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Critiques de Emmanuelle Loyer (9)
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Paris à New-York : Intellectuels et artistes ..

En décrivant l'histoire des intellectuels et artistes français exilés en Amérique de 1940 à 1947, Emmanuelle Loyer élargit notre connaissance géographique et temporelle de la France résistante.



L'auteur aborde successivement quatre thèmes :

- comment rejoindre les Amériques et s'y installer ?

- comment écrire, publier, enseigner, être la voix de la France dans un pays neutre jusqu'en décembre 1941, présidé par une administration méfiante vis à vis du Général de Gaulle dont elle ne reconnait la légitimité que le 23 octobre 1944 ?

- comment résister à distance, être la voix de la France via l'OWI et sa Voix de l'Amérique, contribuer à l'action de l'OSS ?

- comment et quand revenir dans une France libérée, et être (pour certains) la voix de l'Amérique en France et en Europe ?



Dés 1933, les américains se préoccupent du sort des allemands menacés par la montée du nazisme, et des fondations, des associations juives, des universités tendent la main aux intellectuels, dans un contexte de crise économique contraignant l'administration Roosevelt à édicter des règles imposant au demandeur de visa de prouver qu'il ne sera pas une charge financière pour le contribuable. La fondation Rockfeller attribue de nombreuses bourses et les sociétés savantes établissent des listes de savants à sauver. Des milliers d'intellectuels germaniques sont accueillis aux USA de 1933 à 1940 et insérés dans les universités et les laboratoires de recherche. A contrario le Royaume Uni soupçonne alors tout allemand d'être un espion potentiel.



En 1940, lors de l'invasion allemande, de la création de la ligne de démarcation, des décrets limitant l'accès des juifs à certains postes, les filières créées depuis des années réorientent leurs activités vers la zone libre, établissent des listes d'intellectuels à exfiltrer, montent leurs dossiers pour les insérer dans les universités ou leur trouver des bourses financées par les fondations caritatives. Marseille, avec Varian Fry, devient la porte de sortie des exilés qui font ensuite escale à Casablanca ou à Lisbonne, et parfois en Martinique. Ils arrivent à New-York, tels Antoine de Saint Exupéry et rejoignent Jules Romains arrivé au premier semestre ou André Maurois arrivant de Londres où il a refusé de se rallier à De Gaulle. Marc Bloch renonce finalement, après des mois de démarches, à cette opportunité afin de ne pas quitter ses fils.



A New-York, où vivent 70 000 personnes nées françaises, les « émigrés » trouvent une population francophone ayant peu répondu aux mobilisations et plus ou moins proche des Chambres de Commerce franco américaines ou du réseau des Alliances françaises, deux structures légalistes, fidèles au Maréchal Pétain, et s'insèrent dans un pays neutre qui veille à la discrétion et au mutisme des immigrants.



New-York est en relation avec Buenos Aires, Montevideo, Rio de Janeiro où sont installés, parfois depuis plusieurs années, Georges Bernanos et d'autres exilés, et la toile se tisse entre les Amériques et permet aux uns et aux autres de prendre place dans l'éternel triangle des Bermudes « émigré, exilé, réfugié » et développer des liens avec l'intelligentsia américaine et ses divers courants.



Se crée à New-Yok une nouvelle capitale littéraire des Lettres françaises avec ses maisons d'éditions, ses revues, ses controverses telle celle entre Jacques Maritain et Antoine de Saint-Exupéry. Les surréalistes, fort actifs, créent VVV leur propre revue. Au fil des mois, le contexte militaire change et l'Amérique entre en guerre fin 1941, ce qui libère partiellement la parole des exilés et ouvre le débat « Win the War » ou « Spread the Democracy » porté à son paroxysme en novembre 1942 avec le débarquement en Afrique du Nord et le reconnaissance de l'Amiral Darlan.



A partir de 1943, la position de la France Libre se renforce, sans séduire Alexis Leger, dit Saint-John Perse, des savants belges, français et francophones contribuent à la création d'une université, l'Ecole Libre des Hautes Etudes, dont le qualificatif Libre évoque aussi bien la liberté d'enseigner, chère aux chrétiens, que la proximité avec la résistance. Ce centre intellectuel rayonne et révèle notamment le jeune Claude Lévi-Strauss. Quand Alger devient le centre de la France Libre, les échanges se créent immédiatement.



