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Citations de Emmanuel Venet (158)


Les représentants de cette engeance naissent vieux, avec dans leur génome une prédisposition à intégrer une grande école pour y séduire les enseignants qui se reconnaissent dans leur brillant psittacisme, en sortir clonés, et à leur se dupliquer dans de jeunes vieillards qui reproduiront les conventions d'une classe rodée au code des bonnes manières et à la pétrification des savoirs, mais totalement inapte à la fantaisie, à l'originalité et à l'égarement.
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Je reconnais volontiers que ma conception de l’amour trace une asymptote extrêmement difficile à atteindre, mais en même temps je conçois mal qu’on galvaude cet idéal en appelant amour des sentiments éphémères, opportunistes, capricieux et capables à tout moment de se retourner en leur contraire.
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Je ne comprendrai jamais pourquoi, lors des cérémonies de funérailles, on essaie de nous faire croire qu’il y a une vie après la mort et que le défunt n’avait, de son vivant, que des qualités. Si un dieu de miséricorde existait, on se demande bien au nom de quel caprice il nous ferait patienter plusieurs décennies dans cette vallée de larmes avant de nous octroyer la vie éternelle ; et si les humains se conduisaient aussi vertueusement qu’on le dit après coup, l’humanité ne connaîtrait ni les guerres ni les injustices qui déchirent les âmes sensibles. On me rétorque souvent que je schématise les situations complexes à cause de mon syndrome d’Asperger, mais je me contente de raisonner logiquement, comme chacun devrait s’y astreindre. À quarante-cinq ans, depuis longtemps sorti de l’enfance et peu soucieux d’encore me bercer d’illusions, je prétends pouvoir me forger des opinions pertinentes sur ces questions. En l’occurrence, j’assiste pour la quatrième fois de ma vie à des funérailles et je suis une fois de plus révolté par les énormités que j’y entends.
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Le syndrome d'Asperger me rend non seulement cohérent avec moi-même et d'une franchise absolue, mais aussi routinier et solitaire. Il me déplairait qu'on gomme ou atténue ces qualités morales quand on prononcera mon oraison funèbre. (p. 15)
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Un véritable artiste ne s'inquiète nullement pour le bonheur des ses enfants: au mieux il les condamne aux travaux forcés (...), au pire il ne les reconnait pas quand il les croise dans la rue (...).
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Quand je regarde le chemin que nous avons emprunté côte à côte en croyant le parcourir ensemble, je ne vois que deux solitudes poursuivant un répétitif enchaînement de plaisirs et de devoirs.
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chassez le naturel, il revient au goulot.
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Autour de moi, chacun vit comme si les choses sérieuses se cantonnaient aux signes extérieurs de richesse, à l'incessant échange d'opinions rebattues et à l'ostentation de plaisirs ignorant tout des sentiments. On parle garde-robe, cac40, taux de triglycérides, Vatican II, tarifs du vétérinaire, produits touristiques équitables ou nouvelles techniques de fitness, mais on évite soigneusement d'évoquer le besoin d'aimer, le bonheur de s'abandonner l'un à l'autre, l'exaltation que procure la vie à deux ou l'impeccable rationalité du crime passionnel assumé, tel que le journal en rapporte chaque semaine au moins un exemple. Au mieux, l'amour surgit dans le discours de mes proches sous les traits de la routine conjugale, des adultères à la Feydeau ou des querelles à trois sous. (p. 114-115)
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... la menace plane sur ce qu'on peut appeler une psychiatrie du sujet, fondée sur la reconnaissance de la dimension stricto sensu intersubjective de la relation de soin, supposant un engagement mutuel des soignants et des personnes soignées, même lorsque la relation thérapeutique s'instaure sous la bannière de la contrainte.
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Il s'agissait initialement d'un tas posé sur le sol et confectionné au moyen d'un grand nombre de feuilles mortes réglementairement collectées dans l'établissement durant la campagne de ramassage de l'automne 2012, le but de l'oeuvre étant d'édifier le spectateur sur la quantité considérable de feuilles mortes produites par un établissement psychiatrique dont ce n'est pourtant pas la fonction première.
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J’aime les catastrophes aériennes parce qu’elles répondent toujours à une logique précise qu’on peut découvrir d’après des indices parfois ténus ; et j’aime le scrabble parce qu’il ravale à l’arrière-plan la question du sens des mots et permet de faire autant de points avec « asphyxie » qu’avec « oxygène ».
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Voilà Ferdière, jeune remarié mais seul dans la tourmente, plus que jamais rivé à son poste pendant que ses conscrits tapent le carton sur la ligne Maginot. Sa petite colonie commence à danser devant le buffet, on s’énerve ici plus vite qu’ailleurs et la pulsion picturale s’épuiserait à moins. Un confrère portugais, Egas-Moniz, vient de proposer une technique radicale pour calmer les excités. Simone joue peut-être les Homais, l’ancienne envie d’ouvrir des crânes fait le reste, en tout cas Ferdière, tout heureux de réaliser une première française, entreprend de lobotomiser un de ses malades. Il en rendra compte sans trop de tact à ses pairs, et s’attirera une réputation de sadique. On oubliera qu’au printemps quarante il organise un hôpital de fortune pour les blessés de l’exode, et que dès le début de la grande famine asilaire il trafique comme il peut pour éviter à ses patients la mort par dénutrition. On oubliera aussi qu’en quarante-neuf, Egas-Moniz recevra le prix Nobel pour son indéfendable trouvaille, entrée dans les mœurs alors que Ferdière n’a jamais récidivé. On oubliera enfin qu’en quarante et un, il a dénoncé le scandale des restrictions alimentaires dans les hôpitaux psychiatriques, et qu’il a été peu après condamné pour avoir fait du marché noir au profit de ses agonisants. Si rien n’est littéraire, rien n’est pour autant simple au pays où la vie vaut plus que la mort.
