Emmanuelle Pouydebat - Chercheuse en évolution des comportements.
Récompensée de plusieurs prix scientifiques,
Emmanuelle Pouydebat réalise sa Thèse avec le Professeur Coppens puis devient sa dernière Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherches au
Collège de France. Maître de conférences à l'Université, rejoignant ensuite le CNRS et le Muséum National d'Histoire Naturelle comme chercheuse, elle y est aujourd'hui Directrice de Recherches. Spécialisée dans l'évolution des comportements, qu'elle aborde de manière interdisciplinaire (éthologie, biomécanique, morphologie, paléoanthropologie, bio-inspiration
), elle s'intéresse particulièrement aux capacités de manipulation et d'utilisation d'outils, remettant rapidement en cause de nombreuses spécificités humaines. Elle a publié plus de 70 articles internationaux et autant de conférences internationales. Auteur de «
L'intelligence animale, cervelle d'oiseaux et mémoire d'éléphants » (
Odile Jacob, 2017), de «
Atlas de zoologie poétique (Arthaud, 2018), «
Quand les animaux et les végétaux nous inspirent » (
Odile Jacob, 2019), et «
Sexus animalus » (Arthaud, 2020), tous traduits en plusieurs langues, Emmanuelle transmet très régulièrement sa passion à la télévision, à la radio française comme européenne, dans la presse et au cours de conférences pour le grand public. En 2019, elle a reçu la médaille d'argent du CNRS et a été faite Chevalière de la Légion d'honneur en 2021.
Conférence : Peut-on construire un robot en s'inspirant d'un éléphant ?
29 juin 2022, 10h45 - 11h30
La trompe des éléphants, capable de saisir avec puissance, précision et aspiration, est l'un des organes de préhension les plus complexes du règne animal. Ses adaptations, optimales pour la survie de cette espèce, représentent des solutions bio-inspirées uniques pour l'industrie qui a besoin de nouvelles mains et de nouveaux bras robotisés flexibles et robustes pour saisir et déplacer des charges lourdes en sécurité. Si la trompe représente un modèle unique, aucun robot industriel ne s'inspire de ses données biologiques et biomécaniques. Dans le cadre du projet Eleph-HAND, nos objectifs sont de comprendre la variabilité des utilisations de la trompe, les paramètres 3D morpho-fonctionnels et biomécaniques de l'enroulement, de la préhension et de l'aspiration de la trompe en fonction des propriétés des objets et des tâches ; de comprendre comment le système musculo-hydrostatique de la trompe peut combiner précision, force et variabilité de mouvements ; de concevoir un prototype préhensile de " type main " capable de reproduire le mouvement de l'extrémité de la trompe et, une architecture cinématique de " type bras " reproduisant le comportement du corps de la trompe. D'un point de vue fondamental, nous améliorerons notre connaissance des mécanismes complexes d'un organe de manipulation extraordinaire et d'un animal emblématique.
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En raisonnant dans le cadre de la survie de l'espèce et son adaptation au milieu, en un laps de temps infiniment court, nous avons démontrés notre capacité à détruire le milieu, dont le nôtre, et de nombreuses espèces, dont peut-être la nôtre. Mais les autres animaux nous survivront, bien après notre disparition sur terre. Ils étaient présents avant nous, des centaines de millions d'années avant nous pour certains, et ils le seront bien après.

Pour ma part, j'ai beaucoup de mal à comprendre cette hiérarchie de l'intelligence qui est faite et qui place les humains au-dessus des autres animaux. Les humains font des choses que bien d'autres animaux ne savent pas faire. Mais l'inverse est parfois vrai aussi. Il n'existe pas une mais des intelligences. Et les arguments choisis pour hiérarchiser les comportements du plus ou moins intelligents sont finalement tous très personnels, voire subjectifs. Un individu qui sait utiliser un ordinateur est-il plus intelligent qu'un individu qui ne le sait pas ? Peut-être, peut-être pas. Et si cet individu qui sait utiliser un ordinateur ne se souvient jamais où il a mis ses clés pendant que l'autre a une mémoire exceptionnelle, lequel devient le plus intelligent ? Ce raisonnement à l'échelle de l'individu peut s'appliquer à l'échelle des espèces. Pourquoi un comportement serait-il plus important qu'un autre ? Quel critère objectif choisir ?
Pour passer la nuit en sécurité, les chimpanzés s'installent en haut des arbres, souvent à plus de 20 mètres.
Là, ils tressent avec les branches une sorte de plate-forme qui sera leur nid. Ils doivent donc choisir avec attention l'arbre qui offrira des branches souples et solides.
Ils y entassent des feuilles. Certains confectionnent même une sorte de petit coussin.
Et là, ils peuvent dormir tranquilles. Loin des prédateurs... et des moustiques !
Eh oui ! L'étude a bien mis en évidence que les chimpanzés choisissent des arbres qui ont des propriétés répulsives.
Eux aussi (sic) n'aiment pas être piqués et ils font ce qu'il faut pour repousser les moustiques ! De quoi nous inspirer pour trouver de nouveaux répulsifs et lutter contre le paludisme.
Franchement, ils sont souvent plus malins que nous !
(p. 86-87)
Cet ouvrage a pour but de vous démontrer que l'affirmation selon laquelle les humains sont les plus intelligents n'a pas beaucoup de sens au regard de l'évolution et du contexte. Il remet les humains à leur place au sein du règne animal, et pas nécessairement en son sommet, afin de discuter le plus objectivement possible les points communs et les différences entre les espèces. L'intelligence est probablement la seule adaptation qui a conduit une espèce à établir une sorte de domination sur le monde naturel. Il n'en demeure pas moins que le doute subsiste largement sur la capacité de cette même espèce à maintenir sa propre survie et celle des autres. Ce livre nuit donc gravement à la santé des idées reçues sur le monde animal, sa hiérarchisation et l'intelligence humaine en s'appuyant sur mes vingt années d'expériences de terrain, souvent en compagnie d'étudiants, et sur les travaux de collègues chercheurs.
Lorsqu'elles ne font pas peur ou qu'elles ne rebutent pas, les araignées sont célébrées pour leurs toiles, chefs-d'oeuvre architecturaux et techniques, redoutables pièges. Mais on connaît beaucoup moins leurs talents de séductrices. Oui, les araignées séduisent! Parmi les araignées sauteuses, il en est une qui n'a pas son pareil pour parader. Il s'agit de la minuscule araignée paon (Maratus volans). Cette petite merveille, dont la vision est excellente, n'est vraiment connue que depuis le début des années 2000.
Désormais motivée pour observer des singes, je décide de tenter ma chance au zoo de Thoiry en complément de ma formation universitaire. Moins exotique que la Tanzanie mais plus accessible pour commencer ! C'est le plus grand groupe au monde de macaque de Tonkeans captifs. Je suis la plus heureuse des étudiantes et l'aventure va durer deux ans. J'ai notamment pour mission de découvrir comment ils s'échappent de leur enclos, causant des troubles au sein du zoo ...
Qui pourrait survivre à un cataclysme d'origine cosmique, à une sécheresse ou à des températures extrêmes, à la privation d'eau pendant des années, aux hautes pressions, aux radiations, à l'absence d'oxygène ou au vide quasi absolu de l'espace? Qui sont ces forces de la nature? Eh bien les irréductibles et... minuscules oursons d'eau ou tardigrades, littéralement "marcheurs lents"!

