Eka Kurniawan -
L'homme-tigre .
Eka Kurniawan vous présente son ouvrage "
L'homme-tigre" aux éditions
Sabine Wespieser. Rentrée littéraire automne 2015. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/kurniawan-eka-homme-tigre-9782848051925.html Notes de Musique : Featherlight by Lee Rosevere - Free Music Archive www.mollat.com Retrouvez la librairie Mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat You Tube : https://www.youtube.com/user/LibrairieMollat Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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"Crois-tu en Dieu? lui demanda Kliwon avec prudence.
- Ce n'est pas le problème. On n'a pas à se demander s'il existe ou non un dieu, quand on sait que devant soi des hommes piétinent d'autres hommes.
« Allongez-vous comme des cadavres, jusqu’à ce qu’il se lasse. » Mais les jeunes femmes trouvèrent cela encore plus atroce. Rester inerte et muette tandis qu’un homme leur tripotait le corps et les baisait, aucune d’entre elles ne pouvait se l’imaginer. « Ou bien attachez-vous avec beaucoup d’attentions à un homme qui vous plaît. Rendez-le dépendant de sorte qu’il vienne tous les soirs et vous paie pour une nuit entière. Satisfaire les besoins du même homme vaut beaucoup mieux que de dormir tout le temps avec des gens différents. Vous pouvez même espérer qu’il vous emmène et fasse de vous sa maîtresse attitrée. »
L’idée paraissait bonne, mais elle était trop effroyable pour que ses amies puissent y penser.
« Ou alors racontez des histoires comme Shérérazade. »
Aucun d’entre elles n’avait de talent de conteuse.
« Proposez-leur de jouer aux cartes. »
Il n’y en avait aucune pas une à savoir jouer aux cartes.
« Si c’est comme ça, faites tout le contraire, dit Dewi Ayu, résignée, violez-les. »
En haletant, il leur apprit que Margio avait tué Anwar Sadat. Il le leur dit sous le coup de l’émotion, pour que Kyai Jahro se dépêche de réciter la prière des morts, cela faisait partie de ses prérogatives ces dernières années. « Mon Dieu ! », dit le major Sadrah après un court moment d’affolement. Ils se dévisagèrent un instant, comme s’il s’agissait d’une blague dont ils n’avaient pas compris le sens. « Je l’ai vu ce midi brandissant un vieux sabre japonais tout rouillé datant de la guerre. Maudit garnement, j’espère qu’il n’a pas repris cette arme de malheur que je lui ai confisquée. – pas du tout, dit Ma Soma. Le gamin lui a mordu à mort la veine jugulaire. »
"Tu n'as pas besoin de t'excuser, shodancho, car je porte maintenant la plus récente des ceintures de chasteté et elle est protégée par un mantra plus coriace. Elle n'est pas en fer et, même si j'étais nue, tu ne pourrais pas me pénétrer sexuellement."
Le shodancho se contenta de dévisager sa femme avec une surprise qui n'était pas feinte. Il était médusé du fait qu'elle ne lui manifestait absolument aucune hostilité.
"Le vent se lève, shodancho. Rentrons."
Le monde avait changé, disait le camarade Salim. Les Allemands et les Japonais avaient atteint la puissance de n'importe quelle nation développée, et voulaient leur part du gâteau. Durant une centaine d'années, plus de la moitié de la surface du globe avait été dominée par les notions européennes, qui en avaient fait des colonies, avaient aspiré tout ce qu'elles avaient pu y découvrir pour le ramener chez elles et s'enrichir. Mais ni l'Allemagne ni le Japon n'avaient participé au festin, et ces deux pays avaient exigé leur part.
Telle fut l'origine de toutes les guerres, ces guerres entre les nations avides d'accaparer.
L'odeur d'une mer à la voix de fausset flottait parmi les cocotiers.
Avec les armes qu'ils avaient, ils étaient résolus à vaincre l'armée la plus formidable d'Asie, une armée qui avait gagné des guerres en Russie et en Chine, une armée qui avait expulsé les Français, les Anglais et les Néerlandais de leurs colonies, une armée qui faisait maintenant la guerre dans l'océan Pacifique contre la moitié du monde, une armée qui leur avait même appris à bien porter les armes.
Il regardait la scène comme une pièce de théâtre qu'on aurait jouée à domicile, vérifiant que personne ne sortît de son rôle.
Le vent qui soufflait lui faisait savoir que Maharani avait pris la décision de s'en aller. Il espérait avoir l'occasion de la revoir, de faire la paix avec elle, de lui dire qu'il n'était pas à l'origine de cette funeste affaire, mais que tout avait été déterminé par le destin.
C'est alors que le tigre qui siégeait dans le corps de Margio en sortit. Il avait la blancheur d'un cygne.