Citations de Edmond Baudoin (413)
Je me sentais exclu, comme toujours, de l'univers de mes camarades, et je pressentais que le seul avenir possible, pour moi, ç’allait être une mansarde garnie d'une chaise, d'une table et d'un lit où j'allais pourrir toute ma vie. Une vie courte, quarante ans au grand maximum pendant lesquels j'écrirais un roman sans fin, un roman illisible qu'ils découvriraient après ma mort, près de mon cadavre mais dans lequel se trouverait le tout, toute la vérité sur l'existence et l'inexistence, le monde entier avec tous ses détails et son sens.
Le 9 décembre nous allons au cimetière de Santiago.
Je m’arrête devant les photos des victimes de la dictature.
L'émotion m'envahit.
J'imagine les rêves de ces femmes, de ces hommes, souvent jeunes, leur désir pour un monde meilleur.
Ils ont voulu défendre la vie, l'humanité.
Les ennemis de la vie et de l'humanité les ont tués.
Les larmes me viennent dans les yeux.
Alors je pense à une chanson de Brassens : " Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente."
J'aime Brassens, il a fait une part de ce que je suis avec ses poésies, mais je rejette cette chanson, elle est une insulte aux gens qui sont sur ce mur.
Emmanuel est à quelques mètres, ses yeux sont comme les miens.
Aujourd'hui les feuilles qui tombent des platanes sont grises comme un ciel triste.
Il me semble qu'avant elles étaient pleines de couleurs.
Si je dis à un enfant : " Ce monsieur n'est pas comme nous", je n'ai pas besoin d'autres explications. Mon affirmation est gravée dans la tête de cet enfant.
Si je dis le contraire : " Ce monsieur est comme nous"... " Il a les mêmes droits, ses enfants sont pareillement intelligents que toi...etc...etc...etc " là, il faudra que j'explique longtemps, et que je me répète souvent.
Qu'as-tu appris dans ton voyage ?
Que d'aller de l'autre côté de la terre ou faire le tour de son village c'est le même voyage. Que c'est juste une question de regard.
Il m’expliquait qu’un grand patron travaille bien plus intelligemment sur un terrain de golf qu’enfermé dans son bureau. Depuis, quand je passe aux abords d’un de ces camps de concentration pour riches, je pense aux arbres plantés là, à la quantité d’informations qu’ils ont sur l’élaboration de ce qu’on appelle « les plans sociaux ».
J'avais échafaudé le fantasme de l'emmener ici, chez elle, une dernière fois. J'imaginais, comme dans le film japonais La balade de Narayama, être le fils accompagnant sa mère en haut d'une montagne pour mourir. J'aurais, le matin avant de partir, empli mes poches de barbituriques. Et arrivés aux Sauches, nous nous serions assis sur l'air devant sa maison, nous aurions déjeuné, je lui aurais raconté une histoire, elle ne l'aurait pas comprise, son cerveau n'accrochait plus rien Ensuite, après l'avoir embrassée et embrassée encore, je lui aurais fait avaler les cachets. Je ne l'ai pas fait, elle est morte à l'hôpital, ce fut lamentable.
- C’est quoi le nom à la femme ?
- Pas de nom. Interdit.
- Ha bon ? Elle aussi, elle a perdu son nom ?
- Oui. Il ne lui en reste même pas le début. (*)
- Ben, on va lui donner un nombre alors, comme à moi [...]. «4.21» on va l’appeler, parce que, elle, elle a tiré le gros lot.
- Si tu veux, disons 4.21.
* : le témoin de la scène de crime s’appelle Pi comme Pierre par exemple.
Tout le monde grimpe à son mât de cocagne et s'arrache la peau à vouloir grimper trop vite.
J’ai des petites taches brunes sur le dessus de la main, la peau qui vieillit. Jeanne appelait ça « les fleurs de cimetière ». Mais comment dire que j’en ai aussi sur la queue ?
Son plus grand plaisir était de rentrer chez lui et, tout en mangeant la soupe avec sa femme ... de regarder la télévision. La télé était une «Ducretet-Thomson» et sa femme se prénommait Colette. Toutes deux fonctionnaient parfaitement.
" On naît et on meurt. Et à partir de cela on est en face de :
" Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'elle est notre responsabilité avec ce temps de vie, avec : Aujourd'hui, c'est un beau jour pour mourir. "
La vie, c'est un rapport à la mort, c'est tout.
La mort n'est pas embêtante ! Elle est juste la raison de vivre. "
[ extrait du film " Un chemin avec Edmond " :
https://vimeo.com/140663495 ]
La vie, c'est quelque chose à l'état brut. C'est instructif, qui ne se met à exister que dans la confrontation, confrontation entre de la soie et du métal.
[ extrait du film " Un chemin avec Edmond " :
https://vimeo.com/140663495 ]
À un jeune Soudanais dont je faisais le portrait, j'ai demandé : "Quand débarquant du bateau tu as mis le pied sur la plage italienne, tu as pensé quoi ?" Sans hésitation, il m'a répondu : "C'est mieux d'avoir la mort devant que derrière."
Il y a dans le monde des chemins plus beaux mais c'est de celui-là que je veux parler. Le chemin de Saint-Jean est mon chemin. Il ne m'appartient pas. C'est un peu lui qui m'a fait. Je dis mon chemin comme on dit ma mère.
[ extrait du film " Un chemin avec Edmond " :
https://vimeo.com/140663495 ]
Nous, ça n’existe pas. Toi, tu existes. Moi, j’existe. Nous, c’est une oie qui a perdu le nord.
JE TRAVAILLE SUR UN LIVRE DE MIRCEA CĂRTĂRESCU,”LULU” EN FRANÇAIS, ”TRAVESTI” EN ROUMAIN. J'AIME MIEUX LE TITRE ”TRAVESTI”. QUAND ON ÉCRIT, ON NE PEUT QUE TRAHIR LA VÉRITÉ, LA TRAVESTIR. ET MOI, JE TRAHIS UNE TRAHISON.
C’est si fragile et si fort une vie.
Personne ne peut appartenir à personne. Mais je m'en fous, comme le dernier des crétins, je veux l'impossible.
Dans ce château il y avait une très belle écurie,
et dans cette écurie, sur des coussins cousus avec des fils d'or, se prélassait un âne.
- Un âne sur des coussins cousus avec des fils d'or ! ?
C'est impossible papa.
- Tu dis c'est impossible parce que tu ne sais pas de quoi était capable cet âne.
Cet âne était magique. Tellement magique qu'on le suivait partout. Où qu'il allait, deux hommes portant un grand panier et le ministre des finances allaient.