Ce recueil de dix témoignages tous dignes d'intérêt, à un degré ou à un autre est:
-précédé d'une préface de Robert Badinter courte mais brillante , rappelant l'essentiel,
- s'achève sur le statut légal de l'homosexualité dans le monde..et il y aurait à dire.
Découverte de hasard, et lue parce que cette impression de retour en arrière de la société française me heurte profondément.
Ces témoignages sont entrecoupés de différents développements juridique, historique, ou de réflexion effectivement sur le concept de " norme", ainsi qu'un chapitre qui explique un peu plus quelque chose de très différent qui est la transidentité.
A ce niveau, j'ai regretté quand même qu'il manque un chapitre plus scientifique, car il y a eu, et il y aura encore, pas mal de recherches sur l'orientation sexuelle. Ce chapitre aurait pu mettre en évidence ce qui a été clairement démontré, c'est qu'au même titre que la couleur des cheveux ( mais de façon beaucoup plus complexe) l'attirance sexuelle ne se décide pas. Elle existe en chacun de nous, et puis c'est tout. Elle peut mettre du temps à se découvrir,elle peut hésiter très longtemps, elle peut tenter de se masquer surtout si elle est réprouvée par l'entourage, mais elle existe.
Que l'on ne sache pas à quoi elle est due, c'est vrai . Quelle importance.Il y a encore beaucoup d'inconnues dans tous les domaines, d'autant plus qu'en matière de recherche sur l'identité, tout se complexifie au fur et à mesure de l'avancée des recherches. La génétique semblait pouvoir répondre à beaucoup de questions? Et bien, ce n'est pas si simple, nous passons à l'épigénétique. Et nous allons découvrir que nous sommes faits à partir d'une multitude de données qui s'entremêlent, sont influencées par les environnements successifs, se transmettent , et que toutes ces données ne seront pas démêlées si facilement. Je ne sais pas qui a créé cela, mais c'est sûr que cela aurait été plus facile s'il s'était arrêté à la paramécie.Et encore, la paramécie n'est pas si simple que cela.
Le graphisme... et bien, à vrai dire, il diffère selon les dessinateurs,ce que je reprocherais peut-être , c'est d'avoir privilégié noir, blanc et gris. Est-ce volontaire? J'aurais volontiers souhaité un peu de couleurs..:)
Les témoignages:
Je mettrai à part l'histoire de Bénédicte, née Kevin dans un corps de garçon. Car le transsexualisme est à différencier de l'homosexualité. C'est un témoignage en tout cas très honnête qui démontre bien les souffrances que ces individus sont prêts à subir pour ne pas continuer à vivre dans un corps qui ne leur convient pas ( à différencier bien sûr de la chirurgie esthétique..) C'est très profond et c'est si important que le suicide est souvent la solution adoptée par ceux qui ne supportent pas de vivre sous une identité sexuelle qui n'est pas la leur ( et ce , encore une fois, non sur un coup de tête, ni expliqué par quoi que ce soit d'autre que certainement des arguments biologiques). Je sais gré à Maxime Foerster d'avoir parlé des rae rae en Polynésie. qui sont un bon exemple. La transsexualité n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle qui vient après, et ne préjuge de rien, Bénédicte l'explique très bien.
Bien sûr, on ne peut qu'être ému du témoignage de Momo, qui a fui son pays, le Mali.
Mais le plus intéressant ,dans je dirais l'actualité récente qui a fait tant de bruit, me semble être celui de Marc catholique pratiquant et homosexuel. Complètement dérouté par les réactions violentes, voire haineuses constatées des jours et des jours contre l'obtention d'un droit, celui de se marier. Comment va-t-il pouvoir concilier sa foi et son implication à ce sujet et son homosexualité contre laquelle il ne peut rien. Il y a là une réflexion profonde et qu'on devine très douloureuse.
Deux..remarques:
Le premier témoignage est celui de Philippe dont le compagnon est mort du Sida. Cela semble loin, et pourtant..
Et oui, le temps passe vite mais l'histoire est importante, et elle a marqué un tournant majeur. Cette période a existé ( et existe encore, à moindre degré bien sûr grâce aux traitements qui ne sont que palliatifs le plus souvent -et très rarement "avoués" même à des médecins de nos jours, c'est le comble- et de façon majeure dans certains pays, on n'en parle plus , c'est tout).
