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Critiques de Emma Locatelli (55)
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Les haines pures

« Dix ans que je n’ai pas dit un mot. Je n’ai jamais raconté cette histoire. Elle m’appartient, comme le crépuscule appartient à la nuit, comme la bruyère appartient aux garrigues»…



Elle s’appelle Gabrielle Magne. Elle n’a pas dit un mot depuis 10 ans…depuis le drame, quand, lors d’un été cuisant de 1945, après six ans d’absence, elle est revenue à Bayon dans le mas familial, sur cette terre de Provence stérile qui n’a jamais été « qu’écorchures et crevasses ».

Elle y a retrouvé sa sœur, la belle et candide Louise, qui ne rêve que de prince charmant et d’amour éternel ; son frère Jean, qu’une balle dans la tête a définitivement transformé en bébé hébété buvant le vide ; et enfin sa mégère de mère, inchangée malgré les années passées, femme acariâtre et fielleuse, « petite chose laide et noueuse » pleine de rancune et d’animosité, qui n’a jamais témoigné qu’aversion et mépris envers ses deux filles et leur défunt père. Seul, Jean a toujours été gratifié de quelques bienveillances par cette marâtre au cœur sec comme un quignon de pain.

L’accueil a donc été des plus glacés et s’est vu encore assombri par la révélation d’une tragédie. Le massacre de leurs proches voisins, les Roccetti, une famille d’italiens que Gaby a toujours aimée plus que les siens. Selon la rumeur, Pietro Roccetti le père, aurait assassiné ses enfants avant de retourner son arme contre lui, et sa femme Maria, devenue folle, se serait laisser mourir peu après de chagrin.

Gaby n’a pas voulu croire à cette version de l’histoire qui semblait arranger tout le monde. Dans sa quête de justice et de vérité, la jeune femme de 26 ans a commencé à questionner, à gratter la couche épaisse de silence recouvrant la petite ville et mis peu à peu à jour les infâmes exploits de certains à la Libération : règlements de comptes et retournements de veste, résistants pourris faisant régner la terreur, femmes brutalisées et tondues, représailles menées par délation, milices patriotiques dirigées par d’anciens collabos….

Soutenu par Paul Morand, un mystérieux géologue venu s’installer dans la ferme des Roccetti, Gabrielle ne s’est pas doutée qu’elle allait payer très cher son obstination à découvrir la vérité.



Le style et la maîtrise narrative d’Emma Locatelli impressionnent ; sa plume cogne, touche, fait mouche, portant son coup d’estoc, dévidant un venin qui se dégage lentement dans la conscience du lecteur et le glace d’effroi en le mettant face à ce que la nature humaine a de plus écœurant : la bassesse et l’abjection vers lesquelles le conduit sa haine des autres. Le liquide venimeux s’échappe de phrases puissamment évocatrices, s’élargit et se coagule au fil des pages, comme un filet de pus suintant d’une plaie.

La médisance, la calomnie, la haine, la lâcheté, la trahison, la vengeance se donnent la main pour une ronde infernale, une chorégraphie mise en scène avec une grande habileté et une écriture corrosive et implacable, aussi tenace que persuasive. C’est saisissant, troublant, enivrant comme un vieux vin bu sous un soleil trop chaud, ça vous laisse un goût âcre au fond de la gorge et comme une brûlure au fond de la poitrine, un relent de désespérance et de consternation.



« Les haines pures » est un ouvrage fort, percutant, gangrené d’actions viles et lâches, un texte qui faisande de mauvaises humanités, qui soulève les tripes en remâchant les vieilles rancunes, les petitesses et les perfidies, qui estampille les trahisons, pointe les actes honteux de la collaboration et les agissements sordides de certains résistants de la dernières heure, ceux-là mêmes qui ont façonnés et entachés la France d’Après-guerre de couleur sombre, l’auréolant d’une salissure inavouable bien camouflée sous le silence des familles, une souillure à jamais indélébile recouverte, comme on cache la poussière sous les tapis, de pieux mensonges et d’une tonne de mauvaise foi.