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Quand un poète égaré en médecine cherche un second souffle dans la psychiatrie, il lui plaît de devenir un paria aux yeux de ses confrères sérieux – ceux qui enseignent la palpation du foie et la suture des vaisseaux, qui sauvent ou autopsient avec une égale dextérité, et pontifient plus ou moins savamment sur les mystères contre lesquels butte leur art. Psychiatre, donc foncièrement insoumis, il soignera désormais des malades et non des maladies, privilégiera l’écoute sur l’examen, et préfèrera le langage de l’âme à celui des organes : autant dire qu’à son insu il deviendra médecin, c’est-à-dire juge de paix, confident et accompagnateur infatigable des causes perdues. En outre, le futur psychiatre bretonnisant des années trente se piquera de freudisme mal digéré, confondra association libre et écriture automatique, et bricolera de ses gros doigts la délicate horlogerie de la pulsion créatrice. Voilà notre jeune marié à Paris, plus près du Dieu qui hante encore les couloirs de Sainte-Anne et vient d’éventrer le professeur Claude d’une griffe insolente. Ferdière atterrit d’abord à Villejuif. C’est là qu’il rencontre le verbe déstructuré, grandiose et hermétique des fous : la source même de toute poésie, l’endroit rêvé pour étancher enfin sa soif d’inouï et se lancer vraiment.
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Si notre mère cultivait une passion pour les maladies mortelles, elle n’attribuait pas à toutes la même puissance symbolique. La cirrhose alcoolique, le cancer des fumeurs ou l’infarctus des goinfres ne représentaient jamais que la légitime sanction de vies déréglées. En revanche, les maladies qui abattent jeunes des êtres sans vices lui procuraient un délicieux vertige métaphysique. A la maison, on ne se lassait pas des récits de leucémies et de cancers, et plus le mort était jeune et vertueux, plus fascinant était son mal. Comme si on mourait davantage de mourir tôt et sans y être pour rien, ce qui se défend : les pages nécrologiques regorgent de vieillards entrés dans l’éternité par paliers, dont le décès apparaît comme la ratification tardive d’un état de fait. Le saut de l’ange a plus d’allure, surtout si l’on ignore les raisons du plongeon. (Maladie bleue)
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Il ne s'agit pus pour lui de s'enivrer pour s'affranchir de quelque chagrin violent, mais de prendre ses quartiers dans une légère ébriété qui lui rende supportable l'ingratitude de sa condition.
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Depuis si longtemps que nous vivons sous le même toit, respirons le même air et fréquentons les mêmes proches, nous croyons connaître l'un de l'autre l'essentiel [...]. Mais pour autant, sous l'effet d'une lucidité trop aiguisée, nous ne cessons de nous redécouvrir comme deux étrangers cheminant de concert.
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L'un comme l'autre professaient avec constance les vertus de la libre entreprise et la sagesse du marché. En conséquence de quoi, tous deux ont toujours dit préférer un enrichissement rapide à un appauvrissement lent, et se sont accordés sur le fait que les moyens de faire fortune ne regardent personne - en particulier ni l'administration fiscale, ni la justice, ni les médias qui veulent toujours fourrer leur nez partout.
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« Ainsi, conclut Fernand Furet, « L’Indiscret de Pontorgeuil » pouvait se réjouir de présenter à ses lecteurs, en guise de bouquet final, une anecdote représentative de notre époque. Hélas, dernier numéro oblige, il ne pourrait pas révéler l’issue de ce fait divers à ses abonnés, qu’il saluait chaleureusement et à qui il souhaitait de trouver de nouveaux canaux d’information libre et roborative. »
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Cependant il me semble qu’il serait plus sain de préférer la vérité au mensonge, et que l’humanité devrait plutôt s’attacher à dessiller les crédules et à punir les profiteurs qui entretiennent le climat de duplicité et de tromperie dans lequel, pour notre plus grand malheur, notre espèce baigne depuis la nuit des temps.
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... Freud s'en voudrait de paraître commun, alors il cherche un propos plus personnel, et, comme souvent, il badine. Il évoque la ville pimpante, la rivière Olza - qu'il prend pour l'Elbe menant à Hambourg alors qu'elle se jette dans l'Oder menant à Stettin -, le café qu'on a tardé à lui servir, le délicieux gâteau qu'il s'est offert, et la fortune qu'il pourrait dissiper dans cette auberge, à force d'y acheter ce qui, d'a^près lui, s'y vend : "la lumière, l'encre, l'usure du mobilier". Autour de lui, c'est le silence de l'heure creuse, souligné par le cliquetis d'une horloge et le bruissement léger d'une servante qui fait briller les cuivres. Il regarde les globes en verre blanc des lustres et des appliques; le papier sur lequel court sa plume; le bois sombre du guéridon qui brille de mille cicatrices - brûlures et éraflures laissées par la cohorte des clients précédents. Et sa formule, directement inspirée par ce décor, lui plaît parce que, sous ses dehors poétiques, elle lui semble résonner de riches harmoniques philosophiques. Ainsi, Martha aura conscience de ne pas épouser un rustre ou un insensible.

(p.10)
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