Les malades à cette époque ont été traités comme des pestiférés, personne ne voulait s'en occuper et beaucoup sont morts dans des conditions médicales épouvantables, et complètement seuls et rejetés. Jusqu'à ce qu'on découvre, comme d'habitude, ce qu'était cette maladie, c'est à dire une maladie virale comme une autre. La société devrait être reconnaissante à la communauté gay de s'être prise en mains en activant les recherches, en créant des associations d'aides, qui ont apporté par la suite le développement d'autres associations, pour d'autres maladies, et des regroupements de malades , qui s'aident les uns les autres et bousculent un peu certaines prérogatives indûment dévolues à un corps médical un peu trop enfoncé dans ses certitudes.
Ensuite, le titre: Les gens normaux.. Oui, on le comprend à la fin. Mais.. dans tous ces témoignages, ce que l'on constate ( mais on le sait) , c'est qu'aucun de ceux qui témoigne n'est traité normalement. Il y a le pire bien sûr, Momo, mais les autres.. Aucun ne souhaite en parler, n'ose en parler , qui dans sa famille, qui dans son milieu professionnel. Normalité d'être, bien sûr, mais pas normalité de faits. Il me semble que le titre aurait pu le mettre plus plus en évidence.
"Mais il y a le regard des autres qui nous fait nous fait nous sentir différents. Les gens ont besoin de se rassurer pour éviter la question de: Quelle est mon identité, qu'est ce que je choisis et comment je vais la construire. Evidemment, il y a un modèle Ikéa , il suffit de monter les morceaux, et hop, c'est tellement plus simple. Mais quand les morceaux ne s'assemblent pas selon le mode de montage, que les vis ne rentrent pas dans les trous et que les boulons sont tous de travers, il faut improviser..."
C'est une BD qui , à mon avis, devrait être mise à disposition dans les bibliothèques au rayon ado, ces lectures de trajets individuels toujours difficiles pourraient peut être ouvrir certains esprits? On peut rêver et le souhaiter.
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Qu’est-ce que la normalité ? Existe-t-elle vraiment ? La société n’est pas normale, mais normée : elle classe, met des étiquettes, range dans des boîtes. Et ceux qui ne rentrent pas dans les bonnes boîtes en font les frais. Les gens normaux aborde la question du genre, de l’homosexualité et de la transidentité à travers dix témoignages recueillis à l’aide du centre LGBT de Touraine.
Ce livre est né dans une année tumultueuse pour les gays, les lesbiennes, les bi ou les trans. Car si 2013, c’est l’adoption du mariage pour tous et la Palme d’or de La vie d’Adèle, c’est aussi la haine des « Manif’ pour tous », les dangereux amalgames entre homosexualité et pédophilie, la prise de parole en public de l’Église dans des affaires de l’État, les tabassages de jeunes gays, la loi russe interdisant « la propagande homosexuelle »…
C’est un ouvrage assez complet qui parle du SIDA dans les années 1980 et de nos jours, de l’homoparentalité, de la transidentité, des opinions politiques et religieuses (comment être gay et soutenir des partis de droite ? comment conjuguer son homosexualité et sa foi en Dieu ?), des relations avec les parents (notamment avec la mère pour une fille), de l’homophobie dans des pays africains, mais aussi au travail. On découvre le parcours d’un homme ayant perdu son conjoint, d’une mère, d’une Guinéen qui a émigré en France, d’un chrétien et d’un musulman croyants, etc.
Le parti qui a été adopté est d’illustrer à la fois l’entretien (en mettant face à face Hubert et son interlocuteur en train d’échanger) et les témoignages. Les dessins sont réalistes, mais évoluent évidemment selon le trait des onze dessinateurs différents ayant contribué à ce livre. Cela lui confère une richesse et une diversité intéressante qui m’a permis de découvrir de nombreux artistes.
Entre les témoignages se glissent cinq textes de chercheurs, spécialistes, conférenciers, sociologues qui traitent de l’homosexualité selon différentes approches : la législation française, le lesbianisme, l’homophobie religieuse, les normes de l’hétérosexualité et la transidentité. La préface est rédigée par Robert Badinter, l’ancien Garde des Sceaux qui a soutenu activement la dépénalisation de l’homosexualité en 1982 et la création du Pacs en 1999, et porte sur les discriminations et les violences subies par les LGBT. Enfin, une carte et une annexe présente le statut légal de l’homosexualité pays par pays.
C’est donc une bande dessinée extrêmement riche et documentée qui apporte plusieurs éclairages sur des sujets parfois complexes, que ce soit par le biais des histoires personnelles ou des textes théoriques parfois compliqués bien que passionnant.
A lire pour se défaire de tous préjugés.
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Un bel ouvrage sur la vie. Qui est qui? Qu'est-ce qui est normal au fond?
Des bribes de vies, des douceurs, des douleurs.
