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Critiques de Elizabeth Abbott (2)
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Le sucre : Une histoire douce-amère





En avant propos, je souhaiterais rendre ici hommage à l'une des institutions les plus importantes de la ville de Lyon, à savoir les Bibliothèques Municipales. En effet ces lieux sont devenus au fil des années des asiles culturels où je peux venir oublier en toute sérénité mon régime alimentaire riz-oeuf-oignon-yaourt et ma pénible condition de bénéficiaire du RSA. Avoir accès au fond titanesque de la BM de Lyon, pour un abonnement annuel dérisoire, qu'il s'agisse de livres, de films ou de musique, est un réconfort proprement indispensable à ma santé mentale. Je crois que je suis prêt à mourir sur une barricade pour assurer la pérennité de ce service public face aux menaces liées aux crues de l'Amazone et autre catastrophes néolibérales avides de profits.



Donc, en me promenant dans les rayon de la Bibliothèque de la Part-Dieu à la recherche de nourriture estivale, je me suis retrouvé nez à nez avec ce livre, intelligemment mis en présentoir par un bibliothécaire, loué soit cette profession bénie des Dieux. Un pavé de 400 pages sur l'Histoire du sucre, écrit par une journaliste-historienne canadienne. Le sucre. Pourquoi pas. D'origine champenoise, j'associe spontanément cet aliment à la sucrerie Beghin-Say de Connantre, baignant dans son odeur doucereuse, alimentée par la noria de camions chargés de betteraves qui ponctue le quotidien des gens de la région. Un instant, je m’imagine une histoire industrielle riante plein d'entrepreneurs jovials à la Willy Wonka, distribuant des sucreries en riant chaleureusement. Là, je remarque le "douce-amère" du titre, et je me dis que c'est peut-être un peu moins rose que çà. A vrai dire, mon cerveau avait aimablement effacé une autre image liée au sucre, celle du fermier cubain de "Soy Cuba" qui, désespéré parce qu'il va se faire évacuer sans ménagement par le propriétaire des lieux, devient fou et fait bruler des hectares de canne à sucre. Canne à sucre. Café. Cacao. Coton. Ça y est çà me revient complétement. Le commerce triangulaire. Les Indes Occidentales. L'esclavage. Je sens que ce livre ne va pas me remonter le moral...



Quelle idée aussi de lire de l’Histoire. L'un des constats récurrent de ce genre de lecture, c'est que l'humain se comporte systématiquement comme un salopard de la pire espèce dès qu'il s'agit de s'enrichir et de maintenir son pouvoir. Et là, on atteint des sommets. Après nous avoir brièvement présenté l'origine historique du sucre de canne, qui de l'Inde passe au Moyen-Orient avant de venir garnir les tables des nobles européens, Elizabeth Abbott aborde le cœur de son ouvrage ; la période où l'Empire britannique (et d'autres) commence à développer les cultures extrêmement lucratives de la canne à sucre dans les Antilles (et en d'autres lieux ensuite), et où le sucre se popularise de plus en plus, pour devenir un produit de consommation indispensable dans toutes les classes sociales. Et là, c'est moche. Très moche. Parce que les plantations telles quelles ont existé pendant des siècles, ce fut tout simplement l'enfer sur terre pour des dizaines de millions de personnes, tout d'abord les esclaves, puis dans une moindre mesure les coolies qui leur ont succédé à la fin du XIXème. Vraiment, les exactions commises pour favoriser les intérêts du lobby sucrier, leur opposition à l'abolition de l'esclavage, les infernales manipulations juridiques, politiques voire militaires (l'exemple de Hawaii en particulier), tout cela a rendu le thé sucré que je bois en lisant un peu moins agréable que d'habitude, laissant un arrière goût de sang et de sueur.



