Cette maison a le parfum vicié des petites comptines tordues, des contes et des histoires à dormir debout qui nous terrifiaient, enfants, au point de ne plus oser jeter un œil sous le lit. Rien que le nom donne le frisson : La-Gueule-du-Loup. Et pourtant, c’est là, dans le logis des grands-parents qu’elle n’a jamais connus, que Jo vient se confiner avec sa mère et son frère. Quelle est la chose malsaine qui cerne les lieux ? Lorsqu’une peluche est retrouvée déchiquetée, il devient clair que ce n’est pas leur imagination qui leur joue des tours…
Le malaise que Jo perçoit chez ses proches et tente de mettre en mots est d’autant plus inquiétant que comme elle, on n’en devine que les contours. L’angoisse monte d’un cran lorsqu’une autre voix fait irruption dans le texte pour parler du loup : à qui appartient-elle ? Éric Pessan, de sa belle plume imagée, joue parfaitement de tous les codes du genre horrifique pour tirer sur toutes les cordes de notre paranoïa. Et pourtant, c’est sur un tout autre terrain qu’il nous entraîne finalement, suivant une partition inattendue mais d’autant plus glaçante, à la lisière entre le thriller, le conte, la poésie et le drame. J’ai donc été prise complètement de cours (même si les deux citations liminaires auraient pu me mettre sur la voie…) et je n’en ai tourné les pages que plus vite pour en avoir le cœur net. Au passage, j’ai noté une foule de réflexions très juste sur l’époque contemporaine – je me garderai bien d’en dire plus pour vous laisser le plaisir de la découverte mais je vous encourage vivement à vous risquer à La-Gueule-du-Loup !
Un roman hypnotique qui se dévore et nous laisse groggy, mais aussi étrangement apaisé.e. Car, comme le dit si bien le texte :
« On voit des fantômes, des démons, des zombies, des vampires, et une fois que l’on se retrouve seul, on a beau savoir que ce n’étaient que des effets spéciaux, que ce sont des fictions, on garde une tension un peu électrique en soi, on a tendance à regarder plus facilement dans les coins sombres, on prend la peine de refermer la porte entrouverte du placard de la chambre, mais on dort, paisiblement. »
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