Elodie Lafay

Sept mois et demi et pourtant toute une vie. Je me revois essayer de suivre Diké à travers l’Himalaya, méditer sous l’arbre où Siddhârta a atteint l’éveil, marcher sur la plage de Gokarna aux côtés de Pawan, nager tout près d’une tortue géante, klaxonner pour faire fuir les oiseaux sur les routes de Nouvelle Zélande en éclatant de rire avec Myriam, marcher sous la pluie avec Alexine pour atteindre le sommet de la Machu Picchu Montaña, pagayer sur le Rio Cuyabeno, crever de chaud dans les rues de Riohacha pour trouver la poste et envoyer mes cartes, me blottir au coin du feu dans ma cabaña à San Rafael de Mucchuchies, partager une pizza avec Tito le rasta à Granada et chercher les paresseux dans le Parc Cahuita.

C’est fou quand même d’être ici, au milieu de ces Indiens, à dormir entre une jeune Indienne et un enfant qui me donne parfois des coups, une femme à mes pieds, tellement près que je peux à peine m’étendre, et ce sur un tapis, même pas propre (dans mon drap sac quand même).
Mais assez parlé de mon hébergement. Parlons de ma journée. Elle n’a pas été banale. Depuis que j’ai quitté la France, ma vie ne l’est pas de toute façon.

J’avais réussi à me forcer à ne pas bouger, même si j’avais eu l’envie, par réflexe, de reculer. Je me sentais beaucoup moins supérieure maintenant qu’ils s’approchaient tous de moi. Le chef se retrouva de nouveau le visage à quelques centimètres du mien, mais cette fois j’étais obligée de lever la tête pour le regarder dans les yeux.
Mon cœur s’accéléra, la peur m’envahissant. Mais je n’en laissai rien paraître (enfin, j’espérais). Je le regardai intensément, comme si mes yeux avaient pu le transpercer, comme si j’avais pu ainsi voir le fond de son âme.
― Vous êtes à moi à présent.

Je m’attendais à voir une fois de plus de nouvelles montagnes, mais, une fois arrivée en haut, je fus stupéfaite. Devant moi se trouvait une immense plaine verte, parsemée de petites tâches d’autres couleurs : rose, jaune, blanc. Beaucoup plus bas, j’apercevais du vert plus foncé et du marron. Je voyais pour la première fois des arbres. Tout était tellement beau que j’en pleurais d’émotion. Le ciel était bleu. Jamais je n’avais vu le ciel de cette couleur. Il avait toujours été gris foncé et même parfois noir. Je ne savais pas que le ciel pouvait être aussi beau et aussi haut. Il semblait interminable. Dans ma ville, on avait l’impression qu’il était juste sur nos têtes et qu’il pesait très lourd, nous obligeant presque à nous courber. Ici, je me sentais légère. Je pouvais enfin respirer ! Un vent frais arrivait sur mon visage. Je n’avais jamais senti le vent. Cet air si pur me faisait presque tourner la tête.
Le plus surprenant était cependant cette énorme boule jaune dans le ciel. Il semblait que c’était elle qui créait la lumière. En ville elle n’était pas visible, la luminosité provenait essentiellement de lampes et très peu du ciel. De même, elle semblait créer la chaleur. Mais je ne pouvais la regarder, même si elle m’impressionnait, car elle me faisait mal aux yeux. J’étais subjuguée par le spectacle qui m’était offert. La nature me semblait être douce et accueillante, bien plus que toutes les personnes que j’avais jusqu’à présent rencontrées.

― Les Terriens ont inventé quelque chose d’incroyable, avec lequel tu peux tout savoir. Comme un Twit, mais version réservée au savoir terrien. C’est en partie grâce à ça que j’ai pu avoir les informations nécessaires pour m’adapter ici.
― Et c’est quoi ? Un manuel ?
― Internet !

― Le moment est venu pour nous d’accomplir notre mission, déclarai-je aux cent cinquante-sept personnes qui formaient l’équipage, plus les sept prisonniers, Liria et Drahcir. Cette mission nous a été confiée à Liria, Drahcir et moi. Mais c’est aussi la vôtre. Je ne sais pas ce qui nous attend. La guerre, je ne suis pas sûre de savoir ce que c’est. Ce que je sais, c’est qu’on a besoin de nous, et de vous aussi, car toute aide est pour eux la bienvenue. Je sais que vous n’avez pas forcément de raison d’aller vous battre. Vous ne connaissez pas ces gens. Mais vous pouvez quand même y aller, pour la fierté d’avoir aider des gens qui en avaient besoin. Mais pas seulement pour cette raison. Car nous n’allons pas seulement aider des gens, nous allons aussi nous battre… pour la liberté.

Je courais encore et encore, à travers les champs et entre les arbres. Je courais toujours. Je savais que je m’approchais de plus en plus. Je voulais m’arrêter car j’avais peur mais mes jambes continuaient de m’emporter plus en avant. Et j’arrivai ! Je sautai dans le précipice devant moi. Mon cœur faillit lâcher. J’attrapai la liane. Tout alla si vite ; en une seconde, j’arrivai de l’autre côté et je lâchai. Une pirouette amortit ma chute et je me relevai, essoufflée, pour regarder derrière moi. J’avais réussi ! Je mis un certain temps à m’en rendre vraiment compte. Mais j’étais de l’autre côté. J’y étais ! Je m’écriai de joie puis repartis en courant pour m’éloigner le plus loin possible de cette vie qui avait été jusqu’alors la mienne, cette terre malheureuse que j’avais foulée.

Le Monde de l’Au-delà, ainsi que Brace, la Cité Tirane et leurs environs (dont les mers et d’autres terres inconnues) se trouvaient sur une planète tournant autour d’un soleil. Le Grand Manitou l’appelait la planète Tirane car la cité du même nom en constituait une grande partie.
D’autres planètes tournaient autour de ce même soleil. Elles formaient avec celui-ci et Tirane un système solaire. Au-delà de ce système solaire, c’était l’Espace. La nuit, on pouvait apercevoir cet Espace et ses nombreuses étoiles. Mais ces étoiles étaient, où plutôt sont, car elles le sont toujours, des portes. Des portes qui ouvrent sur des dimensions.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé de faire le tour du monde. Comme beaucoup d’enfants, et même d’adultes, me direz-vous. Sauf que moi, j’ai décidé de réaliser le plus de mes rêves possible. On n’a qu’une seule vie.

L’Impératrice remarqua que le mal était de plus en plus actif dans les dimensions. Pour répondre à cette menace, elle convoqua des hommes et des femmes et en fit des Manitous. Elle nous donna à chacun un grand pouvoir et quelques autres petits, en les puisant dans la magie élémentaire de la dimension Sairina. Elle nous envoya ensuite dans plusieurs dimensions avec pour mission de combattre le mal partout où il s’était infiltré. Et si l’un d’entre nous est confronté à un mal puissant ou qu’il a besoin du pouvoir de l’un des Manitous, il peut faire appel à lui par l’intermédiaire de l'Impératrice.