L'Amérique mobilisée crée des agences dont les célèbres OWI et OSS. OWI (Office of War Information) diffuse sur les ondes, dans toutes les langues, recrute Jacques Maritain et Pierre Lazareff, The Voice of America complète et concurrence la BBC. En aout 1944, dans Paris libéré, l'entrée de Pierre Lazareff, en uniforme américain, exaspère De Gaulle … L'OSS (Office of Strategic Services) recrute des experts, aptes à scénariser les possibles, Paul Vignaux est chargé de financer et unifier les mouvements syndicaux, Boris Souvarine éclaire les américains sur la menace soviétique, le Suisse Denis de Rougemont réfléchit à l'organisation de l'Europe, milite pour le fédéralisme et contribue à la fondation du CEC (Centre Européen de la Culture) avec les fonds de l'OSS puis de la CIA.



A la libération, ceux qui avaient quitté la France à bord de la série de bateaux en ex (Exceter, Excalibur, Excambion), se demandent comment sera apprécié leur retour. Jean-Paul Sartre répond à cette angoisse « c'est bien pire, ils ont été oubliés »… Mais, contrairement aux exilés allemands, la quasi totalité des français rentre, parfois tardivement tel Jean Renoir.



La génération Sartre efface la génération d'André Gide. L'existentialisme occupe le haut du pavé, Jean-Paul Sartre effectue une série de tournées aux USA pour évangéliser ses principaux intellectuels et contribuer aux transferts et métissages culturels qui façonnent une mythique « culture universelle » et dessinent le monde dans lequel nous évoluons aujourd'hui.



Emmanuelle Loyer, auteur d'un incontournable « Lévi-Strauss », projette avec cet ouvrage un regard lumineux sur un pan méconnu de l'histoire intellectuelle de la seconde guerre mondiale. Un livre aussi instructif que passionnant enrichi de photographies, de notes et de précieux repères bibliographiques.
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L'impitoyable aujourd'hui

J’aime les livres qui me donnent à penser tout en me donnant envie de lire ou de relire une multitude d’ouvrages, classiques reconnus ou bien plus confidentiels. Cet essai roboratif d’Emmanuelle Loyer a eu cet effet pour moi, et, cerise sur le gâteau, m’a fait me sentir plus intelligent que je ne le suis !



Autrice d’une biographie de référence de Claude Lévi-Strauss, qui a obtenu le prix Fémina essai, Emmanuelle Loyer est une historienne spécialisée dans l’histoire culturelle des sociétés contemporaines.



Dans ce nouvel essai, écrit pendant le Confinement et aussi à l’occasion d’une période difficile dans la vie de l’autrice, la présence d’une bibliothèque conséquente et du temps libéré lui a permis de trouver l’énergie de rendre compte de ses bonheurs de lecture de fiction, croisés avec des essais majeurs.



La littérature lui a toujours semblé essentielle, et la lecture de fiction une passion privée, bien au-delà des nécessités de sa profession d’historienne.



Cet essai, si on se prend au jeu d’accueillir des correspondances, des connections inédites entre des livres d’horizons et de genre divers, est lui-aussi un bonheur de lecture.

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L'impitoyable aujourd'hui

Du temps de la pandémie, la temporalité change ; un ralentissement bienfaisant génère le geste de sonder les capacités cognitives de la littérature.

La sélection des livres exposés, commentés, rajeunis, surprend, le dernier des Mohicans (1826) en tête. Il est vrai que Chateaubriand avait déjà évoqué la fin brutale du monde indien avec Les Natchez.

Emmanuelle Loyer connecte les oeuvres de fiction et de sciences humaines entre les siècles (les deux derniers) et tisse ainsi un réseau lumineux sur un art qui ouvre à une certaine épaisseur du présent. Elle égale les écrivains invités au chevet de son confinement.

Quatre parties animent ce parcours savant au pays des lettres. Cette partition permet d'alléger une lecture parfois exigeante, toujours édifiante.

J'ai vécu un grand moment de lecture, m'apportant connaissances et pensées, me poussant à réfléchir sur l'époque et à reprendre le passé. J'aurais aimé que l'auteure nous parle aussi de ses émois littéraires, sur lesquels elle glisse pudiquement. L'historienne l'emporte. le temps – le suspendre, le surprendre, clôt la balade buissonnière. La littérature posée comme Un art du temps et la mesure du temps qu'il reste. Il est grand temps de lire de temps en temps des ouvrages qui nourrissent notre être.

