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Citation de Charybde2


À l’aéroport d’Odessa, seul un militaire armé d’une dague et d’un revolver nous rappelle que nous avons atterri dans un pays en guerre. Je le toise de la tête aux pieds. C’est la deuxième fois que je reviens en Ukraine depuis l’Euromaïdan et chaque fois je me demande comment cette armée de soldats mal fagotés, équipés à la va-comme-je-te-pousse, pourra se défendre contre la Russie de Poutine, la troisième puissance militaire du monde. Tous les hommes croisés dans le hall de l’aéroport me demandent si j’ai besoin d’un taxi, alors je désigne la grande boîte en carton que je traîne derrière moi et je dis :
– Velosiped !
– Quoi, un Français venu jusqu’ici avec une bicyclette en pièces détachées ?
– Mais pour aller où ? Jusqu’à Vladivostok ou jusqu’à Sakhaline ?
– Jusqu’à Strasbourg, messieurs.
– Vous avez à peine foutu les pieds ici que vous rebroussez chemin ? Tous ces efforts pour rentrer au bercail ?
– Non, tous ces efforts pour remonter le Danube, messieurs.
– Vous allez rouler à contresens de Napoléon, d’Hitler et de l’expansion européenne, mon pauvre ami ! Et vous avez bien raison quand on pense comment toutes ces aventures ont terminé : la bérézina vous pend au nez !
Oui, c’est pour traverser l’Europe à rebrousse-poil que nous avons débarqué dans cet ancien port russe puis soviétique, aux avenues tracées au cordeau par un Français, et qui n’a d’ukrainien que la langue écrite, celle qui se lit partout mais ne s’entend nulle part, tout le monde parlant, bien sûr, le russe. Oui, nous sommes venus remonter les flots danubiens, tels des Argonautes des temps modernes, des bouches de la mer Noire aux sources de la Forêt-Noire. Pour pédaler à contre-courant des vents dominants et de la plupart de nos congénères. Avec pour horizon un rêve d’enfance enfoui parmi les neiges et les épicéas du Wurtemberg. Mais pour l’instant : chut ! pas question de dévoiler ce qui nous attire là-bas car dans un roman d’arpentage, où l’on devine déjà le début et la fin de l’histoire, il faut bien ménager un peu de suspens.
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