Citations de Elizabeth George (691)
Salvatore, n'ayant pas réfléchi à ce à quoi pouvait ressembler une enquêtrice britannique, n'était évidemment pas préparé au choc qu'il ressentit en voyant celle qui franchit le seuil de son bureau deux heures après sa conversation téléphonique avec Greco. Peut-être était-il trop influencé par les séries policières de la BBC qu'il regardait, doublées en italien, depuis des années ? Car il aurait plutôt imaginé une de ces actrices flamboyantes à l'allure décidée, dotées de longues jambes, élégantes, séduisantes. Ce qu'il vit entrer était l'inverse exact de cette image virtuelle, sauf pour l'allure décidée. Petite, du genre costaud, attifée d'un débardeur bleu marine qui bâillait sur ses épaules rondes. Aux pieds, des baskets rouges. Ses cheveux semblaient avoir été coupés avec un sécateur mal affûté. Mais sa peau était ravissante - les Anglaises avaient ce teint de pêche grâce à l’humidité de leur climat -, quoique perlée de sueur.
En principe, il assistait à une simple démonstration, dont le but était d'initier le bon peuple aux subtilités du roller derby féminin. Cela dit, les joueuses n'avaient pas l'air au courant, vu le sérieux avec lequel elles se jetaient les unes sur les autres.
Elles portaient toutes un nom pour le moins étrange, qui légendait leurs photos patibulaires à souhait, imprimées sur le programme distribué aux spectateurs à l'entrée. Lynley n'avait pas manqué de manifester par des gloussements son amusement à la lecture de ces noms guerriers : Killeuse, Rita la Faucheuse, Coups et Blessures...
À trente ans, Barbara Havers était résolument laide et fermement décidée à le rester. Elle aurait pu choisir, pour ses fins cheveux brillants couleur de pin, une coupe adaptée à la forme de son visage. Mais elle s’obstinait à les porter au ras des oreilles, à croire que le coiffeur lui avait fourré un bol trop petit sur la tête. Elle ne se maquillait pas. Ses sourcils épais et non épilés faisaient ressortir la petitesse des yeux au lieu d’en souligner l’intelligence. La bouche mince que ne rehaussait aucune touche de couleur était perpétuellement pincée en une moue désapprobatrice. Trapue, l’air costaud, elle donnait l’impression d’être absolument inabordable.
Il regarda par la fenêtre en songeant qu’il n’était pas loin de penser que son père avait eu raison de lancer la bombe qui avait détruit leurs vies. Sa mère était vraiment une sale bonne femme !
Il dirigea son regard vers les oiseaux. Sans doute pensait-il la même chose qu’elle en cet instant : que les mouettes allaient par deux non parce qu’il était rassurant d’être en groupe, mais parce qu’il était rassurant d’être simplement avec une autre mouette…
De tous mes enfants, tu as toujours été le plus dur avec toi-même. Tu étais toujours en train de chercher la meilleure façon de te comporter tellement tu étais soucieux de ne pas commettre de faute. Mais, mon chéri, il n'y a pas de faute. Il n'y a que nos désirs, nos actes, et les conséquences qu'ils entraînent les uns les autres. Il n'y a que des événements, la façon dont nous y faisons face, et ce que cela nous apprend.
Elle se souvint que sa grand-mère lui disait : « Prendre des risques exigera un grand effort de ta part, trésor. La plupart des gens le font dans le noir. De ton côté, tant que tu ne sauras pas contrôler les murmures, tu le feras dans le demi-jour. » Becca comprenait enfin la signification de ces paroles : les pensées ne lui fournissaient que des informations partielles, et avec Diana elle se retrouvait dans une de ces situations incertaines.
- Je n'appelle pas ça l'œuvre d'un raté, fiston.
- Je devrais m'en servir davantage, rétorqua Seth. Je t'ai donné tout ce boulot et je ne viens pas...
- L'objectif n'a jamais été de s'en servir, simplement de la construire. Regarde-moi ça, Seth. C'est une œuvre d'art, et tu en es l'auteur.
- Absolument pas, tu m'as tout montré.
- C'est comme ça qu'on commence. Le savoir-faire se transmet. Et la transmission n'est possible que si, à l'autre bout de la chaîne, il y a quelqu'un avec le talent nécessaire pour l'utiliser.
Aux yeux du sergent Havers, les grands problèmes de la vie - qu'il s'agisse de la crise économique ou de la prolifération des maladies sexuellement transmissibles - trouvaient tous leur origine dans le système de classes. De fait, ce sujet, le plus douloureux des points de friction entre eux, constituaient le fondement, la structure et la conclusion de tous les affrontements verbaux, qui, depuis quinze mois qu'elle était devenue sa partenaire, avaient opposé Lynley au sergent Havers.