En quatrième de couverture, la comparaison avec Sébastien Japrisot ou Philippe Claudel est bien trouvée. Emma Locatelli partagent avec ces grands romanciers l’art des mots qui remuent et qui, au terme de la lecture, vous laissent exsangue, noyé dans les ténébreux abîmes de la nature humaine, accablé par son insondable noirceur.

Mais là où Claudel vient tempérer son propos par des notes de douceur, notamment dans ses descriptions de la nature, nulle suavité ne vient adoucir le cadre naturel et champêtre du roman d’Emma Locatelli. Chez elle, la nature, pleine d’âpreté et de rudesse, est aussi violente et cruelle que peuvent l’être les hommes.

Le crissement des cigales est un chant de l’enfer qui vrille les tympans. Le soleil, d’une impitoyable dureté, darde ses rayons brûlants avec une férocité de guerrier sanguinaire. La terre dégorge sa rancœur avec l’opiniâtreté et la constance des vieilles mules de ferme.

Atmosphère pesante, écrasante comme un coup de trique, orageuse et brutale comme une pluie de grêle sur un sol asséché, qui laisse graver dans les esprits, comme une terre trop meuble sous le soc du labour, l’empreinte de ses petits impacts t incisifs. Rien ne vient nuancer le cadre irrémédiablement noir de cette histoire dérangeante autant que captivante.



On suit alors Gabrielle dans son périple acharné au cœur du mal au gré d’une langue aussi belle que virulente, qui nous happe et nous prend au collet telles les mâchoires de fer sur les cervicales d’un renard pris au piège.

Le verbe impitoyable, dénonçant la corruption et l’infamie, les lettres de dénonciation et les vilenies d’après-guerre, est aussi rêche qu’une couverture usée, aussi rude qu’une lotion astringente passée sur une peau à vif.

Cela blesse certes, comme peut blesser la révélation d’un monde odieux et le constat d’une humanité pleine de fiel, de rancœur et d’indignité. Mais l’intrigue impeccablement entretenue jusqu’aux toutes dernières lignes et la richesse psychologique des personnages évoluant au sein d’une nature insensible et immuable, font de ce récit une œuvre absolument remarquable que l’on dévore littéralement de bout en bout. Emma Locatelli a su combiner avec grand brio le roman historique, psychologique et policier. « Les haines pures » est une pure réussite !

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Les haines pures

Un roman âpre et cinglant, comme le mistral. Une version féminine de "Grossir le ciel", car on y retrouve un monde paysan rude de taiseux, une trame policière et des secrets qui éclatent.



J'ai été dès le début frappée par le style de l'auteure, tout à fait en accord avec l'histoire racontée: coupant comme une pierre, écorché, presque rageur. Les images des descriptions nous plantent d'emblée dans un univers hostile, la Provence n'a ici rien d'idyllique:" Comme toujours à cette époque, le pays hurlait sa soif.La terre n'était plus qu'écorchures et crevasses, une pauvre couenne qu'on avait cuite jusqu'au vif."



Quelques jalons de l'intrigue: la narratrice livre une confession, en nous distillant petit à petit les événements qui ont conduit au drame qui a anéanti sa vie.Elle s'appelle Gabrielle Magne. En 1945, elle revient après six ans d'absence, contrainte par le manque d'argent et le chagrin ( je vous en laisse découvrir l'origine), dans la ferme familiale. Elle y retrouve sa jeune soeur, Lou,plus fragile qu'il n'y paraît, et la figure terrible de sa mère, la haine incarnée...



Ajoutez à cela des voisins disparus sauvagement et un étranger qui semble enquêter sur leurs morts suspectes, et vous aurez un texte prenant,râpeux et incandescent, qui vous ronge le coeur.



