"Je prie qu'on fasse attention à la différence énorme qu'il y a entre l'assemblée du tiers état et celle des deux autres ordres. La première représente vingt-cinq millions d'hommes et délibère sur les intérêts de la nation. Les deux autres, dussent-elles se réunir, n'ont de pouvoirs que d'environ deux cent mille individus et ne songent qu'à leurs privilèges."
"Les hommes en général aiment fort à ramener à l'égalité tout ce qui leur est supérieur, ils se montrent alors philosophes. Ce mot ne leur devient odieux qu'au moment où ils aperçoivent les mêmes principes dans leurs inférieurs."
"Ainsi, qu'est ce que le tiers ? Tout, mais un tout entravé et opprimé. Que serait-il sans l'ordre privilégié ? Tout, mais un tout libre et florissant.
Rien ne peut aller sans lui, tout irait infiniment mieux sans les autres. Il ne suffit pas d'avoir montré que les privilégiés, loin d'être utiles à la nation, ne peuvent que l'affaiblir et lui nuire, il faut prouver encore que l'ordre noble n'entre point dans l'organisation sociale; qu'il peut bien être une charge pour la nation, mais qui ne saurait en faire une partie."
"Qu'est-ce que le tiers état ? - TOUT.
Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? - RIEN
Que demande-t-il ? - A ETRE QUELQUE CHOSE."
Ces trois phrases ont transfiguré l'abbé Sieyès en "oracle de la Révolution".
Surtout, ne nous décourageons pas de ne rien voir dans l'histoire qui puisse convenir à notre position.
Qui donc oserait dire que le tiers état n'a pas en lui tout ce qu'il faut pour former une nation complète ? Il est l'homme fort et robuste dont un bras est encore enchaîné. Si l'on ôtait l'ordre privilégié, la nation ne serait pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus.
"Qu'est-ce que le tiers état ? - TOUT.
Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? - RIEN
Que demande-t-il ? - A ETRE QUELQUE CHOSE."
Ces trois phrases ont transfiguré l'abbé Sieyès en "oracle de la Révolution". Elles prédisent les évènements à venir et, par leur clarté lapidaire, ont conquis les contemporains. Au lecteur d'aujourd'hui qui ne sait plus très bien ce qu'était le tiers état, disons simplement que ce terme désignait la masse de la nation, soit le peuple français.
Ainsi, qu'est-ce que le tiers ? Tout, mais un tout entravé et opprimé.