Citations de Éric-Emmanuel Schmitt (7936)
Si je m'intéresse à ce que pensent les cons, je n'aurai plus de temps pour ce que pensent les gens intelligents.
J'ai essayé d'expliquer à mes parents que la vie, c'était un drôle de cadeau. Au départ, on le surestime, ce cadeau: on croit avoir reçu la vie éternelle. Après, on le sous-estime, on le trouve pourri, trop court, on serait presque prêt à le jeter. Enfin, on se rend compte que ce n'était pas un cadeau, mais juste un prêt. Alors on essaie de le mériter. Moi qui ai cent ans, je sais de quoi je parle. Plus on vieillit, plus faut faire preuve de goût pour apprécier la vie. On doit devenir raffiné, artiste. N'importe quel crétin peut jouir de la vie à dix ou à vingt ans, mais à cent, quand on ne peut plus bouger, faut user de son intelligence.
Un homme est fait de choix et de circonstances. Personne n'a de pouvoir sur les circonstances mais chacun en a sur ses choix.
_ M'sieur Ibrahim, quand je dis que c'est un truc de gens riches, le sourire, je veux dire que c'est un truc pour les gens heureux.
_ Eh bien, c'est là que tu te trompes. C'est sourire, qui rend heureux. [...] Essaie de sourire, tu verras.
[...]
Bon, après tout, demandé gentiment comme ça, par monsieur Ibrahim, qui me refile en douce une boîte de choucroute garnie qualité supérieure, ça s'essaie...
Le lendemain, je me comporte vraiment comme un malade qu'aurait été piqué pendant la nuit : je souris à tout le monde.
[...]
C'est l'ivresse. Plus rien ne me résiste. Monsieur Ibrahim m'a donné l'arme absolue. Je mitraille le monde entier avec mon sourire. On ne me traite plus comme un cafard.
‘’Le plus difficile dans une discussion n’est pas de défendre une opinion mais d’en avoir une.’’
Dieu nous donne et nous reprend. On ne réalise qu'il nous a donné quelque chose qu'à l'instant où l'on s'aperçoit qu'il peut le reprendre.
Ainsi en est-il de la vie, du talent, des enfants, de l'être aimé...
Mon humanité s'est forgée dans ces pertes successives.
- Laissez moi tranquille. Je suis en train de me suicider.
-Oui, oui... j'avais remarqué... je vous proposais justement d'attendre vingt-quatre heures...
- Non.
- Qu'est-ce que vingt-quatre heures, quand on a déjà raté sa vie ?
Les gens craignent de mourir parce qu'ils redoutent l'inconnu. Mais justement, qu'est ce que l'inconnu? Je te propose Oscar, de ne pas avoir peur mais d'avoir confiance.
Enfin, le soufisme n'était pas une maladie, ce qui m'a déjà rassuré un peu, c'était une façon de penser - même s'il y a des façons de penser qui sont aussi des maladies, disait souvent monsieur Ibrahim.
Si je m'intéresse à ce que pensent les cons, je n'aurai plus de temps pour ce que pensent les gens intelligents.
Le bonheur qu'on attend gâche parfois celui qu'on vit.
( Ulysse from Bagdad")
- Ouh, là, Momo, on est chez les riches : regarde, il y a des poubelles.
- Eh bien quoi, les poubelles ?
- Lorsque tu veux savoir si tu es dans un endroit riche ou pauvre, tu regardes les poubelles. Si tu vois ni ordures ni poubelles, c'est très riche. Si tu vois des poubelles et pas d'ordures, c'est riche. Si tu vois des ordures à côté des poubelles, c'est ni riche ni pauvre : c'est touristique. Si tu vois les ordures sans les poubelles, c'est pauvre. Et si les gens habitent dans les ordures, c'est très très pauvre. Ici c'est riche.
- Ben oui, c'est la Suisse !
On peut être maître de ce que l’on pense, jamais de ce que l’on ressent.
Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas.
L'orthographe, c'est comme la propreté, une question de respect de l'autre.
J'ai jamais vu des yeux rigoler comme ça, ils rigolent à gorge déployée, ses yeux, ils font un boucan d'enfer.
Soudain, branle-bas de combat, monsieur Ibrahim se met au garde-à-vous : Brigitte Bardot entre dans l'épicerie.
- Bonjour, monsieur, est-ce que vous auriez de l'eau ?
- Bien sûr, mademoiselle.
Et là, l'inimaginable arrive : monsieur Ibrahim, il va lui-même chercher une bouteille d'eau sur un rayon et il la lui apporte.
- Merci, monsieur. Combien je vous dois ?
- Quarante francs, mademoiselle.
Elle en a un haut-le-corps, la Brigitte. Moi aussi. une bouteille d'eau ça valait deux balles, à l'époque, pas quarante.
- Je ne savais pas que l'eau était si rare, ici.
- Ce n'est pas l'eau qui est rare, mademoiselle, ce sont les vraies stars.
Il a dit cela avec tant de charme, avec un sourire tellement irrésistible que Brigitte Bardot, elle rougit légèrement, elle sort ses quarante francs et elle s'en va.
La littérature n’est pas une fin en soi.
Un livre doit provoquer la discussion sinon il est inutile.
"Nous oublions que la vie est fragile, friable, éphémère. Nous faisons tous semblant d’être immortel." p18
Cher Dieu,
Le petit garçon est mort.
Je serai toujours dame rose mais je serai plus Mamie-Rose. Je ne n’étais que pour Oscar. Il s’est éteint ce matin, pendant la demi-heure où ses parents et moi nous sommes allées prendre un café. Il a fait ça sans nous. Je pense qu’il a attendu ce moment-là pour nous épargner.
Comme s’il voulait nous éviter la violence de le voir disparaître.
C’était lui, en fait, qui veillait sur nous.
J’ai le cœur gros, j’ai le cœur lourd, Oscar y habite et je ne peux pas le chasser. Il faut que je garde encore mes larmes pour moi, jusqu’à ce soir, parce que je ne veux pas comparer la peine à celle, insurmontable, de ses parents.
Merci de m’avoir fait connaître Oscar. Grâce à lui, j’étais drôle, j’inventais des légendes, je m’y connaissais même en catch. Grâce à lui j’ai ri, et j’ai connu la joie. Il m’a aidée à croire en toi. Je suis pleine d’amour, ça me brûle, il m’en a tant donnée que j’en au pour toutes les années à venir.
A bientôt,
Mamie-rose.
PS: Les trois derniers jours, Oscar avait posé une pancarte sur sa table de chevet. Je crois que cela te concerne. Il y avait écrit : « Seul Dieu a le droit de me réveiller.»
C'est la seule chose que nous apprend la mort : qu'il est urgent d'aimer.