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Critiques de Emmanuel de Waresquiel (132)
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Voyage autour de mon enfance

Une proposition de Babelio d'un livre unique en masse critique, cela a toujours été pour moi une très bonne surprise. Donc, merci pour cette offre de lecture et merci aux éditions Tallandier pour l'envoi de ce voyage nostalgique vers les terres méconnues de l'enfance.



Bien sûr, inévitablement, l'auteur parle de lui, mais en se limitant à l'enfance, de sa famille, de sa mère surtout et il écrit quelques belles phrases la concernant. Il parle aussi de livres, de ceux de sa grand-mère, il remonte dans les générations précédentes, très loin, au-delà de la Révolution française.



Nature, villages noyés dans les brumes automnales, clochers objets de son affection, voyages familiaux, notamment vers la Provence qui l'a séduit, lui l'homme des bocages, des frimas, des rivières ondoyantes, tout un ensemble de souvenirs et d'émotions sont rassemblés dans ce petit livre.



Avec cette lecture, on parcourt une bonne partie de la France, avec les cartes Michelin jaunes de sa mère, au bon temps où les GPS ne traçaient pas d'itinéraires les plus courts ou les plus rapides, ce qui laissait de belles opportunités de découvertes magnifiques alors que les autoroutes étaient encore rares.



Emmanuel de Waresquiel livre ses ressentis et ses interrogations sur la fuite inexorable du temps, celle qui le rapproche peu à peu de ses disparus, de tous ceux aussi qu'il a pu oublier, l'enfance gommant dès sa sortie une bonne part des traces, tandis que l'on se précipite inconsciemment vers un avenir qui deviendra un encombrant présent et trop vite un passé déjà lointain.



C'est un très beau voyage mélancolique mais réaliste au pays de la nostalgie que réaliseront avec plaisir tous ceux qui ont su garder un coeur d'enfant.



Merci, Babelio.
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Voyage autour de mon enfance

« Toutes les enfances ont en commun d'être ou de devenir de « verts paradis », même les plus tristes. On peut naître sur un terril et l'aimer passionnément. D'aucuns peuvent bien renier leurs premières années, au bout du compte, ce sont elles qui nous constituent, bon an mal an, pour le reste de notre vie ».



Emmanuel de Waresquiel se raconte dans un récit qui ne s'apparente pas à des mémoires précise-t-il. Qu'elles peuvent être les motivations d'un éminent historien tel qu'Emmanuel de Waresquiel pour écrire sur sa prime jeunesse, lui qui jusqu'à présent, s'est plutôt penché sur la vie des grands hommes comme Talleyrand.



Il dédie son livre à sa fille Gabrielle. Faut-il y voir le besoin de transmettre, d'immortaliser sur le papier les quelques bribes de souvenir qui émergent d'une mémoire encore alerte avant que celle-ci ne s'engourdisse. Les jolis moments passés dans une famille aimante à la généalogie prestigieuse, nobiliaire mais toute en retenue, restent ainsi gravés et témoignent d'une époque disparue.



Ce petit texte élégant, tout en pudeur, devient alors un maillon de la chaîne qui relie les générations passées et présentes ! Il est si joliment écrit ! Il s'en dégage une grande tendresse ! L'auteur s'attache à ses dix premières années qui s'écoulent dans une campagne de l'Ouest de la France, pas très loin de l'endroit où Balzac ouvre son roman « Les Chouans » entre une maman romanesque, lui racontant les exploits et les malheurs de sa famille dans un récit où baigne l'étrange, façon Edgard Poe. Une maman imprégnée de poésie anglaise, lui lisant des passages de Shakespeare. Elle avait hérité de son goût pour la campagne de sa propre mère « la nature et la vie tenaient tout à la fois du miracle et du mystère divin sans cesse renouvelés ». Une maman si attentionnée, si patiente, qu'il écrira devant le vide qu'elle a laissé :



« Je me suis noyé dans son sourire et depuis j'erre un peu à la dérive ».



Son papa était du genre taiseux, doux et tendre, courtois, attentif aux autres. Seul militaire de la famille, il s'était distingué en sa qualité de pilote lors de la seconde guerre mondiale. Mais là encore, point de forfanterie, ce n'est qu'à son décès que l'auteur prendra connaissance de ses faits glorieux.



Ses parents ne prononçaient pas le mot « château » alors qu'ils habitaient un château. Ils disaient « maison ». Une maison du bonheur entourée de chiens, d'une basse cour, près d'une rivière, une maison de contes de fée où l'imaginaire d'un enfant ne peut qu'être comblée entre les cabanes à construire, les oiseaux, les rêves de Robinson Crusoé !



Ce livre est comme un « arrêt sur image », une pause « berlingot » mais aussi un miroir dans lequel les natifs des années 1950/1960 retrouveront les saveurs plus ou moins délicieuses de cette période où les jeux en extérieur mimaient les exploits de Thierry La Fronde ou de Zorro, où la TSF égrenait ses informations, où l'on achetait des cartes Michelin avec des anciens francs, où les enfants expérimentaient les joies simples qu'offre la nature en jouant à « Rintintin »..



J'ai découvert l'écriture d'Emmanuel de Waresquiel, tendre, poétique, élégante, à l'occasion de cette dernière masse critique privilégiée pour laquelle, je remercie les Editions Tallandier et Babelio : Je les remercie d'autant plus qu'en sa qualité d'historien, je vais m'intéresser à ses écrits.
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Voyage autour de mon enfance

Historien et biographe, Emmanuel de Waresquiel laisse de côté les figures historiques pour se retourner sur son enfance dans le Maine durant les années 60. Il nous confie en préambule « On ne s’intéresse pas impunément à la vie des autres sans se pencher sur la sienne »

C’est un récit empli de tendresse et de pudeur où l’écrivain convoque les auteurs qui ont jalonné sa jeunesse : Proust, Victor Hugo, Saint-Exupéry ou encore ces poètes anglais qu’affectionnait sa mère qui a gardé de l’Angleterre « le souvenir et les usages de ses nannies » sa mère qui lui donnera le goût de l’histoire en lui contant les épopées de ses aïeuls et leurs mystères « ces histoires-là, qu’on aurait crues écrites par Edgar Poe ». Cette mère, aimante, pudique et romanesque lorsqu’elle racontait l’histoire de la famille, l’auteur en parle avec tendresse dans les premiers chapitres. Le père, ancien militaire, dirigeait sa ferme et ses vergers avec « le sens du commandement » « Il en imposait naturellement ».

Dans cette vaste demeure de Poligny « entre pâtures et forêts », château digne du chat botté, la vie est provinciale. Loin de l’agitation, on y respire un air suranné, on sonne la cloche pour signaler le déjeuner et on va à la messe le dimanche en famille.

