Penguin Books Animation - Gretel and the Dark by Eliza Granville
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Josef songea à la première fois que ses yeux étaient tombés sur la jeune fille dans les bras de Benjamin, emmitouflée dans une couverture d’écurie, ses plis grossiers encadrant son visage blême et ensanglanté, l’entaille sur sa gorge béante comme une seconde bouche, le choc que lui avait provoqué son crâne nu et ses yeux ouverts qui ne voyaient pas, comme s’ils étaient rivés sur un sinistre au-delà.
À cet instant, elle lui avait évoqué une fleur coupée. Un nom de fleur alors, car c’était presque une marque d’affection. Étant donné qu’elle était si pâle, si frêle, et parce que c’était sa fleur préférée, ils l’appelleraient désormais Lilie.
C'est une torture supplémentaire de penser que cette génération aussi devrait endurer nos souvenirs. Il est presque impossible de trouver le point d'équilibre entre la transmission du fardeau des vils détails et l'assurance que la vérité ne sera jamais oubliée. [...] Quand je me rappelle mes années à Ravensbrück, tous mes sens sont mobilisés : la faim mordante ; l'odeur écoeurante de la chair qui brûlait portée par le vent ; les cris des nourrissons étouffés par des mères désespérées ; mes oreilles qui bourdonnaient quand on m'avait donné un coup au passage ; le goût du sang dans ma bouche ; la douleur dans mes mollets quand nous restions debout sous la pluie battante, la neige ou l'implacable soleil d'août ; l'aveuglement au plus profond de soi face à ce que les yeux ne peuvent s'empêcher de voir, la douleur, la perte, le... (p. 438)
Oui, la vie est dure, chuchote Erika, mais connaître d'autres peuples, d'autres civilisations, d'autres façons de vivre, d'autres endroits, voilà ce qui te permet de t'échapper. C'est un voyage magique. Une fois que tu sauras ces choses, peu importe ce qui t'arrivera, ton esprit pourra créer des histoires pour t'emmener là où tu le voudras.
Il y a une autre personne qui invente des histoires, mais elles ne sont pas bonnes. Les siennes font bang, bang, bang, comme de fines tranches de pain sec qui tombent sur une assiette. Les miennes sont riches ; elles sont caramélisées et regorgent de groseilles et d'épices. Quand les autres enfants ont vraiment faim, je peux les emmener au fond de forêts encore plus sombres pour que nous nous débarrassions des sorcières par des moyens horribles avant de les laisser manger le pain d'épice.
Peut-être est-ce ce qui arrive quand on invente des histoires à l'intérieur d'histoires qui sont elles-mêmes des contes de fées : elles deviennent horriblement réelles.
Oh oui, les histoires changent avec le vent, la marée et les phases de la lune. De toute façon, la moitié du temps, ce ne sont que des brumes tressées qui disparaissent quand la lumière du jour tombe sur elles.
Peut-être est-ce ce qui arrive quand on invente des histoires à l'intérieur d'histoires qui sont elles-mêmes des contes de fées : elles deviennent horriblement réelles