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Critiques de Edvard Munch (4)
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Edvard Munch

Je ne connaissais que le cri, un chef-d'oeuvre. Je n'ai pas eu la chance de voir ses tableaux. Alors, j'ai ouvert ce livre comme on ouvre une fenêtre et j'ai vu le soleil entrer dans ma maison et dans mon être. Rien de plus à dire si ce n'est merci monsieur Edvard Munch.
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Carnets de l'âme

La grand peintre norvégien Edvard Munch ne souhaitait pas forcément d’être lu. En tout cas, pas par n’importe qui. C’est ainsi que dans plusieurs de ses carnets, légués par testament à la ville d’Oslo, on retrouve encore l’inscription «à détruire après ma mort», recommandation qui serait parfois remplacée par un «à n’être lu que par des personnes sensibles»!

Il les appelait ses «carnets de l’âme ». Ces derniers font partie du fonds composé de 13.000 pages écrites laissées par l’artiste, incluant lettres, textes accompagnant des croquis, ainsi que d'autres notes personnelles que les archives du Musée Munch d’Oslo continuent de décrypter, et dont à ce jour seulement une petite partie serait publiée.

Le petit opus que vient d’éditer la maison Casimiro ( ?) est, quant à lui, un recueil issu bien sûr des carnets personnels de Munch, mais constitué d’une sélection de quelques extraits provenant de ceux traduits en anglais par les bons soins du musée norvégien. Édition opportune (et opportuniste..?) datant de septembre/octobre 2022, juste avant l’ouverture en France, au Musée d’Orsay, d’une magnifique rétrospective consacrée à Edvard Munch qui, avec Vincent van Gogh et Paul Gauguin, est l’un des grands précurseurs du mouvement expressionniste en Europe. C’est en sortant d’Orsay, émotionnellement bouleversé comme à chaque fois que j’ai l’occasion de me retrouver face à Munch, un de mes artistes modernes préférés – pour ne pas dire mon préféré, élu dans tous les cas par cette inconfondable prédilection spontanée du cœur née, pour ce qui me concerne, dès ma toute première rencontre avec l’artiste lors d’un visite que j’ai eu la chance de faire au sortir de adolescence, «chez lui», à son musée à Oslo – que je me suis donc procuré, à la boutique du musée d’Orsay, cet opuscule-souvenir. Outre la partie texte, ce dernier comprend également des photos du peintre et quelques reproductions noir-et-blanc et en couleur de gravures et tableaux, œuvres qui, pour la plupart, font partie de celles exposées temporairement à Orsay.

Rien de surprenant à ce que l’artiste ait intitulé ses carnets personnels, « carnets de l’âme ». Car Munch aura éte, n’est-ce pas, fondamentalement un «peintre de l’âme», infatigable autobiographe des vibratos subtils émis par cette dernière, autant que de ses soubresauts insistants, quelquefois angoissants. Âme impériale - et impérieuse - qu’il ne cessera de radiographier au travers d’une production aussi colossale en termes quantitatifs (près de 1. 800 tableaux, 8. 000 dessins, environ 20. 000 gravures !!) que sélective pour ce qui est du nombre relativement restreint de ses motifs récurrents, mis en œuvre de manière répétée, quasi obsédante par l’artiste, à travers de très nombreuses versions de ses tableaux, retravaillées ou simplifiées, réagencées ou redimensionnées, réitérées à différents moments de sa vie et à toutes les étapes de sa carrière de peintre, transposées aussi sur des supports qui se seront au fur et à mesure eux-mêmes diversifiés (peinture sur bois, lithographie, gravure sur bois, fresques murales...). Motifs parmi lesquels figurent essentiellement des sentiments et autres mouvements animiques tels l’anxiété ou la passion amoureuse (dont le surprenant «baiser» fusionnel, parfois dangereusement «vampirisant», repris à d’innombrables reprises), la jalousie ou le désespoir (dont le célèbre «cri»), ses souvenirs personnels liés notamment à la maladie, physique ou mentale, omniprésente dans son histoire personnelle («j’étais pratiquement mourant quand je suis venu au monde »), ainsi qu’aux deuils douloureux connus durant son enfance (dont les magnifiques tableaux successifs sur le thème de «l’enfant malade »), ou encore une Nature primaire, rayonnante, projetée de l’intérieur et représentée grâce à une tension maintenue en équilibre parfait entres lignes de forces et les tonalités surprenantes de la palette de Munch (et où l’élément aquatique et l’image des fjords de son enfance seront très présents), quelquefois, enfin (je jure que je vais bientôt finir ma phrase!!) des décors et des intérieurs, mises-en-scènes dessinées et colorées essentiellement aussi à partir du point de vue subjectif des personnages qu’elles encadrent et qui, très régulièrement, porteront, eux, leurs regards ailleurs, à l’intérieur d’eux-mêmes ou bien tournés vers nous, spectateurs.