L'auteur aborde aussi le développement de la consommation du sucre en Occident, pendant indispensable de ce commerce sanglant, de l'apparition du sucre et de la mélasse dans le menu du travailleur britannique, pour finir en une apothéose diabétique gorgée de sodas, de bonbons, de chocolats et de crèmes glacées conduisant sereinement tout un pan de l'humanité vers l'obésité morbide. Le sucre a tout d'abord tué des millions d'humains lors de sa production ; il s'attaque maintenant aux consommateurs, avec leur consentement pas très éclairé. Mais je vous rassure, c'est toujours un commerce lucratif et çà le restera, quoiqu'il en coûte.



J'ai quelques réserves concernant cet ouvrage, que je résumerais par : "Qui trop embrasse mal étreint". Le sujet est parfaitement immense, et Elizabeth Abbott se contente de survoler certains sujets : je n'ai pas trouvé beaucoup de betteraves dans ce livre, et j'en suis un peu déçu. En réalité, ce livre s'attache principalement aux conditions de travail dans les plantations de canne à sucre, et aux jeux de pouvoirs pratiqués par les planteurs pour préserver leurs intérêts. De plus, le livre est très axé sur les Indes Occidentales britanniques (qui furent le plus gros producteur pendant très longtemps), même s'il existe deux chapitres traitant d'autres endroits dans le monde (Cuba, Louisiane, Natal, Fidji, Australie...). Pour finir, le style est plutôt journalistique, et même si tout cela est copieusement sourcé et que çà facilite la lecture (à l'inverse de la plupart des ouvrages universitaires), j'ai noté de nombreuses facilités ainsi qu'une tendance à l’anecdotique et au spectaculaire. C'est cependant une excellente lecture documentaire pour un quidam comme moi, que je vous recommande si le sujet vous intéresse, et que vous n'êtes pas historiens de profession (parce que cela vous semblera trop léger).

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Histoire universelle de la chasteté et du célibat

La question soulevée dans ce livre est très vaste; je m'intéresserai ici seulement à la partie concernant le christianisme. Aux IIème et IIIème siècles, la virginité n’était pas rare chez les jeunes filles et même les jeunes gens chrétiens. C'était un moyen de se rapprocher de Dieu, en attendant la parousie envisagée comme imminente. Le voeu de virginité des femmes était particulièrement valorisé, non seulement pour leur propre salut, mais surtout parce qu'il contribuait à protéger les hommes de la tentation sexuelle. Naturellement cette pratique est restée minoritaire. Saint Paul avait dû accepter le mariage, à contrecœur, afin d’éviter aux hommes et aux femmes d’être "brûlés" (par le désir). A sa suite, la "chasteté" sera demandée aux couples chrétiens, par les Pères de l’Eglise. En clair, il était préférable qu’ils fassent l’amour sans "lascivité" et uniquement à des fins de reproduction. Impossible de savoir si cette incitation était mise en pratique dans l’intimité conjugale ! Mais on peut supposer que ces directives ont influencé une partie de la société civile.



Par ailleurs, l’auteur rapproche cette "politique" du christianisme primitif en matière sexuelle, avec la construction de la théorie (élaborée par des "surenchères" successives) de la virginité de Marie, mère de Jésus. Mais cette histoire est bien connue.



Un autre aspect intéressant souligné par l’auteur, c’est que la valorisation de la chasteté, sinon de la virginité, n’est pas une spécialité des chrétiens. On a retrouvé avant l’ère chrétienne de telles recommandations et pratiques. Entre autres, Platon et les philosophes qui lui sont apparentés ont implanté durablement dans l’imaginaire occidental la hiérarchie entre la sphère supérieure (celle des "idées") et la sphère inférieure (le matériel, le corporel, y compris le sexuel). On la retrouvera un plus tard dans la mouvance chrétienne gnostique. Ce mode de pensée, dualiste, voire manichéen, a été condamné par les Pères de l’Eglise. Mais il n’était peut-être, qu’une caricature de la tendance prônée par les premiers chrétiens. On notera que ce dualisme sera encore observé tout le long de l’Histoire, par exemple chez les Cathares (au Moyen-Age).



Ceci est un résumé d'une partie de l'ouvrage seulement. Dans son ensemble, ce livre, long et bien documenté, intéressera les personnes particulièrement motivées par toutes ces questions. De telles références sont très rares dans la bibliographie.

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