Lire en vous est devenu une seconde nature, et comme quand vous entendez des touristes parler la langue étrangère que vous avez étudiée (...), vous tendez l'oreille, vous décryptez, vous ne pouvez tout simplement pas vous empêcher de comprendre ce qu'ils se disent, et lorsqu'ils vous commandent des bloody-mary's après avoir commenté votre sale gueule ou la piètre qualité de vos vêtements, vous les servez. Après vous être discrètement penché derrière le comptoir pour lâcher un glaviot dans les verres.
[Gillian Brousse – Please stand by]
Lorsque, comme moi, vous avez considérablement réduit le nombre de personnes susceptibles de vous chier dessus, vous commencez à relever la tête. Et aux derniers étages, la vue est dégagée.
[Gillian Brousse – Please stand by]
Ce soir, nous vous privons de ce que vous nous avez tous volé. De ce que vous n'avez pas le droit de posséder si nous en sommes privés.
Ce soir, nous vous ôtons votre dernier espoir.
[Gillian Brousse – Please stand by]
La Grande Guerre s’était révélée la plus grosse pourvoyeuse d’apostats depuis des temps immémoriaux. Innombrables étaient ceux qu’on avait entendus hurler des blasphèmes sur leur lit de douleur dans les postes de secours, et inonder d’insultes les aumôniers qui tentaient de les apaiser en leur parlant de Dieu. Bien peu osaient leur en tenir rigueur, et Tavernier n’était pas de ceux-là, ayant lui-même perdu la foi sur l’autel du carnage.
Croire en Dieu, c’était un peu comme le patriotisme : ça ne passait pas l’examen de la mort de deux fils.
Patrice Quélard, Les diables noirs
— Malgré sa haine rance, il reste mon père. Par manque de courage ou par excès de lucidité, je ne parviens pas à rompre le cordon.
[Geoffrey Legrand – Les illusions de Cyprien Eisenberg]
L'un d'eux est même tranché en deux, et c'est loin d'être propre. Il avait pris du poulet au dîner.
[Dorian Lake – La fée du réservoir]
Je me suis présenté à des castings pour faire de la figuration dans d'obscurs navets en direct-to-DVD pour me repaître du mépris qu'on nous balançait : "Toi, dégage. Toi, là, suis-moi. Vous deux, allez me chercher un café. Vous voulez jouer les macs ou les flics ?"
[Gillian Brousse – Please stand by]
Qu’est-ce qu’elle est jolie ! Grande, mince, tout ce que je ne suis pas. Et elle a un de ces styles ! Aujourd’hui, elle arbore de larges lunettes noires qui lui bouffent la moitié du visage et un gigantesque chapeau de paille. J’adore !Non pas que je sois en reste, niveau style. Mais on va dire que je donne plus dans la provoc. Normal, aussi, quand on est une nana bien enrobée comme moi. En fait, j’avais le choix. Soit je m’effaçais sous de grands tee-shirts informes, et tout le monde se serait cru permis de me prendre en pitié. Soit j’assumais mes courbes « girondes » et je claquais la tronche du premier qui s’avisait de se foutre de ma gueule.
Elle est plutôt grande, et ronde. Peut-être même grosse. Mais belle, je crois.Elle porte une longue robe de couleur claire, serrée par un lien, juste sous la poitrine. Elle a les cheveux très courts, d’un étonnant blond platine. De petites mèches viennent virevolter autour de son visage au teint doré, éclairé par d’immenses yeux verts, fulminants de colère, et encadré par d’énormes créoles en or.Son allure générale détonne avec la façon dont elle est en train d’humilier ce type. Quelque chose me dit qu’il ne l’a pas volé.
Comme prévu, il me flanque une claque magistrale, et j’en vois trente-six chandelles. Mais je sais que je dois réagir à vif, sous le coup de l’adrénaline, ne pas laisser à la douleur ni aux émotions le temps de me submerger. Je panserai mes plaies plus tard.Je me colle à lui, les deux mains sur ses épaules. Il ne s’attend pas à ça. J’en profite, et lui balance un coup de genou digne de la plus belle des castrations.Le souffle coupé, il s’écroule au sol. Il se recroqueville comme la pauvre petite merde qu’il est.