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Citations de Elsa Marpeau (233)


Le chasseur préfère la beauté du geste à son efficacité. Il connaît la nature dans son intimité la plus crue. Mais la chasse allait mourir, on le sentait tous. Elle avait entamé une dégénérescence qui s'aggravait davantage à chaque saison. Tous les ans, le comité s'inquiétait : malgré les résultats des comptages de printemps, qui nous avaient donné des espoirs, la canicule de juillet n'avait pas permis la réussite des couvées. Les taux de reproduction chutaient sans discontinuer. Les poules de printemps faisaient moins de petits. Quant aux lièvres, même si la reproduction semblait moins mauvaise, leur densité ne permettait pas d'accorder plus d'un capucin par chasseur pour cette nouvelle saison. Les temps d'abondance étaient révolus ; fini, les parties de chasse en rabat. La chasse n'en finissait plus de mourir.
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Le chasseur devient roi d'un domaine instable, qui change selon les saisons et le hasard ; il devient roi, non pas de la terre, mais de sa surface, de ses animaux, de son ciel. J'aimais encore voir les empreintes que formaient mes bottes sur la terre – ma carabine Remington à l'épaule, que je caressais du bout des doigts, son encolure de cygne posée contre ma paume.
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Je ne suis pas communiste mais délimiter un domaine avec une clôture et dire qu'il nous appartient, c'est un truc que je n'ai jamais compris. Comment peut-on acheter un arbre, des forêts, des rivières ? Pour ce que j'en dis, la nature devrait appartenir à tout le monde. Elle ne peut pas se posséder sur un bout de papier signé chez le notaire. Un jour, ils vendront la lune, les étoiles et le vent.
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On ne savait pas ce que c'était, la canicule. Ils avaient parlé aux informations du soir d'une « vague de chaleur » qui s'était abattue sur la France. À mes yeux, elle n'avait rien d'une vague, cette touffeur d'enfer. Les champs avaient cramé, des incendies avaient embrasé les forêts, les vieux avaient été emportés. Comme les autres, j'avais cru à un événement exceptionnel, qui ne se reproduirait pas avant un siècle.
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J'ai fini par devenir comme les plantes, comme les saisons – j'ai perdu mes repères. J'ai perdu plus que cela : toute ressemblance avec moi-même, l'homme que j'avais été, que j'avais cru être. Mes goûts, mes valeurs, tout est devenu confus. Je me suis consumé corps et âme dans le grand brasier de ces étés brûlants.
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Je savais qu'un jour, la planète se vengerait de nous autres, qui lui vidangions les tripes sans discontinuer, mais j'avais imaginé une vengeance plus grandiose, plus décisive. Un truc sec comme un couperet. Une météorite. Un cyclone, à la rigueur. Mais pas ce dérèglement poussif, ce brouillage lent et méticuleux de ce qui jusque-là faisait la chair de nos existences.
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Un homme qui, comme moi, a passé toute sa vie à la campagne sait toujours interpréter les variations du climat, lire les mots que tracent à dessein les volutes des nuages, comprendre à quel point l'alternance des saisons change le cours du ciel. Et des saisons, justement, il n'y en avait plus. Rien n'était comme avant. Mars avait été sublime.
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Swann pense à la griffure que Samuel lui a faite quand ils ont couché ensemble avant-hier soir. Elle regarde son avant-bras. La trace est toujours là. Et Samuel est mort.
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L’ambiance est bon enfant. Odeur de merguez et de cigarettes. Swann sent une main sur son dos. Elle se retourne brusquement. Personne. Ou plutôt, des dizaines de silhouettes possibles. Swann sort son portable pour voir si Georges l’a appelée. Rien. Elle suit la masse grouillante de gens qui lui ressemblent. Les hommes de tous les âges, mal rasés, portent des jeans et des tee-shirts larges. Les femmes ont enfilé des vêtements confortables, des chaussures de marche, des pantalons en toile. Peu ou pas de maquillage. Look de profs. Ils portent des banderoles « Sauvons la recherche » ou « Mais oui, mais oui : l’école est finie. »
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La place est bondée. Des jeunes ont traversé les grilles et se sont hissés sur les premiers niveaux, le piédestal circulaire en marbre blanc et le socle de la colonne de Juillet. Ils dissimulent l’inscription gravée sur la plaque : « À la gloire des citoyens français qui s’armèrent et combattirent pour la défense des libertés publiques dans les mémorables journées des 27, 28, 29 juillet 1830. » Au sommet scintille le Génie de la Liberté.
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Boulevard Henri-IV, elle pénètre dans la masse compacte et bruyante des manifestants. Le cortège spécial « enseignement supérieur/recherche », qui a démarré de Jussieu pour rejoindre le point de départ de la manifestation générale à Bastille, piétine.
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Derrière, elle voit maintenant le clochard. Il a le visage écrasé, couvert d’ecchymoses. Une barbe grise. Il pue. Mal à l’aise, Swann détourne la tête et poursuit sa route.