Munch indique dans ses carnets avoir voulu «disséquer l’âme (...) tout comme {faisait] Léonard de Vinci ouvrant les corps pour analyser leurs organes internes». Il est vrai que la première exhibition publique de son œuvre avant-gardiste, la version originale de «La jeune-fille malade» de 1895, provoque un choc qu’on pourrait qualifier de presque aussi retentissant que celui causé par la dissection des cadavres humains du temps du grand maître italien. Aucune peinture n’avait jusque-là provoqué un tel scandale, un tel rejet en Norvège. Munch fut traité lui-même d’immoral et d’imposteur, aussi bien par les artistes les plus en vogue dans son pays à l’époque, tel Gustav Wenzel, que par les critiques d’un art norvégien encore totalement dominé par le naturalisme.

Sûrement meilleur peintre qu’écrivain («je divise mon œuvre en deux, le peintre et son ami altéré : l’écrivain»), Munch se sentait en même temps peu enclin à théoriser autour de son art («c’est comme si je formulais un programme, et les programmes –comme les associations ou les alliances – sont nés pour être déboutés – et tant que cela ne se produit pas, ils vous tirent comme un boulet au pied»). Nous ne devrions pas à notre tour, je pense, feuilleter ces carnets en essayant de juger de leur qualité littéraire. Il s’agirait plutôt, à leur lecture, de pouvoir compléter, à l'aide de mots et par les frémissements de sa plume en principe sans prétentions, au style absolument pas «travaillé», hésitant entre pensées abstraites, élans poétiques, éléments autobiographiques et d’auto-analyse, voire par moment de petits règlements de comptes envers ses détracteurs-, l’expérience troublante et ineffable que nous avons pu vivre face aux vibrations intenses créées par son pinceau, pour le coup parfaitement assuré de ses intentions : vagues d'émotions à l'état brut portées par ses colorations fougueuses ou par ses ombres spectrales, ondulations provenant toutes de la même «sève de l’existence», collapses aussi, qu’il aura subis au contact de souvenirs persistants de maladie et de deuil s’étant répercutés sur la main qui le tenait sous contrôle jusque-là, illustrant parfaitement ce que le peintre décrirait dans ses carnets, avec ses mots simples à lui, comme une véritable «malédiction congénitale» le contraignant à ne pas suivre le même chemin que ses contemporains, ni dans l’art, ni dans la vie réelle, et le faisant par exemple considérer «comme un devoir sacré de ne pas se marier et de ne pas fonder une famille».

Parfois, surpris, le lecteur verra en revanche émerger inopinément, au milieu d’écrits la plupart du temps fragmentaires et erratiques, des indications succinctes, parfois très précises sur la genèse de l’une de ses œuvres :

« Un soir je marchais le long d’un chemin, la ville d’un côté, le fjord de l’autre –j’étais fatigué et malade- je m’arrêtai pour contempler le fjord –laissant mes amis s’éloigner. Le soleil se couchait, et l’air se teintait de rouge –comme du sang ; j’avais l’impression qu’un cri avait traversé la Nature ; je sentis un cri. J’ai peint ce tableau : j’ai peint l’air et les nuages comme du sang. »