Derrière les souvenirs d’enfance se profile le biographe qui va tour à tour évoquer tous les membres de cette famille aux aïeuls aristocrates et, parfois, illustres. Aux côtés des héros de guerre, on croise quelques originaux comme cet « oncle qui portait un nom de roman russe » et qui sculptait des oiseaux.

Emmanuel de Waresquiel excelle dans l’art subtil de ces portraits peints à petites touches expressionnistes. Il sait aussi faire revivre des sensations, des paysages de cette enfance qui échappe au temps.

Et de nous confier, dans les dernières pages :

« Je me demande au fond quelle nécessité j’ai pu éprouver à cette danse des souvenirs, quel plaisir j’ai pris à cette immersion lente dans le passé, comme en apnée…

…De l’étrangeté sans doute, comme si l’étais devenu mon propre double, comme si mon autre avait vécu dans un monde mystérieusement aboli par une conjuration du temps. »



Belle lecture d’un récit où l’évocation des souvenirs d’enfance est rafraichissante et joyeuse, où la tendresse sourd à chaque page sous l’écriture élégante et poétique d’Emmanuel de Waresquiel.

Je remercie les éditions Tallandier et Babelio pour cette belle découverte

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Voyage autour de mon enfance

Au delà de l'historien exceptionnel qu'est Emmanuel de Waresquiel, de son immense talent d'écriture, de la qualité des biographies qui l'ont fait connaître, ce nouveau livre intitulé "Voyage autour de mon enfance" m'a permis d'appréhender cet homme sous le prisme de l'enfance, de son enfance. Emmanuel de Waresquiel se confie avec pudeur sur son enfance quelque peu originale pour nous mais qui était la norme chez cette noblesse ancienne qui ne roulait pas sur l'or mais vivait dans ce que l'on appelait un château. N'imaginons pas là quelque chose de gigantesque mais bien plutôt les oripeaux, la trace du temps qui passe mais qui dans ce milieu des années 1960, semblait se figer. Cette période des années 60 où l'on commence à percevoir les bouleversements qui conduiront aux bouleversements politiques de la fin de cette période. Né en 1957, Emmanuel de Waresquiel nous touche car il nous décrit un lieu comme hors du temps et où l'agitation du monde semble ne pas affecter ces lieux de tendresse, celle d'une mère aux accents anglais, que l'on vouvoyait mais qui a apporté à l'auteur enfant, tout son amour et sa confiance en l'avenir de son fils. Son père tout droit sorti de l'école Saint Cyr, est un pur produit de cette génération qui a connu la guerre de 39-45. Ce père taiseux, aimant, touchant. Emmanuel de Waresquiel dompte la litanie des échos lointains de l'enfance et nous prend totalement au jeu de son récit raconté sans nostalgie d'un temps aujourd'hui perdu. C'est un livre écrit d'une traite, citant les auteurs marquant mais aussi les odeurs, les sensations, les émotions de l'enfance. Ce sentiment que rien ne doit bouger et que l'on resterait bien éternellement loin de l'école lui préférant une autre, l'école buissonnière. Emmanuel de Waresquiel est rêveur, plutôt indolent, assez seul puisque ne rencontrant peu d'enfant de son âge. le portrait des lignées paternelles et maternelles est impressionnant mais là encore l'auteur nous raconte sur un ton badin, avec simplicité, sans effet d'accentuation du prestige de ses ancêtres. Ecrivain admirable, on sent sous le vernis de cette enfance choyée, les obsessions et l'attachement profond au récit d'histoire, à la magie de la reconstitution des temps par petite touche de ci de là, tel un artiste peintre créant sur sa toile. Ce récit est aussi celui d'un voyage où l'auteur nous guide en ami, nous questionne car la période de l'enfance est consubstantielle de l'adulte que nous devenons. Une nouvelle fois Emmanuel de Waresquiel m'a emporté et réjoui.

Je remercie Babelio et les éditions Tallandier pour cette lecture précieuse
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Ils ont fait l'Histoire, tome 37 : Talleyrand

BD HISTOIRE / XVIIIème & 19ème siècle.

Cet album consacré à Talleyrand ne m’a pas enthousiasmé de prime abord, mais il faut dire que le personnage m’était et m’est toujours plutôt antipathique. Marie Bardiaux-Vaïente a fait le choix de centre le récit sur le Congrès de Vienne, grande fête du retour à l’Ancien Régime qui s’étend de 1814 à 1815, où Talleyrand a joué l’Angleterre et l’Autriche contre la Prusse et la Russie, et les petits pays contre les grandes puissances pour qu’on foute la paix à la France. Il est parfaitement complété par le dossier d’Emmanuel de Waresquiel qui brosse la personnalité et le parcours d’un homme de paradoxes et de convictions à la fois, qui fait figure de « kingmaker » de la période révolutionnaire.
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Voyage autour de mon enfance

Un grand Merci à Babelio , et aux éditions Tallandier pour la réception et l'offre de ce joli texte personnel sur l'enfance de l'historien Emmanuel de Waresquiel



"Avant-propos

On est forcément un peu le Pygmalion de l'enfant qu'on a été. Chose extraordinaire et rare aujourd'hui,je l'ai écrit (**ce texte) dans la maison où j'ai grandi telle "une huitre tranquille bien accrochée à sa nacre natale" aurait souri Nabokov (...)(sur le théâtre de ma mémoire) j'y ai comme prolongé enfin mes plaisirs de lecture,mon goût pour les journaux, les correspondances,mon amour des écrivains qui se regardent dans le miroir et nous disent de nous-même ce que nous n'osons pas nous dire."(p.13)



J'ai eu l'occasion à deux reprises d'apprécier la plume de cet écrivain-historien, avec un premier ouvrage déniché et emprunté à ma médiathèque: “Entre deux rives” (L'Iconoclaste, 2012) , les derniers instants de dix écrivains dont Emmanuel de Waresquiel se sentait particulièrement proche !

Et ma seconde rencontre avec ce dernier est “J'ai tant vu le soleil”, où il exprime sa curiosité et sa passion de longue date pour un de ses écrivains de prédilection: Stendhal; une très heureuse symbiose de la Littérature et de l'Histoire…comme il sait l'exprimer dans ce texte, même si différemment. La grande Histoire n'est jamais loin , avec Emmanuel de W. !!



Dans ce dernier livre,à “l'automne de sa vie” , selon ses termes, l'auteur-narrateur rend un très tendre hommage à ses parents...sa mère, plus exclusivement, ainsi que dans un même temps, qu'il nous fait déambuler parmi sa nombreuse et illustre parentèle...Et elle n'est pas des moindres !!.



Entre les Choiseul, Madame de Staël, et tant d'autres !...



Ce récit bienveillant et joyeux nous offre les prémices de la naissance de la vocation d'historien d'Emmanuel de W. : les lieux significatifs, les récits d'une des grand-mères, les évocations très subjectives de la Maman vénérée...sans omettre la personnalité forte et chaleureuse du père, à l'existence fort remplie par la Grande Histoire, etc.



