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Citations de Elsa Osorio (117)


Un vent glacial lui mord la peau. Mika respire profondément, l’air froid l’anesthésie de la tête aux pieds et lui donne un étrange contentement. Dans peu de temps elle sera sur le champ de bataille. Elle prendra des décisions, combattra au milieu des miliciens, elle les nourrira, s’occupera d’eux, les encouragera. Et les fascistes ne passeront pas.
No pasarán, répète-t-elle et sa fanfaronnade la fait rire.
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Les relations par Internet sont curieuses, peut-être parce que dans l’intimité de son chez-soi, par l’intermédiaire de l’ordinateur, les mots tissent une trame de complicités qui engendre l’illusion de tout connaître de l’autre, et lorsque les deux corps apparaissent, quand ils se voient, ce sont de complets inconnus.
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Mais je me demande ce qu’elle faisait quand on a jugé les commandants. Si je me rappelle bien, je n’ai jamais entendu parler de ce procès à la maison. Les séances étaient publiques. Est-ce que maman aurait assisté à l’une d’elles ?
Elle est dans sa chambre. J’entre et je lui demande. Elle me regarde abasourdie.
— Qu’est-ce que tu dis, Luz, tu es folle ? Comment peux-tu penser que j’aie pu assister à ces séances où tous ces misérables apatrides ont osé agresser ceux qui les avaient délivrés du danger de la subversion.
Je ne l’avais jamais vue aussi véhémente et convaincue.
 — Mais tu as dû lire des articles à l’époque du jugement.
 — Jugement ! Mais de quel droit ces types-là jugeaient ? Qui étaient-ils ?
 — Il y a bien eu un procès, avec des juges, des avocats de la défense, des procureurs, et il y a eu une sentence.
 — Et qu’est-ce qui s’est passé ? Rien, ils ont tous été remis en liberté, sauf les commandants qui donnaient les ordres. S’il y a eu des erreurs, elles viennent d’eux, les autres n’ont fait qu’obéir. Mais ne crois pas pour autant que j’approuve la condamnation des commandants, ce n’était pas une guerre conventionnelle, et en fin de compte ce sont eux qui ont sauvé le pays.
— Qu’est-ce que tu veux dire par « ce n’était pas une guerre conventionnelle » ? – je m’efforce de ne pas m’emporter, d’essayer de savoir ce que croit maman, parce que ce n’est pas possible qu’elle soit au courant de faits si abjects, si dégradants, et qu’elle les défende.
 — Elle n’était pas conventionnelle parce que l’ennemi n’était pas à l’extérieur mais s’était infiltré dans le pays, c’est pourquoi il a fallu agir d’une autre manière. Il y a eu peut-être quelques excès, mais c’était une guerre et l’important dans une guerre c’est de la gagner, à tout prix.
Je voudrais lui demander si elle considère que la guerre consiste en des enlèvements à l’aube par des bandes anonymes, des « affrontements entre des cadavres putréfiés et des fantômes », comme l’a déclaré un témoin, la torture et le vol, mais je me tais et la laisse continuer : Ils ont sauvé le pays, par contre qu’a fait ce crétin qui les a discrédités quand il était au pouvoir, qu’est-ce qu’il a fait ? Je vais te l’expliquer, Luz, il a plongé le pays dans le plus terrible des chaos, l’hyperinflation. Bien sûr, tu ne t’en rendais pas compte, heureusement tu n’as jamais manqué de rien. Mais toi qui aimes les pauvres – cette ironie qu’elle veut insultante –, eh bien, les pauvres ils n’avaient plus de quoi manger, il est vrai qu’ils sont habitués. Elle allume une cigarette et sa voix revient à des registres plus courants, comme si son couplet sur Alfonsín et l’hyperinflation l’avait purgé de son exaltation patriotique et rendu à son snobisme, à sa stupidité distinguée. Les pauvres ont toujours été habitués à ne rien avoir, mais quand on a des biens et qu’on voit ses propriétés menacées, son mode de vie, alors c’est bien pire.
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Les marguerites sont des fleurs stupides et sournoises, ne les cueille pas, ne compte pas leurs pétales. On te ment. Ne te brosse pas les cheveux. Ne te regarde pas dans le miroir.