Avec son art, Munch voulait à terme parvenir à réaliser une «frise de la vie», projet ambitieux consistant d’après lui en un agencement particulier de ses peintures, assemblées sous son égide, par cycles et par thème, et mises côte à côte, ce qui aurait également poussé l’artiste, d’une part à élargir les thèmes personnels sous-jacents à la création de ses premières œuvres, d’autre part à les retravailler sur des formats aux dimensions de plus en importantes, leur apportant une connotation universelle toujours en cohérence cependant avec l’expérience intérieure et la tentative de comprendre son propre destin, source et moteur permanent de son inspiration et de sa quête artistiques. (La quasi-totalité de ses très grands formats et de ses fresques monumentales se trouvent actuellement, soit au musée Munch, soit dans d’autres bâtiments situés en Norvège.)

Je ne peux objectivement accorder que trois petites étoiles à ce projet éditorial assez sommaire, au timing dirait-on dicté surtout par la perspective de bons chiffres d’affaires, au vu de l’ouverture cet automne de l’exposition parisienne consacrée au peintre, ne contenant par ailleurs aucune note de bas de pages, ou toutes autres références susceptibles de mieux contextualiser les extraits (en dehors d’une petite préface nourrie de banalités sur le peintre ou de la numérotation officielle des manuscrits provenant des archives du musée d’Oslo).

Précieux petit ouvrage, toutefois, à un autre titre, assez particulier et personnel : en tant que petit objet-souvenir et objet-fétiche (dans l’un des sens premiers du mot: objet remplaçant une absence). Ces «Carnets de l’âme » intègreront désormais le club très restreint de ses congénères en papier (petits-formats de préférence) ayant le privilège d’accéder à l’espace privé de ma chambre à coucher, et de trôner sur une (petite aussi) étagère placée à côté de mon lit, vouée à accueillir une trace palpable de mes plus vieux potes animiques, mes frangines et frangins, d’armes et d’âme, les plus proches, et qui se nomment, entre autres - et dans le désordre : Pessoa, Camus, Weil, Lispector...

Sur l’un des murs de l’espace réservé à la rétrospective du Musée d’Orsay, on peut lire cette phrase magnifique, extraite elle-aussi des carnets de l’artiste (et que je ne trouverais hélas parmi les maigres extraits retenus par cette édition) : «Nous ne mourrons pas, c'est le monde qui meurt et nous quitte».

Munch, je ne veux surtout pas vous quitter.

(Animula vagula blandula)

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Edvard Munch

J'aime moins leur saumon en Norvège, malgré tous leurs efforts commerciaux et d'élevage pour le réhabiliter. Il est vrai que la truite française n'est pas mieux lotie.

Mais il y a un monstre norvégien de talent, que dis-je un génie qui supplante mon propos liminaire, frugal ou bien gras, comme on voudra. Je ne sais pas de quel loch il sort celui-là, mais je l'admire. Je crois même que c'est le peintre que je préfère, ça fait un bail déjà : il doit bien y avoir une once de vérité.



Notre ami Munch, Edvard Munch mettait ses peintures fraîches dehors, c'étaient plutôt des grands formats ; il les disposait contre la façade de sa maison ; non pas pour éviter de s'incommoder à l'intérieur ou en atelier à cause de ces odeurs fortes d'huile de lin et de térébenthine, mais pour patiner la peinture au temps, lui donnant selon lui un aspect de vécu comme une icône ou autre chose que j'ignore..



J'entre dans une librairie, c'était achalandé et je vois la libraire remettre quelques bons livres à un client, elle demande :

-Je vous les mets en sac, Monsieur bidule ? Un client connu apparemment.

- Non merci, c'est aimable à vous, je préfère qu'ils prennent l'air comme la peinture. Et le monde se met à rire.

Je n'ai pas osé demander pourquoi il a dit ça, par timidité sans doute. Un sens qui restera inéclairci .
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Edvard Munch

Mon cri du cœur à moi humble et admiratif de Munch le créateur magnifique à ne pas résumer à son CRI D ATROCE DÉTRESSE .

SOLAIRE E.

ET IRRADIANT VÉRITABLEMENT en effets sublimes de trilles de couleurs plaquées avec une rage de vivre et passion évidente.a l'évidence éblouissantes comme son message lancé à la Vie
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