“J'avais les pieds dans le XIXe siècle et je ne le savais pas.Mon père est né en 1913,ma mère en 1914-un 1er septembre,le jour de la bataille de la Marne,me racontait-elle fièrement. Une éternité me séparait d'eux et je ne le voyais pas.Tout conjurait à l'immobilité : l'isolement, l'absence d'enfants de mon âge, la vieillesse des choses et la régularité du temps. Plus tard,je me suis aperçu de ces décalages au point d'en être fasciné et de les rechercher partout dans mon travail d'historien. Julien Gracq dit très bien cela dans l'un de ses livres: " A dix ans,à vingt ans,il me semblait que la vie passait très au large et comme insaisissable. " On ne devient pas historien sans avoir une sensibilité particulière au temps.(p.48)



Dans mes prochaines curiosités vis à vis des autres ouvrages d'Emmanuel de Waresquiel, sa biographie sur l'artiste, Félicie Fauveau, m'attire au plus haut point !



Voir aussi :



https://www.babelio.com/livres/Waresquiel-Entre-deux-rives/426564/critiques/518590
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Entre deux rives

Une lecture de pur hasard... au gré de mes visites et flâneries à ma médiathèque...Découverte qui m'a bouleversée de par son sujet, mais aussi pour les portraits très émouvants d'écrivains, qui continuent à nous questionner et ceci pour le reste des siècles..…puisque que ces récits de vies d'écriture ont en leur noyau les interrogations essentielles sur notre « humaine condition »..

Un auteur, historien, et biographe connu… dont je lis le premier texte avec cet ouvrage. Emmanuel de Waresquiel décide de parler de lui à travers la vie de dix écrivains qui ont marqué son chemin de lecteur et d'écrivain. Il choisit de narrer des destins d'écriture, dans leurs dernières années, à l'approche de leur fin, de vieillesse, ou écourtée pour diverses raisons : suicide, mal-être, périodes historiques troubles et violentes…



Dans son avant-propos, Emmanuel de Waresquiel présente très explicitement l'objet de ce texte : « la mort est toujours là. On apprend à vivre en cherchant obscurément les moyens d'exister avec elle, qu'on la provoque ou qu'on la flatte, qu'on l'accepte ou qu'on l'ignore. Voilà comment mon livre est né, à travers une série de portraits d'écrivains confrontés à la mort et à leur mort . J'en ai choisi une dizaine parmi ceux que je lis depuis longtemps. (…) On est anthropophage. On se nourrit un peu de la mort des écrivains qu'on aime. » (p.11-12)



Dix portraits captivants, entre le misanthrope, Paul Léautaud, le taciturne, Julien Gracq, Stefan Zweig, l'écrivain célèbre, adulé, mis au ban de la société de par sa judaïcité, et désespéré de cette humanité devenue barbarie… Robert Brasillach, les « Suicidés de la société » Jacques Rigaut et Jacques Vaché, Gérard de Nerval, Benjamin Constant et le Prince de Ligne… Tous ces portraits sont finement écrits, ciselés…mais mes préférences vont à Paul Léautaud, et Stefan Zweig…des auteurs qui m'accompagnent depuis longtemps…



Il est question du rapport à l'écriture, de la perception de soi, des autres, d'un mal de vivre profond pour la plupart d'entre eux…si tenace que leur passion pour l'écriture ne suffit plus à combler quoi que ce soit…à un moment donné…Ce livre est troublant, dérangeant car il est une réflexion sur la mort, mais aussi sur l'amour de la vie, même si les destins d'écrivains présentés dans ce volume étaient abîmés par des profondes blessures, et manques initiaux de base… et je pense surtout à Paul Léautaud…grandi dans la solitude, avec une mère inconséquente, indifférente…



L'écriture pour oublier, donner un sens, donner le change, échapper un temps au non-sens de son existence, trouver « une place »… sur cette terre…

« J'écris pour vomir ». Les écrivains sont des menteurs, des affabulateurs qui commettent des livres pour mieux se protéger. (p.132)



J'ai beaucoup apprécié le style d'Emmanuel de Waresquiel : poétique, précis, élégant…j'ai souligné trop de passages pour les nommer ici… cela deviendrait fastidieux à la lecture… Je me permets toutefois de citer un long paragraphe de l'avant-propos, qui donne à la fois et le ton, et le style, et le propos central auquel tenait son auteur :



« je parle un peu de tout dans ce livre, du ciel et des enfers, de ceux qui ont fait des choix et de ceux qui n'en ont pas fait, de ceux qui sont restés seuls debout devant leur fenêtre et de ceux qui ont dansé sur leur tombe aussi. On y trouvera des prisons, des voyages et des exils, des enfances qui se prolongent, des vieillesses qui viennent trop vite, des passions et du vide, le tremblement des rêves et de la folie. Les hommes qui y passent sont nus, et leurs plaies sont à vif. Je les fais entrer dans mon livre au moment où leur vie bascule, quand elle ne sera plus jamais comme avant. C'est Benjamin Constant en 1814 dans la spirale de sa passion pour Juliette Récamier, c'est Gérard de Nerval au bord de sa folie à la clinique du docteur Blanche en 1841, Jacques Vaché dans les tranchées de la somme, son monocle à l'oeil gauche, c'est Brasillach qui marche vers sa prison, c'est Zweig sur son dernier bateau en partance pour le Brésil. Certains ont dit oui, d'autres non, mais tous se sont retrouvés à un moment de leur vie devant la mort, bien avant que celle-ci ne les emmène. (…) A tous j'ai posé cette même question. Dis-moi comment tu es mort. Tu me diras qui tu es, moi qui sais à peine qui je suis »… (p.16-17)

