Citations de Emmanuel Carrère (1609)
"On lui a beaucoup répété qu'il a eu de la veine de ne pas être avec Kostia et les deux autres le soir où, ivres, ils ont tué un homme. Est-ce si sûr ? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux mourir vivant que vivre mort ?"
Il gloussa nerveusement, saisi par l'appréhension classique du malade qui, dans l'antichambre du médecin, craint de voir disparaître les symptômes qu'il s'apprêtait à lui soumettre.(p109)
Maintenant qu'Anne, abrutie par les médicaments, ne pouvait plus lui donner tort, il n'était plus si sur d'avoir raison
Un ecrivain de science fiction n'a pas le droit de se mettre à croire à ce qu'il raconte. Sinon imaginez la confusion
Patrice avait trouvé la princesse de ses rêves. Belle, intelligente, trop belle et trop intelligente pour lui, esimait-il, et pourtant avec elle tout était simple. Il n'y avait pas de coquetterie, pas de traîtrise, pas de coups fourrés à redouter. Il pouvait être luî-même sous son regard, s'abandonner sans craindre qu'elle n'abuse de sa naïveté. Ce qui leur arrivait était aussi sérieux pour elle que pour lui. Ils s'aimaient, ils allaient donc être mari et femme.
Il comprend une chose essentielle , c'est qu'il y a deux sortes de gens : ceux qu'on peut battre et ceux qu'on ne peut pas battre , et ceux qu'on ne peut pas battre , ce n'est pas qu'ils sont forts ou mieux entraînés , mais qu'ils sont prêts à tuer .
C'est quand même rare , quand on se prépare à rencontrer quelqu'un et à écrire sur lui , de savoir si peu sur quel pied on a envie de danser .
Edouard prend l’affaire au sérieux : même si on ne se suicide pas – et Igor ne se suicidera pas –, c’est terrible de prendre conscience qu’on est un artiste de second ordre et peut-être un vivant de second ordre.
C'est pire que la prison, l'hôpital psychiatrique, parce qu'en prison au moins on connaît le tarif, on sait quand on sort, alors qu'ici on est à la merci de médecins qui vous regardent derrrière leurs lunettes et vous disent : "On verra", ou encore plus souvent ne vous disent rien.
Tant qu'on est méchant c'est qu'on n'est pas devenu un animal domestique. P.236
P446: Limonov en prison
"S'il y a une personne au monde de qui je n'aurais jamais songé à le dire, c'est Limonov, qui avec tout son courage et son énergie vitale me semble être la plupart du temps à côté de la plaque. Mais en prison, non. En prison, il n'est pas à côté de la plaque. Il sait où il est."
ÉMIGRER: Edouard émigre vers les États-Unis.
P134: "A nous qui allons, venons et prenons des avions à notre guise, il est difficile de comprendre que le mot "émigrer", pour un citoyen soviétique, désignait un voyage sans retour. (...) Je parle des gens qui émigraient en toute légalité. C'était devenu possible, quoique difficile, dans les années soixante-dix, mais celui qui faisait la demande savait, si elle aboutissait, qu'il ne pourrait jamais revenir. Même en visite, même pour un court voyage, même pour embrasser sa mère mourante. Cela faisait réfléchir, c'est pour cela qu'assez peu de gens voulaient partir et c'est ce qu'avait sans doute escompté le pouvoir en ouvrant cette soupape de sécurité."
Ils menaient un combat perdu d'avance dans un pays où l'on se soucie peu des libertés formelles pourvu que chacun ait le droit de s'enrichir.
La seule vie digne de lui est une vie de héros, il veut que le monde entier l'admire et il pense que tout autre critère, la vie de famille paisible et harmonieuse, les joies simples, le jardin qu'on cultive à l'abri des regards, ce sont des autojustifications de ratés ...
En deux heures de guerre, pense-t-il, on en apprend plus sur la vie et les hommes qu'en quatre décennies de paix. La guerre est sale, c'est vrai,la guerre est insensée, mais merde!La vie civile est insensée aussi à force d'être morne et raisonnable et de brider les instincts. La vérité, que personne n'ose dire, c'est que la guerre est un plaisir, le plus grand des plaisirs, sinon elle s'arrêterait tout de suite.Une fois qu'on y a goûté, c'est comme l'héroïne, on veut en reprendre... Le goût de la guerre, la vraie, est aussi naturel à l'homme que le goût de la paix, il est idiot de vouloir l'en amputer en répétant vertueusement: la paix c'est bien, la guerre c'est mal. En réalité, c'est comme l'homme et la femme, le Yin et le Yang: il faut les deux .
Je me méfiais,je me méfie toujours des unions sacrées-même réduites au petit cercle qui m'entoure.
Limonov, lui, a été voyou en Ukraine; idole de l'"underground" soviétique ; clochard, puis valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan; écrivain à la mode à Paris; soldat perdu dans les Balkans; et maintenant, dans l'immense bordel de l'après-communisme, vieux chef charismatique d'un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud: je suspends pour ma part mon jugement. Mais ce que j’ai pensé (…) c’est que sa vie romanesque et dangereuse racontait quelque chose. Pas seulement sur lui, Limonov, pas seulement sur la Russie, mais notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
" sortir de la peau du docteur Romand voudrait dire se retrouver sans peau,plus que nu:écorché".
Les premières phrases : Plus tard, longtemps, jusqu'à maintenant, Nicolas essaya de se rappeler les dernières paroles que lui avait adressées son père. Il lui avait dit au revoir à la porte du chalet, répété des conseils de prudence, mais Nicolas était tellement gêné de sa présence, il avait tellement hâte de le voir repartir qu'il n'avait pas écouté.
Que de questions posées ,après la lecture de ce livre !
L'explication psychique du cancer est à la fois un mythe sans fondement scientifique et une vilénie morale, parce qu'elle culpabilise les malades. Cela, c'est la thèse officielle, la ligne du Parti. Dans le noir, en revanche, il dit ce que disent Fritz Zorn ou Pierre Cazenave : que son cancer n'était pas un agresseur étranger mais une partie de lui, un ennemi intime et peut-être même pas un ennemi. La première façpn de penser est rationnelle; la seconde est magique. On peut soutenir que devenir adulte, c'est ce à quoi est supposer aider la psychanalyse, c'est abandonner la pensée magique pour la pensée rationnelle., mais on peut soutenir aussi qu'il ne faut rien abandonner, que ce qui est vrai à un étage de l'esprit ne l'est pas à l'autre et qu'il faut habiter tous les étages, de la cave au grenier. J'ai l'impression que c'est ce que fait Etienne
Le totalitarisme, que sur ce point décisif l'Union Soviétique a poussé beaucoup plus loin que l'Allemagne nationale-socialiste, consiste, là où les gens voient noir, à leur dire que c'est blanc et à les obliger, non seulement à le répéter mais, à la longue, à le croire bel et bien.