Cette BD nous forme et nous informe, nous donne un certain nombre de réponses et des questions aussi. A lire, à offrir.
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Une analyse très intéressante des implications de la politique du précédent Président et de ses gouvernements successifs sur des sujets variés : sécurité, identité, roms etc. Ce livre est constitué d'articles de presse, publiés pour l'essentiel dans des journaux et revues. Il est d'autant plus intéressant à lire car il traite aussi l'inscription dans le temps et la mémoire que nous avons d'une politique étatique. Du coup, pour ceux qui n'auront pas suivi ou retenu les éléments marquants/polémiques du précédent quinquennat, il faudra se replonger dans le passé récent.
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Tu es unique, comme tout le monde.
On ne peut pas critiquer ce qui est dit, c'est la vie des personnes, mais on peut critiquer le choix de ces histoires et la façon dont elles sont racontées.
J'ai eu très très peur au début avec le premier phylactère qui nous raconte les cases suivantes. Je ne suis pas vraiment fan de cette technique. Ensuite, il y a la mise en scène du scénariste. On le voit arriver chez les personnes et ces derniers racontent leur vie. Une bédé où on voit deux personnes parler, ce n'est pas non plus ce que j'aime. Heureusement les artistes, dans leur majorité, s'en tirent plutôt bien et le script ne se contente pas de ça. Les meilleurs passages étant lorsque le dessin ne se contente pas d'illustrer les propos comme cette voisine qui pourri la vie du premier couple lesbien.
Le choix des histoires offre un panel plutôt large des situations vécues et j'aime que les parents aient aussi droit à la parole. Il y a des histoires qui marquent plus que d'autres et pas forcément en faveur des personnes LGBT+ présentées. Entre ceux qui refusent de se protéger (et les autres) alors qu'ils savent qu'ils sont en situation de risque immédiat et autres dissonances cognitives (notamment sur la religion), l'empathie est parfois compliquée. En revanche, d'autres histoires (ou d'autres moments) ne peuvent que toucher.
La diversité des dessinateurs n'est pas un problème puisqu'ils illustrent chacun une histoire. Les tons étant différents, leurs styles éclectiques ont une raison d'être.
Il y aussi 5 articles liés au sujet et l'ouvrage se termine par un statut légal de l'homosexualité dans le monde en 2013.
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Dix témoignages ont été recueillis au Centre LGBT de Tours et mis en images par autant de dessinateurs qui, chacun avec sa technique, ont représenté soit l'entretien, soit le contenu des récits, soit les deux. Les différentes personnalités, âges, origines et appartenances des personnes interviewées, donc la diversité de leurs narrations fournissent un cadre plutôt complet des multiples problématiques affrontées par ceux dont l'identité de genre s'écarte de la norme statistique, dans la province française du moment du débat sur le "mariage pour tous". Il est question de l'évolution des thérapies du sida, du parcours parental d'une famille lesbienne, de comment concilier homosexualité et foi (catholicisme et islam), de l'homosexualité d'une fille vue par ses parents, de discriminations vécues ou craintes au travail, d'homophobie dans un pays d'Afrique menant à l'exil, de l'expérience d'une transsexuelle.
Les témoignages s'alternent aux courts essais suivants:
1 - Préface par Robert Badinter
2 - "De Napoléon à Hollande - L'homosexualité dans la législation française" par Florence Tamagne
3 - "Et les filles ?" par Michelle Perrot
4 - "God Hates Fags - Religion, homosexualité et homophobie" par Eric Fassin
5 - "Hétérosexualité : le fabrique des normes" par Louis-Georges Tin
6 - "Transidentité : une identité sous contrôle médical" par Maxime Foerster
7- Une carte et une annexe sur le statut légal de l'homosexualité dans le monde.
Je n'ai pas vraiment l'habitude de lire des BD ; je conçois que le dessein des collaborateurs a été de rendre l'ouvrage accessible au plus grand nombre par une scénarisation visuelle des histoires. Pour moi, je crois que ç'a été le contraire : les bulles et les dessins ont compliqué et alourdi ma lecture, surtout lorsque les caractères étaient cursifs ou de taille minuscule, ou les traits graphiques trop "envahissants". Cependant je constate qu'il est pratiquement impossible d'accéder à ces contenus (en tout cas avec un si court écart chronologique vis-à-vis de l'actualité - ce livre est paru en octobre 2013) par des ouvrages "classiques". Étranges décisions éditoriales, comme toujours...
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Un livre qui oscille entre la BD et le texte. Les images qui répondent aux argumentaires écrits. Le vécu et la réflexion profonde sur la normalité. Finalement, on est tous des normaux ou les anormaux de quelqu'un.
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