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J'ai tant vu le soleil

Dans « J'ai tant vu le soleil« , Emmanuel de Waresquiel, immense historien s'il en est, spécialiste de la Restauration et de l'Empire, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, nous parle de Henri Beyle que nous connaissons tous sous son pseudonyme d'écrivain : Stendhal. Ce n'est pas une biographie mais plutôt une esquisse, une ébauche de la vie de l'écrivain, le tout avec le style sublime qui caractérise l'écriture de Waresquiel. Henri Beyle est né à Grenoble en 1783. Il fût très proche de sa mère, modèle d'affection et d'amour, jusqu'à ce que celle-ci ne meurt alors qu'il n'avait que sept ans. La Révolution arrive et le rejet du père se fait viscéral. Un père qui soutient le roi Louis XVI et qui hébergea de nombreux prêtres. Beyle, à l'inverse, se réjouit de la décapitation du roi, soutien la République. Son grand père maternel, épris des Lumières, fût un modèle pour le jeune Beyle. Puis survient l'Empire de Napoléon. Aidé de ses cousins Daru, il entre au ministère de la Guerre et rejoint l'Italie. A Milan, il tombe éperdument et silencieusement amoureux d'une femme magnifique, Angela Pietragrua, maîtresse du commissaire des guerres pour lequel il travaille. Pendant dix ans, il ne pourra l'oublier, lui qui était amoureux de l'amour, un jeune homme éternellement épris. Ils deviendront amants en septembre 1811. Il connut l'expérience douloureuse de la campagne de Russie de Napoléon dont Emmanuel de Waresquiel nous dit qu'elle fût traumatique pour cette génération au même titre que ceux qui connurent au siècle suivant la Grande Guerre. L'Empereur abdique en avril 1814. Henri Beyle rejoint l'Italie qu'il aime tant. Il y rencontre, en mars 1818, Métilde ou Matilde Viscontini Dembowski, son grand amour malheureux. En 1821, des troubles éclatent et il est expulsé d'Italie. Il rejoint Paris. L'historien nous dépeint alors avec délice son essor littéraire. En 1830, il publie « le Rouge et le Noir » son chef d'oeuvre. Il quitte la France après la Révolution de Juillet et rejoint en 1831, Civitavecchia, seul port des États Pontificaux, où Stendhal se plongea à corps perdu dans l'écriture à défaut d'aimer cette bourgade. N'oublions pas, Giulia Rinieri rencontré en 1830 et qu'il aima jusqu'en 1833, date où elle fût obligée de se marier avec un autre faute de pouvoir se marier avec Beyle. de 1836 à 1839, il obtient un congé de trois ans et retrouve la France. En 1839, paraît « La Chartreuse de Parme ». Emmanuel de Waresquiel nous emporte avec ce court récit abordant la vie de Henri Beyle. On y parle des grands amours De Stendhal, de sa passion pour l'Italie, de son oeuvre, le tout entrecroisé d'anecdotes de l'auteur sur ce qui le fait aimer Stendhal. C'est enlevé, savoureux, réjouissant, le trait est vif, vous l'aurez compris j'ai adoré cet essai d'Emmanuel de Waresquiel sur Henri Beyle ou Stendhal. Ce dernier meurt en mars 1842 à Paris, d'un attaque d'apoplexie. Il est est inhumé au cimetière de Montmartre et l'épitaphe porte les mots suivants : « Arrigo Beyle Milanese Scrisse Amò Visse » « Henri Beyle. Milanais. Il écrivit, Il aima, Il vécut ».
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J'ai tant vu le soleil

Je débute par deux extraits parmi tant d’autres où Emmanuel de Waresquiel exprime son affection et attachement particulier à Stendhal…



« Beyle s'est longtemps débattu entre le besoin d'écrire et l'ambition , puis l'écriture est devenue son ambition. Elle est aussi chez lui une forme de revanche ou si l'on préfère de réassurance sur la vie, comme si elle le délivrait de l'hypocrisie et de la bassesse des hommes. (...) C'est cette invention-là, cette clôture du monde par l'écriture qui la lui rend indispensable et que j'aime par-dessus tout. »(p. 99) ------



« J’'aime l'écrivain (Stendhal ) et donc, j'aime l'homme. Ses émotions, la clinique des sentiments, l'échappée belle des illusions, ses hésitations, la distance de l'ironie, ses doutes, ses insuffisances, la façon dont il s'est coltiné avec le monde tout en essayant d'y goûter sans y croire vraiment. Ce n'est pas le talent qui a fait sa vie. C'est sa vie qui a fait son talent. (p. 19)”



Un livre épatant pour qui veut aborder l’œuvre de Stendhal… ou mieux le connaître, un ouvrage sans prétention, écrit un été entre deux livres plus « costauds » de notre écrivain-historien. Opus qui exprime toutefois avec grand talent et finesse les contradictions et le caractère complexe de Stendhal…entre ambition, hautes responsabilités politiques ou militaires…les guerres, la campagne de Russie, des missions consulaires en Italie et enfin du temps plus exclusif pour l’Ecriture,des exils, l’éloignement des vanités et comédies mondaines, sociales de ses contemporains… !



« Il [stendhal ] m'en apprend évidemment beaucoup sur les époques qu'il a connues et auxquelles je m'intéresse, la Révolution, Napoléon, les monarchies "à deux chambres", comme il le disait lui-même. Sur la société, ses codes, les hommes, l'ambition, la vanité, la réussite, sur l'argent qui vous change.

il m'en dit plus encore parce qu'il est un formidable spécimen de notre humanité, de ceux qui se sont regardés dans la glace et y vont tant de reflets qu'ils se sont tour à tour aimés et détestés, de ceux qui ont osé dire des choses qu'on ose à peine s'avouer. (p. 20)



Un ouvrage qui était dans ma liste d’attente de curiosités et d’envies… j’ai eu la joie de le trouver à ma médiathèque. Je l’ai aussitôt emprunté. Me voilà immergée pour quelques heures dans la vie et l’œuvre de Stendhal !



Un livre léger , au style magnifique; non pas superficiel ou futile, bien au contraire, Emmanuel de Waresquiel nous offre un texte spontané, vivant, actuel, d’un Stendhal, loin des lectures poussiéreuses scolaires…où j’étais restée !!

J’ai appris moult choses dont l’hostilité incroyable que Mérimée éprouvait envers lui ; au demeurant, Stendhal n’était pas plus tendre envers ses pairs…

Un peu de honte à avouer que je n’ai lu que (et pourtant avec enthousiasme) « Le Rouge et le Noir »… ayant en attente, depuis la nuit des temps…dans ma bibliothèque »La vie de Henri Brulard »…



Après cette lecture très tonique, nous rappelant et nous apprenant les jalons essentiels de la vie tumultueuse de Henri Beyle, homme du secret, et misanthrope avéré !... Marqué à vie par la mort prématurée de sa mère adorée, il détestait son père, homme dur, et « dominé » par les prêtres…

J’ai grande envie de découvrir « La vie de Henri Brulard » et « Souvenirs d’égotisme »…écrits plus personnels…





Deuxième livre lu de cet écrivain-historien, après un texte que j’avais adoré, « Entre deux rives ; dix écrivains devant la mort » [dont je vous joins mon billet rédigé en 2014 !!] que je lis avec grand intérêt et plaisir, appréciant à la fois le contenu et le style de l’auteur, limpide, poétique…en un mot,captivant..!

A ne pas manquer !... Pour ma part, cet ouvrage a réveillé ma curiosité de relire et lire avec une meilleure compréhension l’œuvre Stendhalienne !



