Sénèque disait déjà que la sévérité avec laquelle on condamne ordinairement Epicure est injuste : lnfamis est, maie audit, sed immerito. Dans un rapport sur le livre de M. Guyau, lu à l'Académie des Sciences morales, M. Garo reconnaît que le procès d'Epicure demanderait à être revisé ; le jugement sommaire que l'on s'accorde à prononcer contre lui n'est pas suffisamment fondé, les témoignages sur la foi desquels on le flétrit d'une condamnation implacable devraient être examinés de plus près; ne devons-nous pas faire une place parmi les philosophes à ce chef d'école qui réunit autour de lui un tel nombre de disciples, dont la tradition se conserva toujours aussi florissante jusqu'aux derniers jours de la civilisation païenne, puisque l'Epicurisme durait encore au IVe siècle de l'ère chrétienne, survivant aux autres systèmes de la philosophie grecque, et dont l'influence n'a pas cessé de se faire sentir sur beaucoup de grands esprits dans les temps modernes?
La certitude a pour principe la confiance naturelle que nous accordons au témoignage des sens ; cette confiance est immédiate et nécessaire ; dès qu'on l'ébranlé, rien ne reste debout.
C'est en effet un des caractères les plus remarquables de l'école épicurienne que cette amitié qui ne cessa d'y régner, unissant d'une part le professeur et les élèves, d'autre part les élèves entre eux, Tous les écrivains de l'antiquité sont d'accord sur ce point; les adversaires les plus haineux ne nous parlent jamais de dissensions, de jalousies qui aient divisé les épicuriens : Et ipse bonus vir fuit et multi Epicurei fuerunt et ho die sunt et in amicitiis fidèles et in omni vita constantes et graves. Il était lui-même de nature aimante, comme l'attestent sa piété envers ses parents, sa bonté envers ses frères, sa douceur envers ses esclaves et en général son humanité envers tous.envers tous.
Il manifesta de bonne heure la curiosité de son esprit. Il n'avait que 14 ans (quelques-uns disent même 12) et son maître de grammaire citait devant lui le vers d'Hésiode : « Au commencement, toutes choses vinrent du Chaos. — Et le chaos lui-même, demanda Epicure, d'où vint-il? » Le maître resta court; il dit que ce n'était pas son affaire de trancher la question, qu'il fallait la poser aux philosophes. Les études du jeune homme furent donc orientées dans cette direction, il comprit l'importance et l'intérêt des problèmes philosophiques et alla écouter les leçons des diverses écoles.
Malgré les troubles qui affligèrent la Grèce, Epicure passa à Athènes toute la seconde partie de sa vie, excepté deux ou trois voyages qu'il fit Sur les confins de l'Ionie, pour rendre visite à des amis. Il ne se mêla point des affaires publiques, ne joua aucun rôle dans les révolutions successives de sa patrie, ne s'attira ni sur lui ni sur ses amis la haine d'aucun parti. Sa carrière ne fut donc signalée par aucun événement important et les historiens anciens ne nous rapportent pas sur son compte d'anecdotes intéressantes.
Les théories des Epicuriens sont surtout connues par les écrits des Stoïciens, leurs adversaires. Il est certain que l'école stoïcienne compte un grand nombre de bons auteurs dont les livres se lisent avec plaisir. De plus il faut reconnaître que nous écoutons avec une complaisance toute spéciale ceux qui expriment de grandes pensées et de beaux sentiments : il semble que nous nous grandissions à nos propres yeux ; nous oublions de nous assurer s'ils disent bien vrai, tant nous voudrions qu'ils eussent raison.