La guerre est encore là, toute proche,et surtout les actes barbares auxquels se sont livrés certains, à la Libération ....Ils vont être aussi au centre de cet orage de violence, ce feu de rancoeurs et de rage cruelle.



Je vous conseille ce livre, dont l'écriture est pour moi remarquable, tellement en osmose avec les sentiments, les pensées des personnages. La haine à l'état pur, oui, et elle ravagera tout...
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Les haines pures

Provence, juillet 1945. Gabrielle revient à Bayon après des années d'absence. A priori, rien a changé. La ferme familiale a continué son lent délabrement et sa mère n'a rien perdu de sa hargne te de sa méchanceté. Pourtant, le temps et la guerre ont fait leur oeuvre. Louise, sa petite soeur, n'est plus l'enfant qu'elle a laissée derrière elle. Louise est devenue une femme, une Marilyn provençale, qui fait tourner la tête de tous les hommes. Jean, son frère aîné, le fils prodige, le préféré, s'est pris une balle dans la tête qui l'a laissé handicapé, grand bébé que sa mère nourrit à la cuillère. Mais ce qui bouleverse véritablement Louise, c'est le sort tragique des Rocetti, les habitants de la ferme voisine. C'est dans cette famille italienne qui l'accueillait comme une fille que Louise venait se réfugier quand elle n'en pouvait plus du harcèlement maternel et de l'impuissance paternelle. Comment pourrait-elle croire qu'un jour funeste de l'été 44, Pietro Rocetti a tué tous ses enfants puis s'est donné la mort, laissant sa femme Maria mourir de chagrin?! Louise s'interroge mais le village ne veut pas remuer le passé et elle ne rencontre que silence ou hostilité. Quand Paul Morand, un géologue, s'installe pour quelques mois dans la ferme des Rocetti, elle trouve en lui l'allié qui va l'aider dans sa recherche de la vérité.





Situé dans l'immédiate après-guerre, le récit d'Emma LOCATELLI ne se contente pas, pourtant, d'être simplement un roman historique. Certes, elle y évoque la guerre, l'exode les bombardements et aussi la résistance, la collaboration, l'épuration mais c'est aussi une quête de la vérité, une enquête sur un drame qui, de rebondissements en découvertes, de coups de théâtre en secrets dévoilés, va conduire à un nouveau drame. S'y croisent des résistants de la dernière heure, des femmes tondues, des manipulateurs, des meurtriers, tant de personnages façonnés par la guerre qui essaient de reprendre le cours de leur vie en laissant parfois leur conscience de côté. Petit à petit, on découvre l'origine de toutes ces aigreurs, de ces haines au fond des coeurs.

Manipulation, folie, identités cachées, vengeance, le lecteur est promené dans la noirceur de l'âme humaine jusqu'à la dernière page.

Les haines pures est un grand roman, qui tient du thriller, du roman psychologique et du roman historique. A découvrir absolument.
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Les haines pures

Les premières phrases d'un livre peuvent accrocher instantanément.

Ce fut le cas ici, avec ces lignes lapidaires, illustrant d'emblée un titre déjà sombre:



" Nous sommes nés d'un père absent et d'une mère acariâtre. D'un coup de vent sur un rosier malade. Il en est tombé deux fragiles épines, Louise et moi."



1945: Le "moi" c'est Gabrielle, jeune femme tristement sans avenir, revenue au village après guerre, dans le mas familial où se fossilisent une mère détestable, un frère débile et une soeur bizarre, bizarre...



En retrouvant ses marques d'enfance, très vite s'impose à elle cette recherche de vérité pour la mort de la famille italienne de la ferme voisine, seule bulle de bonheur des souvenirs.

Une enquête discrète mais qui très vite dérange, des édiles jusqu'aux dernières commères, dans une atmosphère en chape de plomb, une ambiance délétère de rancoeurs et secrets, sous canicule provençale qui étreint vivants, village et campagne.

La folie et les haines peuvent effectuer un travail d'orfèvre...