« Avec lui, la vie est ailleurs." Je préfère le plaisir d'écrire des folies à celui de porter un habit brodé à 800 francs". Les héros stendhaliens ont en commun d'avoir tous rêvé le monde plutôt que de l'avoir vécu. C'est en cela qu'ils sont un peu révolutionnaires.” (p. 17)



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Première lecture m’ayant fait découvrir avec enthousiasme cet écrivain-historien :

https://www.babelio.com/livres/Waresquiel-Entre-deux-rives/426564/critiques/518590

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Fouché : Les silences de la pieuvre

Nous sommes le 15 janvier 1793 à la Convention Nationale. Impassible, comme il le sera toujours dans les occasions suprêmes, il fait face à la foule bruyante des députés. Il n'a que trente-quatre ans, mais il a déjà cette face maigre et blême, ces petits yeux gris au regard fixe, cette bouche sans lèvres plissée dans une éternelle moue de mépris, cette prestance de fauve en chasse qui impressionneront bien des hommes par la suite. Placide, il laisse tomber un mot : « La mort ». Ce mot « tranchant » le poursuivra toute sa vie, lui collera à la peau comme une lèpre, malgré tous les efforts qu'il fera pour s'en purifier et finira par causer sa perte, bien des décennies plus tard. C'est qu'on n'efface pas de ses mains le sang d'un roi comme on le ferait de celui d'un quelconque hobereau. Le sang des rois est une malédiction et Joseph Fouché, aussi incrédule soit-il, passera le reste de son existence à le vérifier.



Pour beaucoup d'historiens, c'est là la première grande trahison de Fouché – et pas la dernière. Il quitte alors les rangs des modérés pour rejoindre ceux de la Montagne et de Robespierre. Moins de deux ans plus tard, il assistera dans un silence glacé à la chute de « L'incorruptible », chute qu'il aura patiemment organisée en ralliant à lui les mécontents et les effrayés. Il abandonnera plus tard le Directoire pour se précipiter dans les bras de Napoléon Bonaparte qu'il jettera sans état d'âme aux lions à son tour quand l'heure sera venue de changer de camp à nouveau.



Quel palmarès ! De là à considérer le terrible conventionnel, futur ministre de la police, comme une incorrigible girouette, il n'y a qu'un pas à franchir et nombreux sont ceux qui l'ont fait. Pas si bête, le Waresquiel… Au lieu de faire de Fouché le type même du traitre comme l'a fait Stefan Zweig, il s'est posé la question que devrait se poser tout bon historien : qu'est-ce qui motive un individu comme Fouché ? Qu'est ce qui le pousse en avant ? L'appétit du pouvoir, bien sûr, mais pas seulement. Car Fouché, avec son scepticisme, son mordant et sa férocité, est un homme qui croit en quelque chose. Aussi étonnant que cela puisse sembler, Fouché croit en la République – pas la République idéale de Robespierre mais une République du mérite qui a permis à un homme comme lui, Joseph Fouché fils d'un capitaine négrier, de devenir un des hommes les plus puissants de France et les plus redoutés d'Europe. Il y croit tellement qu'il en défendra les acquis contre vents et marées, sous l'Empire comme sous les Bourbons, quitte à utiliser pour cela les méthodes les plus immorales au nom du pragmatisme politique.



C'est la thèse que sous-entend à mon sens toute cette passionnante biographie d'Emmanuel de Waresquiel : Fouché, homme de l'ordre, homme de pouvoir, mais, avant tout, héritier de la République. Il partage bon gré, mal gré, ce point commun avec celui qui restera son maître aux yeux de l'Histoire, Napoléon Bonaparte. Tous deux sont des enfants de la Révolution dont les ambitions dévorantes seraient restées lettres mortes sans elle ; mais, alors que le maître, charmé par les sirènes de Talleyrand, n'aura de cesse de haler son régime vers une monarchie de faits, le serviteur ne manquera jamais une occasion de le tirer, parfois rudement, en arrière. Parlons-en, tiens, de Talleyrand ! Waresquiel ne cache pas sa sympathie envers « le diable boiteux » (dont il avait déjà fait une excellente biographie) par rapport au ministre régicide. Je considère, quant à moi, que les deux lascars se valent bien et, si Fouché a davantage de sang sur les mains, j'aurais presque plus d'inclination envers sa franche crapulerie qu'envers la séduction sirupeuse du prince du vice.



D'autant que, s'il n'est guère sympathique, le Fouché que nous présente Waresquiel n'est pas non plus monstrueux. Ce tigre aime sa femme et adore éperdument ses enfants. Il sait faire preuve de loyauté en amitié, même s'il ne montre aucune pitié quand les amis d'hier deviennent les ennemis d‘aujourd'hui. Quand faire le bien ne lui coûte rien ou si peu, il ne s'en abstient pas. Pas de quoi redorer le blason du « mitrailleur de Lyon », mais assez pour éveiller chez moi une étincelle de pitié quand vient le moment d'abandonner le vieux fauve, exilé, privé de tout pouvoir et rongé par l'ennui de son inertie – la pire punition que pouvait lui infliger l'Histoire. Grand criminel, grand policier, grand ministre, grand espion, il fallait à Joseph Fouché un grand biographe pour éclairer d'une lumière impartiale les lignes tourmentées de sa vie. Waresquiel a répondu présent. Il a bien fait.

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Voyage autour de mon enfance

J’ai gagné ce livrer lors d’une MC privilégiée, je ne connaissais pas du tout l’auteur, un historien connu pourtant pour ses biographies et autres livres consacrés à la Restauration principalement. J’ai donc lu ce récit sans aucun à-priori, ni positif, ni négatif, à part le grand plaisir ressenti à l’idée de découvrir un nouvel univers.



L’auteur partage des souvenirs d’enfance d’une manière assez décousue, car il ne veut écrire ni mémoires, ni récit chronologique. Il parle beaucoup de sa mère à qui il voue un grand amour réciproque. Son père est un héros de guerre, qui a aidé des personnages très importants de la Résistance. Depuis cette période, il a gardé une posture militaire, une autorité et son titre. L’auteur ne précise pas s’il s’agit de son grade militaire ou de son titre de noblesse, car ils sont les descendants de plusieurs familles illustres dont les Choiseul. Le père est un gentleman farmer, il a une grande exploitation agricole. La famille vit dans un château en Vendée, terre de chouannerie comme il aime à le rappeler. Ils sont entourés de nombreux serviteurs, de leurs chiens, mais surtout ils semblent tout droit sortis d’une autre époque.



L’auteur est né en 1957, il n’a que six ans de plus que moi, mais en le lisant, j’avais l’impression que qu’il vivait vraiment encore dans le monde de Millet. Evidemment, nos milieux sociaux n’ont rien à voir, mais quand même, il semble vivre sur une autre planète que le reste de notre génération. Il raconte assez peu d’anecdotes. il n’aime pas l’école et a même une fois fait l’école buissonnière, il parle de ses vacances en Provence, tout près de Saint Tropez. Bien sûr sa famille ne fréquente pas la jet set, ils préfèrent les promenades dans la nature, en particulier avec son oncle, un vieux peintre né en 1900 dans l’aristocratie terrienne russe et qui a perdu plus que son domaine lors de la Révolution.



