Grèce est le pays du monde où l’occasion a fait le plus de larrons. Un habitant d’Athènes, un français, me racontait qu’un jour son domestique l’aborda d’un air timide en roulant son bonnet entre ses mains : " tu as quelque chose à me demander ?
- Oui, effendi, mais je n’ose.
- Ose toujours.
- Effendi, je voudrais aller un mois dans la montagne.
- Dans la montagne ! Et pourquoi faire ?
- Pour me dégourdir, sauf votre respect, effendi.
Je me rouille ici. Vous êtes ici dans Athènes un tas de civilisés (je ne le dis pas pour vous offenser), et j’ai peur de me gâter au milieu de vous. " le maître, touché de ces bonnes raisons, permit à son valet un mois de chasse à l’homme. Il revint à l’expiration de son congé, et ne déroba pas une épingle dans la maison.
On m’a conté l’histoire d’un pauvre gendarme qui aspirait depuis plusieurs années aux galons de caporal. Il était bon soldat, assez brave, et le moins indiscipliné de sa compagnie ; mais il n’avait d’autre protecteur que lui- Même, et c’était peu. Il déserta et se fit brigand. Dans cette nouvelle profession, ses petits talents se firent jour, et il fut bientôt connu de tous les chefs de la gendarmerie. On essaya de le prendre, et on le manqua cinq ou six fois.
En désespoir de cause on lui envoya un parlementaire.
- Une fois mariée, vous allez encore la soigner ?
- Faut-il la laisser mourir sans secours ?
- Dame ! Pourquoi l’épouse-t-on ? Ce n’est pas pour qu’elle soit éternelle ?
Le sauvetage du pauvre duc n’était pas une opération facile. Le baron n’en serait jamais venu à bout, sans un auxiliaire puissant, la vanité. Elle surnageait encore un peu, dans ce triste naufrage de toutes les vertus aristocratiques ; Monsieur de Sanglié le prit par là, comme on arrête un noyé par les cheveux.
Maître Alfred L’Ambert, avant le coup fatal qui le contraignit à changer de nez, était assurément le plus brillant notaire de France. En ce temps-là, il avait trente-deux ans ; sa taille était noble, ses yeux grands et bien fendus ; son front olympien, sa barbe et ses cheveux du blond le plus aimable. Son nez (premier du nom) se recourbait en bec d’aigle. Me croira qui voudra, mais la cravate blanche lui allait dans la perfection. Est-ce parce qu’il la portait depuis l’âge le plus tendre, ou parce qu’il se fournissait chez la bonne faiseuse ? Je suppose que c’était pour ces deux raisons à la fois.
Autre chose est de se nouer autour du cou un mouchoir de poche roulé en corde ; autre chose de former avec art un beau nœud de batiste blanche dont les deux bouts égaux, empesés sans excès, se dirigent symétriquement vers la droite et la gauche. Une cravate blanche bien choisie et bien nouée n’est pas un ornement sans grâce ; toutes les dames vous le diront. Mais il ne suffit point de la mettre ; il faut encore la bien porter : c’est une affaire d’expérience. Pourquoi les ouvriers paraissent-ils si gauches et si empruntés le jour de leurs noces ? Parce qu’ils se sont affublés d’une cravate blanche sans aucune étude préparatoire.
On s’accoutume en un rien de temps à porter les coiffures les plus exorbitantes ; une couronne, par exemple. Le soldat Bonaparte en ramassa une que le roi de France avait laissé tomber sur la place Louis XV. Il s’en coiffa lui-même, sans avoir pris leçon de personne, et l’Europe déclara qu’un tel bonnet ne lui allait pas mal. Bientôt même il mit la couronne à la mode dans le cercle de sa famille et de ses amis intimes. Tout le monde autour de lui la portait ou la voulait porter. Mais cet homme extraordinaire ne fut jamais qu’un porte-cravate assez médiocre. M. le vicomte de C***, auteur de plusieurs poèmes en prose, avait étudié la diplomatie, ou l’art de se cravater avec fruit.
Il assista, en 1815, à la revue de notre dernière armée, quelques jours avant la campagne de Waterloo. Savez-vous ce qui frappa son esprit dans cette fête héroïque où éclatait l’enthousiasme désespéré d’un grand peuple ? C’est que la cravate de Bonaparte n’allait pas bien.