Nous avons combattu avec ardeur, mais nous avons perdu. Les Romains ont détruit la ville. (...) Ils m'ont attaché les poignets et m'ont transporté dans la grande arène où ils m'ont vendu à Silvius, mon nouveau maître.
Silvius possède déjà 27 esclaves qui travaillent dans ses mines et dans ses champs. Par chance, c'est à sa vigne qu'il me destine, me préservant ainsi du terrible sort réservé aux mineurs. Les esclaves des mines sont proches de l'enfer. Ce sont les plus mal traités, les têtes dures que l'on veut ramollir, ou les récalcitrants récidivistes qu'il faut punir. J'ai échappé à la noirceur des mines pour la lumière des champs. Si mes journées sont longues, au moins se déroulent-elles au soleil et au vent. (...) Bien sûr, aucun coup ne m'est épargné. Tous les châtiments me sont infligés. Les privations, le fouet, le bâton. (...)
Je m'appelle Ronix. J'ai été soldat. Aujourd'hui je suis l'esclave de Silvius. Je sens brûler en moi le désir de liberté, ce désir ardent qui me fera un jour reprendre les armes, quitter les champs, et traverser le vieux canal.
(p. 32-33)
Quand les bateaux des blancs sont arrivés, nous avons nagé vers eux sans crainte. Nous leur avons ouvert nos bras et nos maisons. Nous leur avons offert des perroquets, des fruits et de l'or. Ils ont sorti leur épée. Ils ont versé le premier sang. Ils nous ont appris la peur, puis la haine.
(p. 47)
Pendant de longues décennies, l'esclavage a transformé des hommes en choses sans que les lumières du siècle n'aient éclairé toutes les consciences. Bien sûr, cette question faisait débat en Martinique. Les familles se déchiraient entre les tenants de la conservation des privilèges, ceux de la morale chrétienne ou du droit républicain, et ceux, plus rares, du pragmatisme abolitionniste au simple nom de l'efficacité économique :
« En payant vos nègres, vous obtiendrez d'eux des résultats bien supérieurs » argumentaient-ils.
Quelle est donc aujourd'hui en Martinique la mission des décideurs divers et variés que sont les femmes et les hommes politiques, les leaders économiques, associatifs, toutes les actrices et acteurs de la vie sociale et culturelle sur cette terre ?
C'est sans doute de travailler à réduire les fractures profondes qui fragilisent la société martiniquaise. En effet celles-ci permettent aux semeurs de haine de remuer régulièrement les couteaux dans les plaies encore béantes de notre histoire.
• préface de Jean-Paul Jouanelle
" Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous. "