"Scrittori in fuga" - con Elisabetta Bucciarelli e Sebastiano Mondadori
Ce sont les gens avec qui tu choisis d'avoir des liens qui comptent, pas ceux qui sont obligés d'évoluer autour de toi. Ceux-là, tu les subis.
Parfois la colère peut prendre différentes formes: des mouvements rapides, des paroles qui s'échappent, des bombes à retardement. On laisse au hasard le soin de décider à sa guise: les circonstances, les opportunités, les moments dangereux. On sait dès le départ comment cela va finir, pourtant l'espoir, l'inconscience ou la superficialité entrent en jeu pour calmer l'angoisse, dissoudre la sensation de danger, annuler le risque. On fait des gestes. On dit des mots. Moments où l'après et l'avant ne coïncident plus.
Certains événements importants se passent en un instant. Il y a un avant et un après, qui s'opposent. Une maladie, une perte, une cicatrice. Certains arrivent sans raison, d'autres simplement parce que nous les déclenchons. A l'aide de nos mots, de nos gestes ou de certaines omissions. Quelque chose arrive, malgré nous ou à cause de nous. Et nous sommes déjà après.
Iac, lui, n'avait pas besoin de crier sa différence; il se sentait déjà si étranger à presque tout, si marginal, que parfois il ne savait plus se distinguer des déchets qui l'entouraient.
À présent, il s’arrête. Tu vois que c’est un chien, un mâle, facile à désosser : il suffirait d’un couteau qui coupe bien, ceux pour la viande. Un chien côtelette, oreille, cou. Un chien queue effilée, droite. Il arrache quelque chose du sol, il tire dessus comme si c’était un bout de tissu, un chiffon, un jeu. Tu observes plus attentivement, il continue de tirer sur l’objet, de le lacérer avec ses dents blanches. Il déchiquette, se démène, éclaboussures jaunes et museau gras. Tu le vois chien, mais tu le sens homme. Pas tant dans l’apparence que dans ses prédispositions. Cette façon qu’il a de chercher sans arrêt. Seul et silencieux. Tu t’approches doucement, de sorte qu’il ne t’entende pas. Il s’arrête et, sans même avoir bougé les yeux, il t’a déjà perçu. Il a senti ton odeur parmi les odeurs. C’est dans sa nature, qui ne plie pas, ne succombe pas face aux décombres, aux ruines, aux gravats, aux déchets, aux restes et aux rebuts qui t’entourent. La faim est encore là. Ça n’a servi à rien, ce bout de repas arraché à la terre, à ce tas indistinct, pas même à remplir un peu ce ventre besace, ni à réveiller son odorat. Son instinct lui ordonne de chercher encore de la nourriture. Pas d’aller se mettre à l’abri ni de trouver un partenaire sexuel.
(...) la vie leur avait appris à tous qu’il fallait craindre ceux qui ont peur, parce que c’est la peur qui pousse à accomplir les pires infamies.
Car la vie leur avait appris à tous qu'il fallait craindre ceux qui ont peur, parce que c'est la peur qui pousse à accomplir les pires infamies.
C'était de la matière vivante, les jeunes en étaient certains, un agrégat qui obéissait à un cycle continu : il incorporait n'importe quel élément, naturel ou étranger, puis le restituait, prêt à être respiré, mangé et assimilé, à l'écosystème. (p.149)
C'était un magma marron indistinct, un mélange en putréfaction, moitié solide, moitié liquide, duquel, de temps à autre, des jets émergeaient ; on aurait dit les souffles d'air d'une baleine. C'était le percolat qui, depuis les profondeurs du magma, semblait sur le point de refaire surface, comme témoignant d'une mutation en cours : gargouillement, bouillonnement, simple essoufflement de la terre pourrie ou grand rot d'un estomac rassasié par l'excès d'inutile. (p.149)