Texte kaleidoscopique que celui d'Emmanuel Darley, auteur que je decouvre grâce à la technique du livre au hasard dans les rayons de la bibliothèque.
Le bonheur du titre, le mirage du là-bas que l'on observe de chez soin, loin. Le "Là-bas" de la chanson de Goldman qui ne peut qu'être meilleur que le ici de ces gens, parce que pire est impossible à imaginer et parce que tout (la télé, les touristes, les expatriés de retour pour les vacances) nous dit que c'est forcément mieux.
Le style de l'auteur, tout en bout de phrases heurtées est souvent particulièrement adapté au propos, dans la simplicité de ces gens là ou la dureté de leur quotidien. Il m'a paru à certains moments, rarement, plus artificiel, quand la recherche d'une langue pauvre amène à une caricature ( des phrases du genre "Petits ils sont" qui m'ont plus fait penser à Yoda qu'aux migrants, mais c'est peut-être une deformation geek).
La peinture est quasi exhaustive entre les accommodements avec le rêve de ceux qui sont arrivés et veulent toujours y croire malgré les humiliations subies au quotidien, la partie poignante sur le voyage de migration, remplie de dangers et de souffrances, les espoirs de ceux qui ne sont pas partis, les envie de se lancer et les discours hésitants de ceux qui entrevoient que le pays bonheur si désiré n'est peut-être pas tel qu'on l'idealise.
Reste une frustration, celle que ces instantanés disparates qui certes peuvent seuls rendre compte d'une réalité si disparate, ne constituent pas une histoire en soi. Il nous manque la consistance de la chair de ces héros qui ne resteront que les ombres qu'ils sont pour nous au quotidien quand nous les croisons au feu rouge ou dans le métro. Une incarnation dans quelques personnages dont nous aurions suivi les périples m'aurait peut-être davantage emballé.
Il reste une oeuvre nécessaire pour donner à voir une réalité qu'on cherche parfois à oublier, nous pour qui là-bas a la chance d'être notre ici depuis toujours.
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Restonica, une petite ville paisible nichée au creux des collines, quelques personnes, adultes et enfants, se présentent en courts paragraphes. Ce sont ceux du dedans. Ceux du dehors, ce sont ceux qui s'installent sur les collines alentour, à l'appel du général Brûlé. Ceux-là encerclent la ville et se mettent à bombarder, à "nettoyer". Pourquoi ? On ne sait pas bien, des histoires de terre, oubliées.
Et les villes autour et nous, le reste de la terre : silence, attente prudente.
Pas d'émotion dans l'écriture. Glaçant.
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Paru en 2007, ce "roman" de 136 pages raconte les flux migratoires. Emmanuel Darley a obtenu une mission Stendhal (ministère des Affaires Etrangères) et a pu séjourner à Lampedusa et au Mali. Ici - Chemins - Là-bas : de multiples voix qui se croisent.
Celles de ceux qui sont déjà arrivés et qui découvrent la réalité de ce qu'ils ont fantasmé, leurs vies de "sans-papiers" livrés aux marchands de sommeil et aux employeurs exploiteurs, débiteurs de ceux qui sont restés au pays, qui se sont cotisés pour qu'ils partent.
Celles de ceux qui sont en chemin par terre, mer, air, qui arriveront , ou pas.
Celles des passeurs professionnels ou occasionnels mûs par l'appât du gain.
Celles de ceux qui hésitent " partir", "ne pas partir", rester au pays où objectivement ils survivent ou tenter d'aller "LA-BAS", là où les gens sont beaux en bonne santé et gagne beaucoup d'argent.
Le bonheur, c'est le rêve de tous ces gens qui partent sur les routes, vers un "LA-BAS" rarement atteint.
Emmanuel Darley utilise une langue particulière, qui pourrait être celle, minimale, de ces migrants qui ne parlent pas encore bien "bonheur", mais c'est plus que ça. Une langue poétique et puissante, sans concession, sans fioritures, sans pathos.
UNE LECTURE INDISPENSABLE.
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Un monologue saisissant qui donne vie aux personnages, à leur vécu, à leurs émotions: Marie-Pierre et son père. On sent le drame dès les premières lignes sans comprendre ce qui est à l'origine de leur rupture. Et petit à petit le décor se met en place.
Un conseil : ne lisez pas la 4ème de couverture!
Le texte suivant, Auteurs vivants, n'est pas dans le même registre. Léger et ironique.
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Deux textes brillants, avec une écriture personnelle (bien meilleure que Lagarce), un autre langage que l’on comprend même si la structure n’est pas habituelle, c’est rythmée, c’est beau.
Deux textes, bon et très bon.
Le premier, excellente critique de la société capitaliste, des entreprises abusant des ouvriers, de Monsieur le, probablement ministre ou député, qui veut bien de la culture si ça ne coûte pas cher. Précis dans la critique, plutôt accrocheur.
Mais le grand texte, c’est le second, la narration de la prise d’otage d’une école maternelle d’un homme qui ne trouve pas sa place dans la société. C’est ciselé, c’est beau, c’est classe, c’est à lire !
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J'ai aimé cette pièce car l'écriture y est sensible. Elle peut sembler surprenante au premier abord car nous voyageons dans le temps, il s'y mêle plusieurs témoignages et histoires à différents moments. Tout y est dit clairement avec des phrases simples, courtes mais aussi très rythmées. Tous les personnages sont justement humains et parlent aussi de sujets banals comme nous le voyons avec le personnage de La Pompière qui souhaite aller à la piscine. Il n'y a pas non plus de héros, juste des Hommes qui comme monsieur cagoule souffrent parfois. Emmanuel Darley donne la parole à tous les personnages. Les relations entre l'institutrice et monsieur cagoule sont intéressantes ainsi que celles avec sa sœur. De plus, c'est une pièce importante car il s'agit d'un fait qui sera toujours d'actualité, en effet, il s'agit aussi de réfléchir sur la souffrance, la violence mais aussi sur la justice car que penser du fait que l'homme soit mort sans avoir reçu de jugement ? Cette pièce m'a touché émotionnellement, car à sa fin j'ai été silencieuse, il m'a fallu un peu de temps pour pouvoir sortir de cet état fort dans lequel elle m'avait plongé. C'est pour ça qu'il s'agit d'une pièce parfaitement réussie.
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Un produit des klang ! depuis 40 ans dans la même usine. Il témoigne du passage de « Klang et fils » à « Klang frères » et surtout de l’abandon des machines avec « Interklang »… Faire produire les klang ! par les ouvriers eux-mêmes, pour limiter encore les coûts. Dans cette pièce il sera question de conditions de travail, d’ascenseur social, de dégraissage, de coût du travail, de stages, de délocalisation… Une excellente comédie burlesque servie par un texte d’une belle musicalité, qui permet de rire du monde du travail, ce qui ne nous arrive pas tous les jours… Dans « Être humain », Emmanuel Darley nous replonge dans la prise d’otage qui a eu lieu dans une école de Neuilly en 1993. Il fait parler tour à tour le preneur d’otage, sa soeur, l’institutrice, le négociateur, la pompière, et imagine ce que chacun a pu penser, dire et ressentir lors de cet événement. Il nous rappelle que derrière la violence d’un acte, il y a toujours un être humain, une vie. Un texte d’une grande sensibilité, à lire à coeur ouvert. Deux univers très différents sont ici racontés, qui nous donnent l’occasion de découvrir la superbe plume d’Emmanuel Darley et, pourquoi pas, de la jouer…
(Gaëlle)
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