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Critiques de Emile Henry (1)
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Pourquoi j'ai frappé dans le tas

Ce discours d’un jeune criminel devant ses juges pourra faire penser à la célèbre « Ballade aux Frères humains… » (dite des pendus) de François Villon. La figure carnavalesque de l'étudiant pauvre, bon vivant et blagueur, ayant rejoint une bande de brigands appelée Coquillards, se retrouvant nombreuses fois au tribunal notamment pour avoir agressé et même tué dans une rixe des officiels de l’Église, rappelle en effet une certaine forme d’anarchisme (convivialisme, anticléricalisme et anti-autoritarisme radical ; Debord rapproche d'ailleurs Henry de la Bande à Bonnot dans sa chanson comique acide). Mais contrairement au poète qui implore pitié (quoique jouant d’ironie), Émile Henry assume la gravité de ses actes, et récuserait plutôt son appartenance à la même société humaine que celle de ses juges. Être radical jusqu’au bout est pour lui l’un des traits identitaires de l’anarchiste (enragé à la manière de Jacques Roux). Par ce côté, sa figure est plus proche de celle de Socrate dans l’Apologie de Socrate de Platon, provoquant ses juges, les assimilant à ses ennemis, réclamant sa mise à mort pour prouver qu'il a raison.



La condamnation à mort par le tribunal parachève l’œuvre terroriste-anarchiste d’Émile Henry, en lui décernant un statut de martyr (manière d'obtenir rapidement célébrité et noblesse). Quelque part elle légitime son action de guerre en officialisant son appartenance au camp de "vrais" anarchistes (ceux qui agissent), punis par un pouvoir sanglant, dans la guerre sans pitié entre anarchie et bourgeoisie. Allant ainsi droit à la mort, la désirant comme accomplissement de son destin, on le rapprocherait presque de la figure de Jésus de Nazareth dans les Évangiles… dénonçant la corruption du monde et annonçant la fin prochaine du monde. La dépravation de la société justifie qu’on la détruise par l’acte violent, et dévalue la vie hommes qui y vivent, qu'ils y soient gardiens, jouisseurs ou simples spectateurs non engagés dans le bon camp (on pensera au Déluge ou à la destruction de Sodome et Gomorrhe). En revanche, si Jésus ne renierait pas toute propagande par le fait (qu'on pense à la manière dont il met à la porte les marchands et autres parasites du temple de Jérusalem), il n'appellerait pas au meurtre des hommes qui sont dans l'erreur, il les critique brutalement mais demande pour eux le pardon.



Les attentats anarchistes ont sans doute fait davantage pour la désaffection de l’idéologie anarchiste (qui dans son sens positif organise une société alternative sur des principes de non-domination) que tout gouvernement persécuteur (y compris communiste) et que tout écrivain conservateur ou modéré. Michel Bounan dans sa Logique du terrorisme, développe à l’extrême cette thèse du caractère totalement contre-productif de l’acte terroriste, si bien que nombreux attentats auraient clairement été laissés faire, encouragés, voire même organisés par les forces de l'ordre pour pouvoir par la suite sévir sans émouvoir l'opinion publique. Henry est compréhensible dans sa colère et sa volonté de venger ses camarades, familles de mineurs ou anarchistes réprimés par le sang et la famine. Là où il ne l’est plus, c’est quand il cite le Souvarine, personnage du Germinal de Zola (qui venge la tragique fin de grève en faisant exploser la mine), mettant en avant son axiome négatif : « Tous les raisonnements sur l’avenir sont criminels, parce qu’ils empêchent la destruction pure et simple et entravent la marche de la révolution ». La Révolution est ainsi devenue une espèce de croyance irrationnelle en un monde paradisiaque à venir où tout serait parfait, et qui surgirait tout seul comme d’un chapeau, juste en conséquence (en récompense ?) de la destruction de l’ancien monde ! On n’est pas bien loin du terroriste religieux confondant l’intensité de la violence qu’il déploie avec la pureté de son engagement alors que le changement social et moral auquel il aspire (qu'il n'aura pas aidé mais éloigné) sert d'excuse à la capricieuse expression de sa haine déchaînée. Jean Baudrillard dans À l'ombre des majorités silencieuses, explique que le terrorisme qui frappe sans cible touche en fait les masses (qui sont par essence informes, refus du social, non-engagement), et les renforçant dans leur terreur, les éloigne encore davantage des préoccupations sociales. Ainsi, Émile Henry n’est plus que le prophète d’un anarchisme négatif, comme il le dit lui-même, de destruction du monde existant. Le Christ espère, annonce le dévoilement (apo-calypse) qui permettra de distinguer clairement le bien du mal, l’antéchrist détruit simplement.
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