Sa grand-mère est aussi un personnage important de sa galaxie, elle le rattache surtout à ses ancêtres dont elle lui raconter les exploits, certains ont beaucoup compté lors de l’Ancien Régime. Il pense que c’est elle qui lui a donné sa vocation d’historien. La culture anglaise est la grande passion de sa mère, qui lui fait découvrir cette littérature.



Je n’ai pas réussi à vraiment entrer dans ce livre, il m’est resté parfaitement indifférent, il ne m’a ni plu, ni déplu. Je l’ai lu avec plus de curiosité que de plaisir, mais sans ennui. Toutefois je n’ai pas du tout eu l’impression d’avoir affaire à quelqu’un de ma génération, un grand sentiment d’étrangeté, comme si je visitais un monde disparu. Son écriture est agréable et fluide.



Merci à babelio et aux Editions Tallandier pour ce livre, vite lu et malheureusement oublié tout aussi vite.
Lien : https://patpolar48361071.wor..
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Fouché : Les silences de la pieuvre

J'ai trouvé cette biographie tout à fait exceptionnelle sur tous les plans. Tout d'abord, et ce n'est pas la moindre des choses, le personnage Fouché est en lui même captivant, passionnant, sidérant...Les mots manquent pour le qualifier. Mais cette biographie témoigne par ailleurs d'une maitrise incroyable du sujet ( la bibliographie est proprement démentielle ) et l'auteur arrive à dénouer tous les fils (dans la mesure du possible ) d'un personnage mystérieux, habitué au secrets, aux complots, parfois très tortueux ( ainsi les complots royalistes sous le consulta ou l'Empire)...

La quatrième de couverture nous rappelle que François Busnel classe Emmanuel de Waresquiel dans la famille peu nombreuse des vrais écrivains ( je paraphrase ) c'est sans doute excessivement laudateur dans le sens où si l'on prenait cela véritablement au pied la lettre ce club des vrais écrivains comprendrait des centaines de noms...

Toutefois il est évident que l'écriture du livre est d'une intelligence, d'une finesse remarquable, très au-dessus par exemple de Pierre Milza, auteur pourtant de biographies exceptionnelles (Mussolini, Garibaldi, verdi, Voltaire...). L'auteur a le sens des métaphores, n'hésite pas à convoquer de grands auteurs (Stendhal, Blazac, Hugo...jusqu'à Mac Orlan). Il parle parfois à la première personne ce qui n'est pas la règle du genre dans le domaine de la biographie historique produite par de grands universitaires. Mais c'est que l'on perçoit à quel point il s'agit d'une véritable enquête historique de longue haleine. Et il y a un sens de la psychologie, nécessaire ici, qui est celui d'un véritable romancier.

Un livre vraiment exceptionnel qui scotchera tous ceux qui s'intéressent à cette période, sur plus de ....800 pages ! . Vous n'ignorerez plus rien du Fouché défenseur de la pire Terreur, mais aussi du ministre intelligent de Napoléon et du vieil exilé qu'il fut à la fin de sa vie. J'ai encore préféré ce livre-ci à son Talleyrand que j'avais pourtant déjà adoré.
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Voyage autour de mon enfance

Pour moi Waresquiel c’est l’historien, celui de la Révolution, des Cent jours, de la Restauration, le biographe de Talleyrand, de Fouché… C’est la plume d’un historien que j’apprécie car il écrit bien Waresquiel.. Très bien même.

Quand une Masse critique privilège m’a proposé son dernier texte c’est avec joie que j’ai accepté d’en être, et c’est avec joie que j’ai appris que j’avais été retenue… J'en profite pour remercier les Editions Tallandier de cet envoi.

Et bien je suis un peu déçue, pas complétement mais un peu… Le titre est finalement très signifiant, c’est un voyage dans ses souvenirs que nous propose l’auteur, dans les souvenirs vagues de la petite enfance, d’une enfance à la campagne dans un château immense, mal chauffé, qui manque de toutes les commodités, dont le papier peint date aujourd’hui encore de 1870 et dans lequel il se retrouve assis au bureau de son père à rêvasser à cette enfance, à des bribes qui lui reviennent parfois à l’aide de photographies. Ce sont juste des détails, de petites choses insignifiantes qu’il recherche avec un rien de mélancolie.

Il m’a semblé que plus que son enfance c’était ses parents qu’Emmanuel de Waresquiel cherchait à retrouver en écrivant ce texte. Son père, héros de guerre dont il découvrira seul les exploits car il n’en parlait jamais. Sa mère surtout, femme à la fois active, sportive et courtoise au point de vouvoyer ses chiens… Il y a quelque chose d’une ambiance fin de siècle dans cette enfance (entendez XIXème siècle) avec la nostalgie qui va avec, les ancêtres plus ou moins glorieux, il y a quelque chose d’une éducation de gentleman farmer vivant à l’heure anglaise…

J’ai retrouvé avec plaisir sa plume de l'auteur et surtout son sens de la formule « Les confessions sans rémission ont un goût de cendres et de fumier. Près tout on n’autopsie que les cadavres » ou bien dans le dernier chapitre quand il s’interroge sur sa démarche « Ce dernier chapitre ne saurait tenir lieu de conclusion mais je me demande au fond quelle nécessité j’ai pu éprouver à cette danse des souvenirs, quel plaisir j’ai pris à cette immersion lente dans le passé, comme ne apnée. Parle ! ma mémoire. La pluie tombe rarement d’un ciel sans nuages ».

Une lecture douce certes mais c’est bien le Waresquiel historien que je préfère.

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Sept jours : 17-23 juin 1789, la France ent..

Décidément, j’ai de la chance en ce moment avec les livres d’Histoire. Enfin, avec Emmanuel de Waresquiel, je prenais peu de risques.

Comme l’indique sa conclusion : « Toute le Révolution est contenue dans cette semaine-là ».

Il avoue avoir tâtonné quant à la période à retenir.

Dans un 1er temps, c’est la journée du 20 juin qu’il retient, le fameux « Serment du jeu de Paume » lors duquel les députés du Tiers Etat jurent de ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France. Mais très vite il s’aperçoit que cela ne peut avoir de sens si un 1er serment n’avait été prêté le 17 donnant naissance à l’Assemblée Nationale par ce même Tiers Etat. Enfin, il s’arrête au 23 juin, après la séance royale. Louis XVI accorde tout et bien plus que ce que les députés espéraient mais ils refusent de quitter la salle des Menus Plaisirs à la demande de Dreux-Brézé son maître de cérémonie. Ça y est : le passage de la souveraineté du Roi à l’Assemblée est achevée.