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J'aimais tellement les interprétations que je faisais de mes rêves que j'avais hâte de dormir, non par besoin de me reposer, mais pour les rêves surgissent dans la nuit opaque de ma chambre et grimpent comme du chèvre-feuille en envahissant tout. Je ne me souciais pas de comprendre (ni moins encore de résoudre) quelque problème de ma vie selon les interprétations que m'inspiraient les rêves. Le plaisir que me procuraient leurs phrases merveilleuses était tel que rien d'autre ne m'importait.
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Le cahier bleu, c'est comme ça que je l'appelle, bien qu'il n'en reste plus que le mot bleu, mes notes et quelques photocopies pâlies. Le cahier, que tu as écrit entre 1931 et 1933, je l'ai perdu il y a bien des années, quand je l'ai rendu, avec d'autres documents, à Guy Prévan, à qui tu l'avais confié.
Je ne suis pas découragée par la trame effilochée et parsemée de trous de tes écrits. Parmi ces chroniques de ce que vous avez vécu, on trouve des commentaires de livres, des descriptions de monuments et de paysages, des listes de tâches à effectuer et des coupures de presse, j'adore ces éclairages en coin par lesquels tu décris Paris avec la minutie de ces peintres flamands qui te touchaient tant. Je m'installe confortablement sur les moelleux oreillers de tes mots et je profite de la vue que m'offre la fenêtre de la mansarde de la rue des Feuillantines, où tu t'es installée avec Hippo : les magnifiques marronniers du Val-de-Grâce, les toits de zinc brillants, argentés, des couples sur le boulevard de Port-Royal, la coupole claire de l'Observatoire, et ce vaste ciel de Paris posé sur trois sveltes cheminées. De tes lignes me parviennent nettement le chant de ce chardonneret amoureux, le chuchotis des merles qui campent comme une bande de gitans, le roucoulement des pigeons, le piaillement des moineaux qui se chicanent. Et je peux même vous entendre, vous, crier d'amour à l'unisson des chants de la terrasse voisine.
Je suis éblouie par la vie que vous meniez, une vie simple, riche, libre et engagée, unique, éthique et belle, la vie des idées, des émotions, de la passion partagée pour un monde meilleur. Je vous vois si heureux dans le cahier bleu...
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Il existe une autre mort qui n'est pas la mort définitive, être brissé, broyé, mais combien de fois peut-elle être réduite en miettes sans être complètement brisée ? Une infinité.
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Tu sens maintenant combien te fait mal tout ce qui s'est passé dans ton pays et devant quoi tu as gardé les yeux obstinément fermés.
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Tu te proclamais anarchiste et libertaire. La vie s’est chargée d’engagement, de responsabilité. Et d’espoir. Quand tu as prononcé, ton premier discours à quinze ans, tu as su que tu étais capable de transmettre des idées et d’inciter les autres à l‘action.
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-" Jamais plus ! Jamais plus ! ", c'est un seul cri qui monte de milliers de voix vibrantes et fait naître en moi une émotion nouvelle. Et maintenant :" Celui qui ne saute pas est un militaire ! " Et je chante et sautille avec mes copains de fac, avec tout le monde, tous ceux qui convergent vers la place de Mai. Et je sens croître une force dans ces voix avec lesquelles je me lie, je fraternise.
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Là-bas, on touchait le fond tous les jours. Et même après avoir refait surface, dans cette autre vie que nous sommes quelques-uns à avoir conservée, combien de fois, en dépit des joies et des réussites, nous retombons dans ce fond boueux.
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C’est ça un disparu. Un vide, des souvenirs, des paroles, mais pas de corps. Comme le disait le dictateur Videla : ni vivant , ni mort, ni disparu.
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Ils restèrent des heures sur la place [...] Plus tard, dans un café, ils firent de timides pas l'un vers l'autre, se mentant par moments, ils avaient perdu leurs copains dans la foule, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent chez Ramiro et se débarrassent avec hâte de leurs vêtements, des malentendus, des peurs. Il ne resta plus dès lors que la sagesse de la peau, la tiédeur, les mains, les bouches et ce qu'ils avaient pressenti sur la place devint clair : tout ce qu'ils avaient pensé l'un de l'autre, cette impossibilité de vivre ensemble, n'était qu'un mensonge. Ils étaient là tous les deux, s'aimant avec voracité, récupérant le temps perdu dans cette histoire tout aussi évidente et palpable que leurs corps mêmes. Par crainte sans doute de voir s'évanouir cette certitude, Ramiro et Luz ne se dirent rien de plus cette nuit-là jusqu'à ce qu'elle reparte chez elle et qu'ils se séparent par un long baiser. Ni "je t'appelle", ni "à demain" ou "adieu".
