Un écrivain mort moyennement bon jouissait d’une reconnaissance bien plus durable et solide que celle que le monde était enclin à témoigner à un collègue brillant, mais en vie.
Selon Evdokia Voïona, les gens se divisent en deux catégories, ceux qui sont comme elle et ceux qui sont pires qu’elle. On ne peut pas être autrement.
Qu’être policier ne diminuait en rien la probabilité de devenir un jour une victime. Un policier pouvait tout autant être une victime que n’importe quelle autre personne. Car être un humain signifiait automatiquement être une victime potentielle.
Il n’aimait ni écouter, ni lire des propos le concernant. Il ne se reconnaissait pas dans les mots des autres.
Natassia Voks était la première à sentir le moment où un écrivain commençait à mourir. Les livres d’un écrivain en train de mourir ou déjà mort n’étaient pas morts-nés. C’étaient des livres fantômes errant désespérément autour d’autres livres que l’écrivain avait naguère écrits. Parfois, d’un point de vue purement technique ils étaient bien plus achevés que leurs prédécesseurs. On pouvait observer une légèreté déconcertante frisant l’ennui là où, lorsqu’il était jeune, l’écrivain était tombé dans le gouffre de sa propre exaltation. Il en résultait des livres qui étaient loin d’être mauvais. Il y avait des lecteurs qui les aimaient. Et des critiques qui chantaient leurs louanges en ayant recours à des mots pesants, jamais utilisés, comme s’ils les visaient avec des pierres. Les archives de l’agence étaient bourrés de recensions de ce genre et il en arrivait sans cesse de nouvelles. Les noms qui les ornaient, tels des couronnes de lauriers, étaient ceux d’authentiques aristocrates de la littérature. Les autres critiques, plus ordinaires, écrivaient plus simplement, mais leurs écrits étaient ennuyeux car on comprenait tout, or ils n’avaient pas toujours quelque chose à dire.
On pouvait observer une légèreté déconcertante frisant l’ennui là où, lorsqu’il était jeune, l’écrivain était tombé dans le gouffre de sa propre exaltation. Il en résultait des livres qui étaient loin d’être mauvais. Il y avait des lecteurs qui les aimaient. Et des critiques qui chantaient leurs louanges en ayant recours à des mots pesants, jamais utilisés, comme s’ils les visaient avec des pierres.
Les gens ordinaires n’ont pas de vocation. Ils ont seulement une profession qui leur permet de se nourrir.
Lorsqu’on ne sent pas la vie à l’intérieur de soi, on en cherche les signes à l’extérieur. Ce fragile équilibre qu’elle n’avait pu apprendre à atteindre. La balance penchait toujours du côté opposé. Les autres lui semblaient toujours, sinon pas plus heureux, du moins mieux accoutumés à leur frustration, à leurs manques, à leur misérable nature.
Il lui en était resté la découverte qu’en poésie, tout était permis. Et, bien qu’elle se fût convaincue que ses étranges phrases étaient bel et bien de courts poèmes, vraisemblablement des haïkus, elle préférait ne pas les qualifier de poésie, même en son for intérieur. Un art dans lequel il était impossible de trouver ne serait-ce que quelque chose comme des exigences formelles claires et où chacun faisait ce qui lui chantait lui paraissait pour le moins suspect.
Si quelqu’un avait décidé de se venger, mieux valait qu’il ne fasse pas les choses à moitié. Quoique… y avait-il vengeance plus horrible que de laisser la victime porter les traces de la fureur jusqu’à la fin de sa vie ?
Parfois, lorsque vous n’avez pas d’alternative, même le foyer où votre père bat tous les soirs votre mère demeure votre foyer.