La vie était injuste. Le monde était injuste. Son existence aurait été tellement plus simple si les autres avaient bien voulu partager son point de vue. Mais ce n’était jamais le cas.
Elle se mit à sangloter. Il la lâcha et la regarda s'effondrer, malade d'humiliation. Malade qu'il ait pu la voir dans cet état, surtout lui, Thomas Lynley. Ou qu'il ait pu être le témoin de son désarroi, de la solitude qui ne la quittait pas, une solitude dont il n'avait même pas idée, de la tristesse infinie de sa vie avec pour seule perspective d'avenir ce travail de sergent à Scotland Yard.
Elle exerçait sur lui un charme indéniable. Peut être à cause de tout ce qu'elle dissimulait au regard du monde.
- J'avais 6 ans, dit-elle sans émotion. Je passais les vacances dans ma famille. Un jour, chez ma grand-mère, je me suis retrouvée clouée au sol par plusieurs femmes pendant qu'une autre s'occupait de moi avec une paire de ciseaux. Toutes me répétaient que j'avais de la veine qu'elle utilise une lame qu'on venait d'affûter au lieu des instruments habituels.
- C'est-à-dire ?
- Un rasoir, un couteau, un éclat de verre... Tout ce qui coupe.
(p. 271)
- Quelle bonne nouvelle ?
- Elle est enceinte
- Enceinte ?
- De vous, à ce qu'elle raconte. Selon elle c'est le destin, vous êtes faits l'un pour l'autre, tout ça tout ça. D'après elle, c'était écrit dans les étoiles. Elle et vous, je veux dire. Pas Teo et vous.
Ross avait cessé de manger.
- Comment est-ce que...Comment c'est arrivé ?
- De la façon habituelle, je pense, sauf si l'ange Gabriel lui a présenté le Saint-Esprit pendant qu'elle lavait ses culottes à la rivière.
Vous avez l'air estomaqué, monsieur Carver. Je me trompe ?
Tel un génie surgissant d'une lampe pour exercer son vœux, sa coéquipière, le sergent Barbara Havers, apparut alors derrière la vitre côté conducteur, aspirant la fumée d'une player presque entièrement consumée. Il attendit qu'elle écrase son mégot pour ouvrir la portière et descendre. Barbara était vêtue dans son style inimitable : un pantalon trop court, sans doute chiné dans une friperie, de vieilles baskets montantes rouges et un tee-shirt sur lequel était écrit " A MA MORT, INCINEREZ-MOI POUR UNE DERNIERE CUITE". Lynley soupira. Au moins, elle avait noué sur ses épaules une espèce de pull qu'elle pourrait enfiler en deux-deux si elle croisait un officier plus galonné et moins tolérant que lui.
- coup de barre ou coup de cafard ? demanda-t-elle en le dévisageant.
- ni l'un ni l'autre.
il se dirigea vers l'ascenseur, et elle lui emboîta le pas
p.125
Créer, c'est décider d'offrir une part de soi aux autres et de la soumettre à leur jugement.
( p. 179 - Éd. Pocket)
Il songeait aux compromis que l'on était obligé de faire lorsqu'on liait son existence à celle d'une autre personne. On se rencontre, se dit-il, on s'aime, on poursuit l'objet de sa flamme, on le conquiert. Mais il se demanda s'il existait un homme qui , pris dans le feu du désir, était capable de se demander s'il pourrait vivre avec l'objet de sa passion avant de se retrouver en sa compagnie. Cela lui semblait douteux.
Etranglé, vous voulez dire ?
Non. Etouffé. Avec une pierre.
Une pierre ? Seigneur ! Quelle sorte de pierre ? Un galet ?
Or, miracle des miracles, Caroline était devenue plus souple à l'égard de Sharon. Alors qu'au départ elle exigeait qu'il " vire cette connasse pathétique avec sa tronche d'artichaut fané", elle n'avait par tardé à admettre que Sharon était le pilier de la boulangerie et qu'il n'était pas question de la renvoyer.
Lorsqu'elle arriva à la hauteur du balcon, son pull était trempé à cause des feuilles mouillées et de la pluie qui continuait à tomber. La balustrade était en pierre, Dieu merci, mais Barbara testa prudemment sa solidité. Restait à se hisser suffisamment haut pour l’enjamber. Elle se tortilla pour monter d'un cran, et les branches charnues de la glycine craquèrent de façon inquiétante sous son poids. Trêve d'hésitations, elle prit son élan...et se retrouva le corps de part et d'autre de la balustrade, suspendue à plat ventre dans la posture dite du chien tête en bas. Elle battit des jambes en remerciant le Ciel de lui avoir fait mettre ce matin un slip impeccable et s'écroula sur le balcon.