Après quelques retours en arrière bien nécessaires notamment pour rappeler le contexte de la réunion des Etats Généraux, quelques prolongements dans le futur afin d’évoquer les destins souvent tragiques des protagonistes, il pose les enjeux pour des acteurs très nombreux, qui jouent quasi en solo la même partition : le Roi bien sûr, ses frères Provence et Artois, le cousin Orléans, Necker, Sieyès, Mirabeau pour ne citer qu’eux.

S’il s’attarde aussi sur la mise en scène des lieux, « la salle des menus plaisirs, « la salle du jeu de Paume », les tenues vestimentaires de chaque ordre, c’est pour mieux nous éclairer sur les certitudes, la morgue des uns, les susceptibilités et les ambitions des autres.

S’il cite autant les Mémoires, les Journaux intimes, les lettres, c’est non seulement pour trouver des sources inédites mais aussi pour dépoussiérer ce que la mythologie nationale a fait de ces évènements. Il nous restitue ainsi les réactions, le ressenti des acteurs, des spectateurs sur l’instant. On perçoit dès lors nettement l’absence de conscience politique de ceux qui sont censés conseiller Louis XVI, le désarroi du Roi qui craint plus que tout la banqueroute qui menace sa gouvernance, désarroi aggravé par la mort du Dauphin le 4 juin, les désordres des débats qui conduisent les plus modérés à s’engager dans des voies extrêmes, la peur qui les saisit à froid… et le peuple… le peuple submergé d’informations alarmistes, complotistes, qui rêve et s’enflamme.

C’est un récit passionnant, fort bien construit.

Waresquiel n’est pas qu’un grand spécialiste de cette période, il a aussi une excellente plume ( j’ai pu le lui dire de vive voix lors d’une rencontre). Ainsi, s’il se plait à rapporter les propos des uns, des autres, il a lui-même le sens de la formule.



« Il n’en reste pas moins qu’à la veille de la convocation des états généraux la charge de la dette était à l’Etat ce que son talon était à Achille, un risque mortel ».
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Talleyrand : Dernières nouvelles du Diable

Dans ce livre, qui fait suite à sa biographie passionnante de Talleyrand ("Talleyrand, le prince immobile") Waresquiel poursuit sa réflexion sur le grand diplomate en en faisant un portrait "par petites touches" selon les différentes étapes de sa vie. Avec beaucoup d'intelligence et de brio dans la démonstration, profitant du recul de l'histoire délivrée d'une vision romantique du personnage (où la sentimentalité l'emporte sur la raison) due en grande partie à Chateaubriand (qui devenait sourd quand il n'entendait plus parler de lui, comme disait d'ailleurs Talleyrand), Waresqueil nous livre une analyse juste du rôle et des idées de ce dernier, tout en dédramatisant ses rapports avec Napoléon et en le resituant dans le contexte des lumières. Pour Talleyrand, la raison doit toujours l'emporter sur les sentiments et liberté et justice (la fameuse "légitimité") primer sur la force et sur la tyrannie. A travers des éclairages nouveaux ou approfondis, des anecdotes inconnues ou expliquées en fonction du contexte, ce livre, facile et agréable à lire nous propose une vision passionnante d'un personnage à multiples facettes et qui aurait pu être un grand homme d'affaires s'il n'avait été d'abord et avant tout un homme d'Etat (mot qu'il préférait à celui de Nation) et le prince des diplomates, et dont les défauts, largement contrebalancés par d' immenses capacités, étaient à la mesure du personnage. Oui, un livre captivant pour qui s’intéresse à Talleyrand, témoin idéal d'une société qui passe des mains de l'aristocratie à celles de la bourgeoisie d'affaires, et où l'Europe se cherche déjà.
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Voyage autour de mon enfance

Je remercie Babelio et les éditions Tallandier pour l'envoi de ce manuscrit dans le cadre de la masse critique privilégiée !



Emmanuel de Waresquiel est historien, un grand historien, auteur de biographies remarquées de Fouché et de Talleyrand et notamment d'un essai sur les débuts de la Révolution française "Sept jours".



Dans cette autobiographie, il nous emmène dans son enfance, dans les années 1960, au milieu du Maine.

Comme il le dit lui-même, ce livre est un récit, pas des mémoires, pourtant il dédicace son livre à sa fille, Gabrielle, celle qui a découvert le métier de son papa : "il recopie les livres des autres " !

Il l'a écrit d'une traite au fil de ses souvenirs, aidé de quelques lettres et photos retrouvées, où on voit le jeune Emmanuel toujours de profil, jamais de face, comme il précise.



Par petites touches disparates, "l'écume du temps", il nous fait toucher du bout des doigts son enfance, sans nostalgie, précise-t-il, mais je ne crois pas sur ce point…

Il précise que "les premières années sont elles qui nous constituent, bon an mal an, pour le reste de notre vie".

Il a gardé de son enfance des envies de fuite et d'évasion dans le grand large des bois.



Elevé dans une grande bâtisse de l'ouest de la France, en pays chouan (qui garde les vieilles cicatrices des guerres civiles de la Révolution …) servi par un personnel nombreux, entouré par un père secret et une mère aimante ; le bonheur est sans histoire, précise-t-il et c'est vrai, même si j'ai été envoûtée par son écriture poétique, romantique, je n'ai pas adhéré à ses souvenirs, même si j'ai appris plus sur cet auteur : royaliste et chrétien de famille.

Il effleure son enfance, et n'écrit pas sur son adolescence, car il préfère l'enfance qui est à l'adolescence ce que les nappes d'eau souterraines sont à leurs résurgences, peut-être douces et tranquilles. J'aurais aimé qu'il aborde son adolescence, car enfant il n'aimait pas l'école car elle l'éloignait de sa maison... Après on ne sait pas...



Il tient son goût de l'histoire de sa mère qui l'aimait ainsi que les généalogies. Elle avait une conception très légitimiste de la royauté et sa famille descendait des Choiseul.

J'ai aussi perçu l'influence d'un ancêtre, François, ami du poète André Chénier, qui avait aimé la Révolution à ses débuts et était écrivain, comme Emmanuel de Waresquiel…

De la tante de sa mère, il tient le goût "étrange et décisif de la Restauration où on essuierait les plâtres de la terreur et de l'Empire" !

Perdu dans ses lectures, et dans ses aventures rupestres, il m'a semblé un enfant bien seul, qui n'a jamais fait sa crise d'adolescence et a reproduit toute l'histoire de sa famille.



J'ai rencontré Monsieur Waresquiel dans ma librairie pour une dédicace et j'ai retrouvé, dans ce livre, cet homme : doux, poli, presque timide et sur la réserve.
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Sept jours : 17-23 juin 1789, la France ent..

Du beau travail !

Merci Monsieur Waresquiel pour votre conférence au Mans et votre très gentille dédicace !

Oui, effectivement je lis avec beaucoup d'attention vos livres car ils apportent toujours un nouveau regard pertinent sur la Révolution française.