La thématique des règlements de comptes de l'après guerre n'est pas très originale, trainant avec elle les heures noires du conflit, les pertes et les souffrances des hommes et le vilain ménage de l' épuration. J'ai pensé m'ennuyer avec une histoire assez convenue, mais le talent narratif est accrocheur, addictif, s'appuyant sur une dramaturgie bien ficelée et des personnages d'une belle densité.



Les pages se tournent, se tournent.

L'accent chantant provençal accompagne une tragédie haineuse.

On en sort un peu liquéfié!

On en deviendrait bien "fada", hé! ...comme lou ravi provençau.

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Les haines pures

Gabrielle a survécu à son enfance et à la guerre. C’est une jeune femme forte, alors dites-moi pourquoi elle revient au seul endroit où elle n’aurait jamais dû revenir, lieu de toutes les haines, de toutes les perfidies, de l’indifférence aussi ? Elle revient dans la ferme familiale et on peut dire que l’accueil de sa mère est glacial, voire hostile. Son frère est devenu un légume, sa jeune soeur, une adolescente légère. Elle apprend avec horreur que la famille voisine avec qui elle vivait des jours heureux dès qu’elle pouvait échapper à la surveillance de sa mère a été tuée un an auparavant. Elle décide de rester et d’enquêter en bravant l’hostilité des villageois et de sa mère. Un homme vit depuis peu dans le mas de la famille et s’intéresse aussi beaucoup à ces meurtres. Les voilà entraînés dans une décadence certaine. La chaleur extrême, le boucan des cigales, exacerbent la méchanceté de tous. Car nous sommes dans un concentré de mauvaises actions, de mauvais sentiments. Les phrases se succèdent laissant peu de place pour reprendre son souffle. Aucun endroit, aucun moment ne laissent Gabrielle se ressourcer. Elle est entraînée malgré elle, dans ce qu’elle croit être la vérité et ce qui n’est que vengeance. Une histoire grandiose dont on ressort choqué mais on ne peut s’empêcher de tourner les pages de ce livre. La guerre n’excuse pas tout, le soleil et les cigales non plus.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Les haines pures

Il y a plusieurs semaines, je terminais ce roman. J'en ai apprécié la lecture, l'ai lu d'un trait, mais je reste perplexe. En raison d'un contexte d'immédiat après-guerre, les travers, les bassesses et la grande noirceur de l'âme humaine, je veux bien, mais là, c'est comme si l'auteur avait voulu tout mettre, au point de me donner l'impression d'avoir trafiqué les ficelles de l'intrigue pour en arriver, dans les derniers chapitres, à nous servir un véritable buffet indigeste, presque improbable, de toutes les facettes de la vengeance rassemblées en une seule et même personne.



Un "trop plein", voilà ce que j'ai ressenti, bien que je reconnaisse la qualité de l'écriture, trop belle d'ailleurs pour l'impuissance qui se dégage devant tant de rancoeurs. S'accroît encore davantage mon malaise parce que toute cette laideur s'inscrit dans le quotidien, hors des tranchées, des zones de combat, des bureaux où se manigancent les stratégies de l'horreur, bref, là où naïvement je souhaiterais voir circonscrites la haine, l'humiliation, la vilenie en temps de guerre. Me vient à l'esprit cet extrait de la critique de "Claire45": "si vous avez encore foi en l'homme, si vous pensez que tous les résistants ont été des héros, n'ouvrez pas ce livre. "Les haines pures" dans les familles , les villages, les pays, engendrent les pires forfaits".



Mais la raison prend le dessus chez moi. Comment, au terme de ces guerres, faire abstraction des dommages collatéraux quand pour sauver sa peau, plus aucune morale ni principes ne tiennent. À cela, additionnez le vécu de deux personnages centraux, Gaby et sa jeune soeur Louise, issues d'une famille dysfonctionnelle, sans amour, où l'estime de soi a été nourrie au mépris, à la violence verbale incessante alors, comment s'étonner de leurs comportements motivés à la source par ces carences. En passant, pour d'excellents résumés de ce livre (talent que je n'ai pas) les critiques de Malaura et Sandrine57 valent le détour.