L'impitoyable aujourd'hui côtoie maintenant Ces amis qui enchantent la vie, de Jean-Marie Rouart, dans ma bibliothèque. Nul doute qu'il ont plein de choses à se lire.
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Histoire culturelle de la France de la Bell..

Livre synthétique, informatif, précis.
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Histoire culturelle de la France: De la Bel..

La culture fait sans doute partie de ces concepts qui nous paraissent évidents à définir. Mais ce n'est pas seulement l'ensemble de nos connaissances générales, souvent réduites à des clichés (Marignan 1515, une chanson de Johnny) ... Ce sont aussi - et surtout - nos pratiques, nos représentations, nos attitudes, orientées par la société en général, et par les productions intellectuelles ou artistiques de quelques personnes. Car la culture est politique, à n'en pas douter!



L'intérêt de ce livre bien documenté est de montrer comment ces pratiques, ces représentations, et ces productions ont évolué en France au cours des cent dernières années.



Il serait fastidieux d'énumérer tous les bouleversements survenus depuis la belle époque, mais on peut citer toutefois le développement formidable des moyens de communication de masse, depuis les journaux jusqu'à la télé à la carte, en passant bien sûr par la radio et le cinéma. Sans ces outils, la culture serait restée l'apanage d'une toute petite classe privilégiée. Le sport en est un des exemples éclairants: réservé jusqu'aux années trente à la bourgeoisie (que l'on pense au ski, au tennis, ou au rugby), il devint accessible aux ouvriers grâce à une politique d'investissement ambitieuse du front populaire.



Ce qui amène naturellement à se demander quelles sont les forces qui influent sur le paysage culturel d'une nation. Quelques artistes éclaireurs, mais aussi des financiers fleurant la bonne affaire. Les gouvernements y jouent un rôle majeur, parfois très volontariste (Malraux, Jack Lang) et dans d'autres cas, par leur absence d'action. Laisser le sport devenir un business-spectacle; autoriser la concentration de la presse écrite dans les mains d'un tout petit groupe d'industriels. On peut aussi citer le régime d'assurance-chômage des intermittents du spectacle, régulièrement remis en débat, la loi Hadopi (2009) destinée à lutter contre le piratage, et bien d'autres. Dans un autre registre, pour mieux faire accepter l'occupation, le gouvernement nazi avait volontairement favorisé la vie intellectuelle, en particulier le théâtre.



On trouvera donc ici une analyse aussi neutre et factuelle que possible, où s'entremêlent l'histoire et la culture, et surtout, quelques clés du contexte pour comprendre l'évolution de la littérature, du cinéma, des arts, et aux travers de ceux-ci, de nos représentations culturelles. Pourquoi le dadaïsme est il apparu précisément pendant la seconde guerre mondiale, et le nouveau réalisme dans les années soixante? Quelle était l'image de la banlieue dans les films des années 30? Et bien d'autres éclairages. Une plongée aussi instructive que passionnante!



Un petit regret, cette édition date de 2008, et n'étudie pas suffisamment les changements apportés par les réseaux sociaux, les influenceurs, et la vogue des publications centrées sur l'ego.



Les dernières pages, hélas, ne sont guère optimistes: perte de prestige des intellectuels (où sont les Sartre, les Foucault?), uniformisation des contenus, individualisation de la consommation au détriment des spectacles en public, diminution constante du nombre de "grands lecteurs"(*). S'y ajoute le désengagement de l'État, partiellement compensé par les collectivités locales, du moins jusqu'à la réforme de leur financement en 2009. La culture a-t-elle de l'avenir? Sans doute, mais lequel?



(*) qui lisent 20 livres ou plus par an. On en comptait 28% en 1973, mais 16% seulement en 2008.
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Une brève histoire culturelle de l'Europe

« Une brève histoire culturelle de l’Europe » une bonne blague car le titre ne correspond pas du tout, du tout avec le contenu! C’est une histoire franco français des politiques culturelles pendant le 20eme siècle!

Je suis extrêmement dessus par ce livre que je n’ai même pas fini tellement il est long mais surtout tellement il est biaisé !