Par cet ouvrage, l'auteur nous démontre que la Révolution "s'est faite" en 7 jours (du 17 au 23 juin 1789) avec la publication de trois décrets :

Le 17 juin, où les députés du Tiers état s'érigent en Assemblée nationale ; le 20 juin, où ils jurent de ne jamais se séparer avant donné une constitution à la France ;

et le 23 juin 1789, où ils envoient promener le roi, sa cour et les soldats avec la phrase de Mirabeau "nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes !"



C'est vrai, comme l'indique l'éditeur sur la quatrième de couverture, l'auteur raconte ces 7 jours tambour battant en un récit alerte qui se lit comme un roman à suspense !





Le plan :

- Première partie : le roi ou la nation ?

- Deuxième partie : Nous le jurons !

- Troisième partie : Echec et mat

- Conclusion : la théorie des dominos



Un plan chronologique dont les différents chapitres ont des intitulés originaux : par exemple, une salle de bal, Elections, piège à cons, Qui t'a fait député ?, Ils ont franchi le Rubicon, En France, les mots précèdent les choses… Non seulement c'est amusant et incitent à lire les chapitres, mais ils résument bien le contenu !



Dans un style accessible, non académique, Emmanuel Waresquiel nous démontre qu'en sept jours, le pouvoir passe des mains d'un roi, déjà affaibli, à une Nation.

La Révolution s'est jouée en quelques jours, soit une révolution politique, sociale et égalitaire !

- révolution politique : par l'invention d'une nouvelle souveraineté incarnée par l'Assemblée qui exercent les pouvoirs (législatif et exécutif).

- révolution sociale : par le renversement des structures de la Monarchie.



Sur ces points, je reste dubitative, car le suffrage reste censitaire, pour les députés, la Nation n'est pas le peuple : le peuple est ignorant ; la Nation est composée de ceux qui pensent, peuvent voter, lisent, écrivent, paient l'impôt : les propriétaires.

La Révolution sociale s'est amorcée après sous la Convention avec notamment les décrets de Ventôse...



Les députés essayent de maitriser ce peuple (le quatrième ordre, le "quart peuple") qui tente de s''insinuer dans les changements.



Les trois décrets qui ont fait cette Révolution :

- l'Assemblée nationale s'arroge le pouvoir régalien de lever les taxes

- La dette publique est sous la protection de la Nation

- Création d'un comité chargé de régler les problèmes d'approvisionnement et de disette.



Un livre brillant, convainquant par un historien de grand talent.

4 étoiles, car anti- robespierriste primaire par un historien spécialiste de la Restauration…



Abordable par tous, il se lit d'une traite !

Je vous le conseille vivement pour se rappeler cette année exceptionnelle qu'est 1789 !
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Fouché : Les silences de la pieuvre

L'auteur, en présentant son livre, avoue l'effort qu'il a dû faire pour entrer dans le personnage dont il raconte la vie, et qui lui est assez étranger : révolutionnaire professionnel, terroriste, engagé totalement dans les massacres de Lyon, homme de réseaux, Fouché n'a jamais renié ni regretté ses actions, et a toujours été fidèle à ses idées, malgré les successifs uniformes qu'il a endossés. Son génie de l'intrigue et de la survie politiques sont révélés dans cette biographie précise, détaillée (grâce à l'ouverture d'un fonds d'archives inédit) et fascinante comme un roman policier.
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Entre deux rives

J'ai aimé cet essai du grand historien Emmanuel de Waresquiel, qui évoque ici, dans la perspective de sa propre mort, les écrivains qu'il aime et qui ont eu à son encontre un rapport spécial. On croisera donc (enfin plus que croiser car chaque auteur traité a le droit à un long chapitre de 50 à 70 pages) de Nerval et Zweig, Brasillach ou Julien Gracq.

,Le livre est très élégamment écrit ce qui ne surprendra pas les lecteurs de cet historien de la période 1750-1850. Vous ne passerez pas un moment avec un joyeux drille en ce qui concerne le fond. Dernière phrase du livre à propos du prince de Ligne, incarnation aux yeux de l'auteur de l'élégance du XVIIIème siècle : " Qu'aurait-il dit aujourd'hui où il n'y a plus ni esprit, ni illusions ?"

A ceci près l'on pourra sourire à la lecture de ce livre qui égrène les belles citations (Emmanuel de Waresquiel en a le goût et le montre dans chacune de ses biographies), parfois effectivement spirituelles.

Les courtes biographies des auteurs sont brillantes et très bien senties. On sent une intense familiarité entre l'auteur et eux.
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Voyage autour de mon enfance

Se référant au livre de Xavier de Maistre, "Voyage autour de ma chambre", Emmanuel de Waresquirel nous propose un délicieux voyage dans son enfance, sa famille, les lieux où il a vécu et vit encore, et les rencontres qui l'ont marqué dès son plus jeune âge. Issu d'une grande famille et ayant notamment pour aïeule Germaine de Staël, nous remontons le temps à sa suite, en quête de rencontres autant que de racines, de grandes figures qui lui ont donné cette passion pour l'histoire qui est la sienne, dans cette mémoire familiale qui fige pour toujours ce qui a été : "Tout conjurait à l'immobilité : l'isolement, l'absence d'enfants de mon âge, la vieillesse des choses et la régularité du temps...On ne devient pas historien sans une sensibilité particulière au temps. Cette impression, héritée de mon enfance, d'un temps qui ne passe pas, devait plus tard faire de moi, dans la famille bigarrée des faiseurs d'histoire, un somnambule." Entre éducation à l'anglaise, contacts avec la nature, et culte d'ancêtres héroïques ou excentriques, vacances dans le Var, dans une atmosphère ouatée, le petit Emmanuel découvre la vie avec bonheur et l'école avec horreur.

Ce livre qui va et vient au gré de la mémoire et procède par petites touches, rempli de références littéraires et cinématographiques qui donnent aux souvenirs une portée concrète comme la marche fait apparaître un paysage bien réel au-delà des brumes est un merveilleux pèlerinage à la recherche de l'enfance : "nos premières années nous hantent et pourtant c'est à peine si nous les distinguons.", un bel hommage à ceux qui l'aidèrent à se construire, un récit poétique et délicat dans lequel Waresquirel ne parle de lui que pour mettre les autres en valeur, dans cette exquise politesse qui cherche toujours le meilleur de ce qui l'entoure.

Un grand merci aux éditions Tallandier et à Babelio pour ce livre dont j'ai savouré la magnifique écriture, appréciant particulièrement les portraits des personnages décrits, et cette atmosphère un peu "grand Meaulnes" qui garde aux souvenirs tout leur délicat mystère : "chaque saison à ses silences. Ceux de la fin de l'été sont plus denses et plus opaques que les autres... Ils semblent descendre de très haut et comme venir de très loin...tels les messagers du temps, pour nous prévenir de nos passions."
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