En conclusion, la dernière page tournée, j'aurais jeté le livre par la fenêtre si ce n'avait été que je doive ... le remettre à la bibliothèque ! Je suis sans doute trop idéaliste. Indéniablement, "Les haines pures" ne laisse pas indifférent au point où, si c'était à refaire ... je passerais mon tour.

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Les haines pures

Peu après la seconde guerre mondiale, quelque part en Provence, Gabrielle, la vingtaine, revient vivre chez sa mère acariâtre (qui n'a d'yeux que pour son fils handicapé Jean) et sa sœur Louise. Elle découvre horrifiée que la famille Roccetti, proche voisine n'est plus : le père aurait tué ses deux fils, sa fille et se serait suicidé. Vient alors un an plus tard s'installer dans cette ferme abandonnée où a eu lieu le drame Paul Morand décidé à ne pas croire la version officielle. Il mène l'enquête parallèle aidé de Gabrielle. Mais dans ce petit village tout le monde se connaît et les nouvelles vont vite. Gabrielle et Paul dérangent ? Oui mais pourquoi puisqu'il s'agit d'un suicide ?



C'est très sombre, la nuit et l'obscurité règnent dans ce roman et je ne conseille absolument pas de le lire en automne ou hiver ! Tout y est affreux et glauque et il n'y a aucune once d'optimisme ou de lumière. Par contre je me suis laissée emporter tout du long tant l'intrigue est prenante dans ce polar rural ! L'écriture est magnifique, et les mots et chapitres maniés avec une grande justesse et mesure.



Coup de cœur pour ce roman qui j'espère ne sera pas le dernier de cet auteur puisqu'elle n'a rien publié depuis.
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Les haines pures

J'ai lu pas mal de livres cet hiver, beaucoup d'histoires très ordinaires, de pavés pleins de vérités consensuelles, de politiquement correct, à l'écriture facile. Rien n'est simpliste dans ce superbe roman, ni le style, ni l'intrigue, ni la psychologie des personnages. Locatelli se promène avec brio dans les méandres de l'âme humaine et dans les labyrinthes les moins glorieux de notre histoire. À lire absolument. 
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Les haines pures

beaucoup trop de haine âpre

le moral en prend un sacré coup

j'ai commencé mais n'ai pu terminer

car la tristesse s'amoncelait en juillet 1945

les règlements de compte après guerre

très pénible noirceur de certaines âmes

je préfère ne pas m'y laisser entraînée

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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et..

Ne pas chercher dans ce roman un travail historique de première rigueur, nous ne sommes pas dans une thèse universitaire, même si, dans l’ensemble, l’ouvrage ne semble pas si mal documenté.

Ce qu’on ne peut nier en revanche, c’est que Locatelli a un certain talent pour nous éviter une Histoire indigeste et rébarbative, avec un style plein de fougue et ne lésinant pas sur les coups de théâtre. En lisant ce roman, j’ai pensé à ce que peut produire un Dan Brown, on est un peu dans le même principe de la péripétie jusqu’à épuisement, principe éminemment efficace ET parfaitement commercial, mais avec un petit peu plus de tenue et de caution historique ici.



Cet Héliogabale, sous la plume de l’auteur, acquiert une certaine complexité, même si globalement négatif : d’abord jouet infantile entre les mains des femmes de sa famille, il prend les rênes en véritable despote, humiliant le Sénat, imposant son dieu syrien (symbolisé par une pierre noire) au-dessus des divinités romaines, donnant à voir des cérémonies religieuses qui scandalisent le peuple par leur indécence, choisissant d’attribuer les postes les plus honorifiques sur des critères bien spéciaux... Je passe sur les détails croustillants nous faisant voir l’Histoire par le petit bout de la lorgnette (mariages abusifs et ratés, travestissement et orgies…), détails triviaux mais qui nous pousseront à tourner les pages jusqu’au bout !