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Je crois que ça lui plaît l'idée de l'enfant, que ce n'est pas seulement pour moi, ou qu'il est tellement dingue de moi qu'il confond tout et finit par vouloir la même chose, non, lui aussi en a envie. Le tout est d'être un peu futée pour manœuvrer les mecs. Parce que celui-là, il fout la trouille à tout le monde, mais à la maison, celle qui doit lui foutre la trouille, c'est moi, mais d'une autre manière, avec qualité et astuce. Ici, c'est chez moi, et chez moi on fait ce que je veux.
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J'avais promis de t’écrire pour tout te raconter mais depuis des jours je tourne en rond, j’écris et je jette. Une lettre comme celles d'autrefois : j’aime écrire à la main. Il y a si longtemps que je voulais t’écrire, mais impossible de laisser quelque chose qui pourrait tomber entre leurs mains. Les lettres se nouent et forment des mots dans ma tête. Bruissent. J'aime ce chuchotement de la plume sur le papier. Elle le caresse, l’égratigne, fait surgir des mots cachés, prisonniers. Comme ces noms que je comptais sur les doigts de la main gauche : ceux des nôtres, et sur la main droite ceux de nos ennemis. Des noms que je répétais sans cesse, comme une lente litanie, une prière païenne. Je m’en souviens encore et il y aura bientôt vingt-sept ans, depuis ce 16 septembre 1976 où j'ai commencé à les mémoriser.
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"Juanma saute et ça lui fait mal, tous ces hommes et ces femmes qui sautent dans la rue lui font mal, bondissant , s'enfonçant dans leur propre corps ,la haine monte, comme une lave bouillante, Juana, un volcan sur le point de vomir sa lave sur tous ces gens qui chantent ......
Une haine qu'elle pensait n'avoir jamais ressentie auparavant , avec cette intensité, quelle connerie, elle avait assisté à des choses terribles à l'époque, mais c'était eux, les Assassins , cette foule, par contre, ce sont des gens ordinaires.,des gens heureux, qui chantent ......Sont- ils aveugles ?ils ne savent donc pas qu'on a Tué et qu'on continue de Tuer des Milliers de Personnes dans notre pays ?"
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C'est ce que m'a dit la dame de la glace - et Luz ouvre à peine les yeux, mais lui serre fort la main-, que maman n'est pas ma maman. Et elle ferme les yeux.
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- J'aimerais que tu sentes l'odeur de la mer. - Yves a inspiré lentement, profondément, comme s'il voulait s'introduire dans cette odeur et y plonger Juana. - J'aime l'odeur de la mer au coucher du soleil, à l'approche d'un orage, le matin. Et ce soir ici, avec toi, c'est sublime. L'odeur de la mer a changé dès que tu es arrivée.
Soledad sourit. En ce moment elle est Soledad, l'amante d'Yves. Elle aussi sent la mer. Depuis toujours. Pour elle l'odeur de la mer est celle de La Paloma, la mer de son enfance, l'odeur d'algues et de rochers, l'odeur des jeux avec ses frères dans les pinèdes et les dunes, la baleine que parfois ils apercevaient. Elle ne parle jamais de La Paloma, ni de la maison de ses parents à Anaconda, où elle a vu les plus beaux crépuscules du monde, mais à Yves, pourquoi ne pas le lui dire : ça sent comme à La Paloma.
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Le jour s'est levé quand je suis allée dormir, angoissée.
Je sais vraiment peu de choses sur l'histoire de l'Amérique latine. La presse avait suivi avec intérêt la détention de Pinochet à Londres en 1998. Je l'ai lu aujourd'hui dans les archives. Et si j'ai été impressionnée que ses avocats défendent l'usage de la torture, cette sophistication du mal consistant à jeter les détenus vivants et anesthésiés à l'eau m'est intolérable. Les vols de la mort. Comment peut-on être aussi cruel ?
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Ce pays est amnésique.
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