Pourquoi l’intelligence apparait et évolue ?
Extrait1/2
Des recherches récentes montrent que certains gènes pour-
raient être impliqués dans l’évolution de l’intelligence. Ce serait
par exemple le cas du gène FOXP2 qui serait lié au développement
du langage et aux capacités d’apprentissage. En effet, des chercheurs
américains ont insérés le gène FOXP2 humain dans des souris et ont
comparés leurs capacités cognitives avec celles de souris normales
au cours de tests réalisés dans un labyrinthe. Ils ont découvert que
les souris porteuses apprenaient plus vite que les souris normales
en trouvant plus rapidement la nourriture. Loin de ces théories
généticiennes, d’autres paramètres ont probablement contribué à
l'apparition et à l'augmentation des capacités des organismes et
de leur intelligence. Ainsi, certains chercheurs mettent en avant
des paramètres sociaux, comme la vie en groupe ou l’évitement –
affrontement des prédateurs, mais également des paramètres éco-
logiques comme la recherche de nourriture. Et si l’intelligence
apparaît à différentes époques et dans diverses lignées animales, c’est
sans doute qu’il y a des bénéfices, pour les organismes, à en tirer. Il
est par exemple possible que l’intelligence permette à un organisme
de résoudre des problèmes et d’augmenter sa survie, notamment
grâce à ce que l’on appelle la flexibilité comportementale, c’est-à-dire
la capacité à adapter son comportement à la situation grâce à un
large panel de possibilités individuelles. Par exemple, si je suis un
individu qui sait utiliser un outil, j’aurais plus de cordes à mon arc
que si je suis un organisme qui n’en utilise pas. Ainsi, si un ver de
terre est caché dans un tronc et que deux oiseaux veulent le man-
ger, si tous les deux ont un bec trop court pour l’attraper, celui qui sait
utiliser un outil pour l’extraire sera avantagé. Chaque individu et
chaque espèce a ainsi un panel de comportements et de capacités
général susceptible d’évoluer à l’échelle de sa vie et d’être utilisé,
ou pas, selon le contexte. …
p.169-170

Le caractère sexuel le plus distinct chez le crocodile est le pénis érectile mâle. Celui-ci est caché, à l'intérieur du cloaque, cette ouverture commune aux voies intestinales, urinaires et génitales, présente chez les oiseaux, les reptiles, les amphibiens et certains mammifères. C'est comme si son pénis était constamment en érection mais dissimulé à l'intérieur du corps. (...)
C'est pour cette raison que l'identification sexuelle des crocodiles a longtemps été un grand problème pour les scientifiques. Et pour cause... pour identifier le sexe d'un individu, il faut sortir son organe génital du cloaque pour le comparer au clitoris. Car oui les femelles crocodiles ont un clitoris ! (...)
A l'intérieur du pénis se trouve un sillon qui permet le transport des spermatozoïdes. Fait intéressant : ce même sillon, non fonctionnel, existe dans le clitoris des femelles. Presque normal, me direz-vous, puisque le clitoris semble être l'équivalent du pénis sur le plan embryologique. Ce type de documentation sur les clitoris est très rare car les organes génitaux féminins de la plupart des espèces ne sont pas ou très peu étudiés. Mais ce n'est pas le cas chez les crocodiles. Pour une raison simple et complexe à la fois : la difficile détermination du sexe. Il y a plus de 150 ans déjà, les fermiers devaient pouvoir déterminer le sexe s'ils voulaient qu'il y ait des accouplements et que leur élevage prospère ! Quand la nécessité économique fait avancer la science...
L’intelligence est comme l’évolution, elle part dans tous les sens