Néanmoins, on pourra trouver à cette figure souvent ridicule un pouvoir de remise en question de l’ordre établi presque... anarchique. A ce sujet, mieux vaut lire l’Héliogabale d’Artaud, plus littéraire et politique.

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Les haines pures

« Les haines pures » nous révèle, par le biais d'une intrigue admirablement ficelée dont les personnages aiguisent notre curiosité, les comportements insensés que la guerre a provoqués ou exacerbés, que l'après-guerre doit gérer et que les gens veulent – pour la plupart, mais pas tous ! -tenter d'oublier. Je sais que le titre et le thème n'ont pas l'air gai, mais je suis restée suspendue à ce roman jusqu'au dernier mot tant l'écriture d'Emma LOCATELLI, qui ne bascule jamais dans l'horreur ni la facilité, est un bonheur.





Gabrielle, la narratrice, a fui 6 ans plus tôt la ferme provençale familiale, lorsque la seconde Guerre Mondiale a éclaté. Pendant sa fuite, elle a bien sûr vécu des horreurs, celles de la guerre qui ont hélas été le lot de presque tous ces semblables en cette période. Elle a été violée (mais jamais l'auteur ne nous inflige de description choquante, je vous rassure), a vu des mères abandonner leurs enfants, a rencontré son fiancé qu'elle a perdu au front un peu plus tard… et a vécu bien d'autres choses que vous ne pourrez découvrir qu'en lisant son récit.





En 1945, à la fin de cette guerre et poussée par les événements, Gaby décide de rentrer au mas familial dans lequel ses proches sont restés. Sa mère, qui n'a jamais montré d'amour envers elle ni sa soeur, reçoit mal « la fuyarde » qu'elle n'a jamais essayé de retenir ; La soeur de Gaby est ravie de la revoir, mais cela ne va peut-être pas durer… Quant à son frère, il n'a plus toute sa tête pour pouvoir s'exprimer, un soi-disant éclat d'obus lui ayant réduit le cerveau en bouillie. C'est du moins la version officielle… Jusqu'à preuve du contraire !





Gaby note également que la ferme des voisin est vide à présent : tout le monde semble croire que le père a tué sa famille le jour de la libération et s'est suicidé ensuite… Mais comment peut-on se suicider avec un fusil de chasse ? L'enquête aurait-elle été bâclée ? Ou bien volontairement pipée ? C'est ce que Gaby tient absolument à découvrir pour laver la mémoire de son voisin et ami… Sauf que cela ne plaira pas à tout le monde. Elle croit pourtant trouver un allié en la personne du mystérieux locataire qui vient d'investir cette maison.





*****



Que s'est-il réellement passé ce jour-là ? Que va découvrir Gaby sur les règlements de comptes auxquels la guerre a pu servir de prétexte ? Ce roman nous plonge au coeur des traumatismes de chacun… Dont certains ont des origines plus lointaines qu'on ne pourrait le soupçonner au départ. D'une plume envoûtante, elle parvient à nous passionner pour l'Histoire et ses histoires, sans jamais basculer dans l'horreur ou la trop grande noirceur malgré la nature des faits et de l'époque.





Surtout, elle a ficelé ce roman d'une main de maître, du début à la fin, sans jamais négliger aucun détail, sans lenteur ni accélération. Ce qu'on découvre à la fin est insoupçonnable (pourtant je croyais me douter de quelque chose mais elle m'a bien baladée, en réalité !), et la manière dont cela est amené depuis le départ fait selon moi de ce roman un autre chef d'oeuvre dans ma bibli (et un coup de coeur) !
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Maleficus

Après "Le scandaleux Héliogabale", voici qu'Emma Locatelli, fine historienne, nous réjouit à nouveau avec un roman historique de haute volée. plongée dans la France paysanne sous l'Ancien régime, où le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel sont encore en lutte. Sorcellerie, pouvoirs extraordinaires du lieutenant criminel, ancêtre du juge d'instruction, balbutiements de la médecine, constituent le décor de l'ouvrage. A mon avis, l'éditeur aurait été avisé de scinder le livre en deux.
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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et..