Systématiquement, il manque à peu près 24 pays dans l’analyse, autant dire qu’on ne peut pas faire grand chose de cette analyse. Il aurait été préférable de l’appeler « politique culturelle française et lien avec ses voisins »

Bref, je ne recommande pas
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Une brève histoire culturelle de l'Europe

La culture, en bonne théorie marxiste, n'a pas d'autonomie, elle est une superstructure déterminée par les infrastructures économiques, et une bonne politique nationalisée et centralisée de la culture éviterait bien qu'on en fasse toute une histoire. Certes.



Mais voilà, entre la théorie et la pratique, il y a de quoi nourrir les historiens (et quelques autres). le bouquin est une sorte d'"enquête [...] synthèse" (p.14) sur un sujet très vaste (embrasser l'histoire culturelle de l'Europe de la fin du XVIIIème siècle à nos jours) à partir d'un cours "professé à Sciences Po" (p.14).



Deux des trois derniers chapitres sont moins convaincants peut-être : "13. Vie privée, vie intime" et surtout "11. Cultures numériques". L'Europe s'y liquéfie (le motif de la liquéfaction est certes désigné), et nous retrouvons ce qu'il nous semble avoir déjà lu plusieurs fois sur les pratiques culturelles, l'identité, le rapport au temps accéléré (Hartmut Rosa en embuscade) ou l'aliénation de "la modernité avancée qui est la nôtre" (p.440) sans que nous sachions exactement qui ce "nôtre" recouvre.



Mais les treize chapitres sont intéressants, et chacun d'entre eux est complété par des notes de fin et une bibliographie. Nous découvrons de judicieux appuis sur des sources maîtrisées (livres, films notamment). J'ai apprécié, outre la richesse des références, l'approche problématisée et le traitement historiographique des thématiques abordées dans chaque chapitre.



Les trois premiers d'entre eux sont plus centrés sur le XIXème siècle : l'invention des identités nationales (chapitre 1), l'émergence proprement européenne d'une "culture urbaine" (chapitre 2 p.53), dont l'analyse des expositions universelles, et "la diffusion d'un universel de représentations et de pratiques occidentales", celui d'une "société du spectacle" (chapitre 3 p.87) née dans quelques capitales européennes.



Le concept de "culture de guerre" fait l'objet d'une claire synthèse dans le chapitre 4, qui évoque notamment une "mémoire longue" (p.145) de la grande guerre (pages 142-145).



Le prisme de l'histoire du genre permet de parcourir (vite) deux siècles d'histoire européenne (chapitre 5) tandis que la "décolonisation des esprits" actualise le chapitre sur "le temps des colonies" (6), et que la question de savoir s'il existe un intellectuel européen dynamise le chapitre 7.



Le chapitre 8 intitulé "Les ondes et les écrans" a l'intérêt de partir de l'"art impur" (p.280) qu'est le cinéma, fort prisé par l'auteure, pour engager une réflexion sur l'articulation entre culture savante, culture populaire et culture de masse.



Encore un chapitre vivifiant ensuite (le 9) sur les politiques culturelles et les politiques de la mémoire dans l'Europe du second XXème siècle, et la "sacralisation/rédemption" (p. 285) dont fait l'objet la culture. Quelques références : côté cinéma, Rohmer (p.294-295) et "la nouvelle vague tchèque" (p.309-313) sont exploités. Et puis : Malraux, Kundera, Fumaroli, la déclaration de Villeurbanne du 25 mai 1968, la littérature russe... (dans ce chapitre, Tzvetan Todorov n'est pas évoqué, dommage).



Le moment 68 n'est pas éludé, dans le chapitre 9 comme dans le suivant, conçu à partir de la question : "1968, une révolte partagée ?". Intéressantes remarques sur le fonds commun des révoltes (dont l'approche situationniste et une incursion du côté de la sociologie) et sur l'aspect transnational du "phénomène" (p.330) décliné selon des "styles nationaux" (p.343).

Une invitation à lire L'événement 68 (2018) d'Emmanuelle Loyer également ?





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Une brève histoire culturelle de l'Europe

Une approche originale qui pointe du doigt les approches communes entre pays européen au niveau culturel. Le découpage en partie thématique offre une approche globale qui permet au lecteur de lire selon ses préférences. On peut regretter parfois un certain "effet catalogue", même si tout relatif, qui peut faire dévier le lecteur de l'idée initiale vers les références toutes prêtes.
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Une brève histoire culturelle de l'Europe

Un livre pour aider à penser à l’échelle européenne et définir, si possible, l’avenir d’un « être ensemble » européen.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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