Après minuit, on pense comme si l'on n'était plus en vie – dans les meilleurs des cas – comme si l'on n'était plus soi-même. On devient un simple outil du silence, de l'éternité ou du vide : on se croit triste, sans savoir qu'ils respirent à travers soi. L'on est victime d'un complot des forces obscures, car une tristesse ne peut naître d'un individu si elle ne peut l'habiter : tout ce qui nous dépasse prend sa source en dehors de nous, autant le plaisir que la souffrance. Les mystiques ont rapporté à Dieu le débordement des délices de l'extase, parce qu'ils ne pouvaient admettre que l'insuffisance individuelle fût capable de tant de plénitude. Il en va ainsi de la tristesse, et du reste. On est seul, mais avec toute la solitude.