Aux alentours de l'an 200 de notre ère, pour ma part une période assez méconnue de l'histoire romaine.



Un adolescent fantasque de 14 ans, un empereur tout aussi méconnu, au pouvoir pendant trois ans rappelant vaguement les 120 journées de Sodome...



L'empire romain est en crise; Tibère, Caligula, Néron, Geta, Caracalla...que les empereurs assassinés. Par les manigances politiques d'un princesse romaine exilée en Syrie arrive alors au poste suprême un enfant, Varius Bassianus, connu plus tard sous le sobriquet d'Héliogabale. Commence alors le court règne de cet adolescent perverti, porté sur les pires débauches, jusqu'au moment où il se fait assassiner à son tour. On s'y attend, on est seulement un peu étonné que cela a pris tant de temps.



Intriguée par le personnage, j'avoue de faire quelques recherches, et si le roman d'Emma Locatelli ainsi que les récits de certains historiens sont un peu exagérés, nous ne sommes pour autant pas loin de la vérité. J'avais juste de sérieuses doutes que les sénateurs romains subissent aussi longtemps et impunément de voir leur "dignitas" traînée dans la boue et de se plier aux caprices d'un pervers narcissique.



Je n'ai pas trouvé un seul personnage positive dans le livre. C'était cependant une lecture divertissante, même si ce n'est pas mon livre préféré de l'auteur. J'ai un petit regret de ne pas y trouver ce langage délicieusement désuet comme dans "Maleficus".
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Les haines pures

Si vous avez encore foi en l'homme, si vous pensez que tous les résistants ont été des héros, n'ouvrez pas ce livre. "Les haines pures" dans les familles , les villages, les pays engendrent les pires forfaits : humiliations, mensonges,viols, meurtres, génocide. Nous sommes en 45 dans un village de Provence plombé de soleil : la narratrice et personnage principal, Gabrielle, nous fait vivre toutes ces horreurs. Seule lumière et beauté dans le roman : sa sœur Louise. Hélas...

L'écriture est limpide, l'auteur trouve le mot juste (j'allais dire "qui fait mal"!) et la construction du roman réussie, l'ampleur du drame étant annoncé au premier chapitre.

Le lecteur comprendra au fil de sa lecture de quoi il s'agit.
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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et..

belle écritures et idées historiques intéressantes mais

l'horreur continuelle tend vers la déprime

terminé quand même car l'auteure nous entraîne :

comment cela va t -il se terminer ?

qui va prendre le pouvoir à Rome ?

je n'en dis pas davantage ...





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Les haines pures

Un livre conforme à son titre avec de la haine et des noirceurs à vous en donner une indigestion. L'histoire a pour cadre les règlements de compte qui ont accompagné la libération dans une famille déjà pas très gâtée côté affection. Rien de très original, mais c'est bien écrit avec des rebondissements et un dénouement réussi. J'ai cependant trouvé cette accumulation de noirceur trop excessive même si le livre se lit facilement avec un suspense bien entretenu, qui vous donne hâte de connaître la fin. Je suis bien content de l'avoir terminé, mais n'en garderait pas un grand souvenir.
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Les haines pures

FORMIDABLE !!!



Emma Locatelli nous dresse un tableau sans concession de la libération et de l'après guerre dans un petit village de Provence.

En lisant la quatrième de couverture, je m'attendais à découvrir la face noire des Français en temps de guerre, c'est pire !

Toute l'histoire est construite comme un thriller et la fin du roman nous réserve une dernière surprise.

Et puis, l'auteur sait poser un personnage ou un lieu avec trois phrases qui créent l'image. C'est un ravissement.



A lire avec empressement;





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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et..

