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Citation de usagi


« Il est essentiel que la personnalité sociale de chaque individu évolue de manière à correspondre à son sexe biologique, c’est-à-dire que le garçon doit avoir des habitudes de garçons et les filles des habitudes de filles. La normalisation des sexes tend à préparer les enfants à leur rôle de futurs parents. Cette normalisation, bien que biologiquement déterminée de toute évidence, se développe en fonction de comportements indifférenciés de la prime enfance. Par exemple, les garçons apprendront qu’ils n’ont pas à se battre avec leur sœur, mais doivent se battre avec les autres garçons de leur âge s’ils ne veulent pas qu’on les traite de femmelettes. Les filles doivent apprendre qu’une jeune fille comme il faut ne grimpe pas aux arbres, même si les garçons le font ; les garçons doivent comprendre qu’après un certain âge, les hommes ne jouent pas à la poupée, même s’ils y jouaient avant. Les garçons doivent apprendre que les larmes ne sont pas une réaction convenable dans une situation conflictuelle, alors qu’on n’insiste guère pour que les filles renoncent à ce même comportement. Les filles doivent aussi apprendre à croiser les jambes en s’asseyant, alors que de telles précautions ne seront pas nécessaires pour les garçons. Et cette liste pourrait se prolonger à l’infini ; il suffira d’avoir évoqué ces modifications progressives dans les comportements imposés afin de réaliser la normalisation des sexes, modifications qui sont à considérer comme des frustrations plus ou moins grandes. Dans certains cas, chez les adultes, les tendances à se rebeller contre la répression des formes de comportement originel restent encore visibles. » (John Dollard, « Frustration and agression »)
Dollard semble un peu hâtif dans son analyse qui appelle certaines objections : la normalisation des sexes n’a pas pour but de préparer les enfants à leur rôle de futurs parents, mais de préparer les petites filles à leur rôle d’épouse et de mère, et les petits garçons à leur avenir de détenteurs du pouvoir. La normalisation, biologiquement déterminée, ne l’est qu’en fonction de la procréation ; tout le reste est culturel, jusqu’à preuve du contraire.
Dans le bref répertoire relevé par Dollard, il est clair que la balance de la frustration issue de la contrainte à se conformer au modèle sexuel exigé, penche décidément en défaveur des petites filles. Quelle frustration occasionne, par exemple, pour les garçons, le fait de ne pas se battre avec les filles, au regard de la défense absolue d’en venir aux mains ? Si la frustration, comme le soutien Dollard, engendre l’agressivité, les petites filles, bien plus frustrées que les garçons, devraient en développer davantage. Il en est probablement ainsi, à ceci près qu’un obstacle s’ajoute à l’autre puisque même la libre expression de l’agressivité leur est interdite. Leur condition serait insupportable si elles ne trouvaient pas le moyen de l’exprimer par des formes différentes, telles que l’agressivité dirigée contre soi, l’agressivité verbale (insultes, médisance, commérage), ou encore, les réactions somatique négatives, inhibitions, stéréotypes (dont font partie également les jeux ritualisés et contraignants que nous avons examinés), perfectionnisme anxieux et ambivalence.
Mais cela ne suffit pas : en échange de la maîtrise d’elles-mêmes, on offre aux petites filles des compensations extrêmement attrayantes en apparence, mais qui se ramènent à de véritables limitations de la réalisation de soi en tant qu’individu : la valorisation de la beauté, le soin attentif et excessif de l’aspect extérieur, l’encouragement au narcissisme, des possibilités accrues de manifester leur propre émotivité, tout cela manque d’authenticité. Toutes les petites filles restent au fond des rebelles impuissantes, contraintes à calculer à chaque moment s’il vaut mieux se livrer à la rébellion ou se soumettre à la dépendance. Celles qui ont plus de vitalité combattent plus longtemps et douloureusement que les autres, mais le dilemme sera le même toute la vie, à chaque occasion de faire un choix, et les maintiendra en permanence dans un état de désengagement et d’attente.
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