L’impression d’être suivie ne l’a pas quittée.
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Sur les dalles, une canette écrasée attire son attention. Cette saleté, surgie dans l’univers lisse et brillant, lui tape sur les nerfs.
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Swann prend à droite. Elle retrouve sa démarche rapide, glissant entre les étudiants. Elle remonte la rue des Fossés-Saint-Bernard vers l’Institut du monde arabe. Le parvis scintille. Elle cligne des yeux. Les diaphragmes de la façade sud se sont refermés sous l’effet de l’extrême luminosité. Ils semblent observer, paupières plissées, le spectacle extérieur. Maintenant qu’elle s’est habituée au soleil, elle distingue plus nettement autour d’elle
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Swann passe la grille. Traverse le passage à niveau. Derrière, Paris est plus lisse qu’une vitrine. Sur la place Jussieu, la fontaine forme un cercle d’eau argenté, entourée d’une végétation domestiquée. Sur la gauche, les étudiants entrent et sortent de la bouche de métro. Les toilettes publiques. Plus loin, le kiosque à journaux. Les arbres sont plantés à intervalles réguliers, les pieds soudés dans des ronds de ferraille.
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Justine se tourne vers Georges :

— Vous allez à la manif ?

Georges hoche la tête. Il essuie une nouvelle coulée de sueur sur sa tempe. Sa peau est marbrée de rouge. Les étudiants adressent un signe du menton à Swann, ils s’en vont. Georges les regarde s’éloigner :

— Des sacrés numéros.

— Elle n’a pas l’air très aimable.

Georges rit :

— Son père, c’est le philosophe des plateaux télé, Jean-Michel Gand. Il l’a appelée Justine à cause de l’héroïne de Sade. Alors, il faut la comprendre : elle est un peu à cran.

Puis, il saisit Swann par les épaules :

— Allez, va, ma fille ! Tu seras plus utile à la manif qu’avec moi.

Il la relâche.
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— Pas besoin d’avoir fait une thèse de philo pour comprendre la domination masculine, si ? rétorque l’étudiante.

Falguière se racle la gorge. Il se tourne vers le garçon à la casquette :

— Et voici Matéo, qui semble se plaire chez nous puisqu’il termine sa troisième première année de socio.

Matéo ôte sa casquette d’un geste exagérément déférent :

— À mes heures perdues — et j’en perds dès que je peux —, je suis aussi poète surréaliste. Je n’écris, ça va de soi, aucun poème.

Swann ne trouve rien à répondre.
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Justine reste sur la réserve. Elle est incroyablement laide. Sa peau blafarde et luisante, ses yeux gris surmontés de sourcils en broussaille, le fil de ses lèvres, son nez prolongé par une boule de chair, son goitre. Entièrement vêtue de noir, jusqu’au chapeau melon. Swann la dévisage. Georges fait les présentations :

— Swann Ladoux, la compagne de Samuel Bordat.

Les deux étudiants la fixent avec attention. L’information semble, pour une raison ou une autre, les captiver.

— Justine fait une thèse avec moi sur la réinvention du genre masculin comme instrument de domination des femmes dans la société contemporaine.

Swann se rembrunit :

— Je suis une technicienne. Pas une intellectuelle.
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Deux étudiants apparaissent dans sa ligne de mire. Il leur adresse de grands gestes. Les étudiants s’arrêtent pour le saluer. Falguière les présente à Swann : Matéo et Justine.

Petit et râblé, Matéo porte une moustache et un bouc blond roux, une casquette rouge sur ses cheveux ras, des Doc Martens coquées. Il détaille le décolleté discret de Swann, ses hanches, ses jambes, remonte vers son cou. Il lui sourit en dévoilant une incisive manquante. Swann répond d’un hochement de tête buté.
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Swann hoche la tête. Georges dispose momentanément sa mèche sur l’avant de son crâne. Il la déplace. Un carré de peau flamboie. Une goutte de sueur coule le long de sa tempe. Il sort un mouchoir de sa poche, essuie son front, remet le mouchoir dans son pantalon en velours côtelé marron. Il attrape le bras de Swann :

— Je t’offre une mousse tout à l’heure.
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