Vous pouvez tourner, vous pouvez virer vous n'en saurez pas plus en lisant le Gibbon, Antonin Artaud, Rémi Turcan, Duviquet, Villeneuve, Lampride, Suétone etc... sur le sujet qu'en vous délectant avec la prose merveilleuse d'Emma Locatelli qui relate sous forme romancée le fabuleux destin d'un sale gosse syrien qui dormait le jour et vivait la nuit, avait des chasseurs d'onobèles dans tout l'Empire, est devenu empereur de Rome, de 14 à 18 ans, adorateur d'un dieu unique et inventeur de la "pénisocratie".

Ni à l'école, ni au lycée ni à l'Université son existence n'est révelée.

Jadis condamné à la damnatio memoriae, il est remarquable qu'à ce jour, le politiquement correct l'ai laissé dans l'ombre.

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Les haines pures

je viens de commencer ...je suis happée par la force de l'écriture qui sert une histoire tristement humaine !Superbe !!!



J'ai terminé ce roman ,le souffle coupé ,la gorge serrée,émerveillée par le style,et l'imagination de cette histoire au coeur sombre du coeur humain et des souffrances qu'il engengendre ...C'est un roman fiction mais ,je crois ,moi ,qu'il a pu naître sur bien des réalités .A lire absolument.
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Les haines pures

Que le livre porte bien son nom : les haines pures, on pourrait même les qualifier de tenaces !

Gabrielle « Gaby » Magne, 26 ans, revient dans son village de Bayon au début de l’été 45. La jeune femme de 26 ans est partie six ans plus tôt sans jamais donner de nouvelles. A son retour, sa mère l’accueille fraîchement. Elle est pour elle une bouche supplémentaire à nourrir. Jean, son frère ne se rend plus compte de rien depuis qu’une balle l’a rendu handicapé. Seule Louise, sa jeune sœur de 18 ans, devenue une belle jeune fille – quoiqu’un peu superficielle voire idiote selon Gaby –, est ravie de la voir revenir pour ne plus être seule avec une mère méchante et acariâtre.

Gaby est revenue car sa vie a été chamboulée par la guerre. Elle habitait Royan qui a été bombardée et son fils Théo est mort. Elle conserve cependant un voile pudique sur son passé et ne se confie pas, pas même à sa sœur.

La guerre est terminée depuis quelques mois. Les Allemands sont partis et depuis, le temps de l’épuration est passé, celui des règlements de comptes aussi. Des femmes ont été tondues pour collaboration horizontale comme on dit et le village panse ses plaies.

Gaby apprend que les italiens qui habitaient dans la ferme voisine de ses parents, les Roccetti, sont tous morts. Elles les connaissait depuis l’enfance. Officiellement, c’est un drame familial : le père de famille a tué ses trois enfants avant de se suicider puis la mère s’est ensuite donnée la mort. Un drame terrible dont pourtant personne ne parle. Gaby pose des questions, interroge, enquête, mais se heurte bien vite à des murs. Personne ne veut parler, tout ceci est de l’histoire ancienne.

Et quand un homme, Paul Morand, vient s’installer dans la ferme, Gaby poursuit ses investigations auprès de lui d’autant qu’il semble être de son côté pour découvrir la vérité.

Il est délicat d’en dire plus sans en dire trop et mieux vaut laisser le mystère de la mort de la famille Roccetti entier. Beaucoup de questions affluent : pourquoi Gaby conserve-t-elle jalousement secrète sa vie d’avant ? Les Roccetti n’ont-ils pas été assassinés ? Et si oui, par qui ? Qui est Paul Morand ?

J’ai entendu parler de ce roman lors d’une rencontre Babelio avec François Médéline pour son roman La sacrifiée du Vercors et il est vrai que les univers de ces deux fictions sont assez similaires : toutes deux traitent de la période de l’épuration d’après-guerre, de secrets de famille, de vengeance, de résistants et de collaborateurs, d’honneurs et de haines.
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