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Citation de bibliotheque-gemeaux


Depuis, j’ai compris que différer constituait le principal travers de mon tempérament, différer est un réflexe d’idéaliste, contre lequel il m’a fallu lutter pendant longtemps pour en débarrasser mes pratiques quotidiennes. Remettre au lendemain, se dire qu’on a le temps, estimer que les meilleures conditions ne sont pas réunies, supposer qu’il serait préférable d’attendre encore un peu pour entreprendre telle ou telle chose, affronter tel obstacle, s’interroger sur tel ou tel sujet, se mesurer à telle épreuve intimidante, c’est sur ce mode d’une projection perpétuelle vers le futur que j’ai longtemps vécu, ce qui implique une étrange absence à soi-même pour tout ce qui concerne le faire et le concret, et en revanche une relation exacerbée avec le monde extérieur sur un plan émotionnel et sensitif, en deçà de toute prise de position. Cette attitude dérive d’une position qu’on pourrait qualifier de cérébrale et qui consiste à considérer que la vie est moins ce qu’on vit chaque jour en se levant le matin que la pensée qu’on peut en avoir. Tous ceux qui rêvent leur vie adorent la voir irradier dans leur mental comme un absolu ; et naturellement on ne peut que différer le moment de partir à la conquête de l’absolu, puisqu’il est inscrit dans sa définition qu’il se situe au-delà de toute circonstance. C’est en désacralisant la vie, c’est en se déclassant soi-même dans la représentation qu’on peut s’en faire (au lieu de sanctifier la réalité et d’en attendre des évènements qui en seraient l’écho sacré), c’est en envisageant l’existence comme un lieu de hasards, d’efforts, d’accidents, de volonté, de transactions, de compromis, de trahisons ou de rapports de force – c’est alors qu’on peut décider de ne plus différer et de se mettre à vivre, de se jeter avec les autres dans la fosse aux lions et de s’y battre. C’est quelque chose que j’ai mis des années, des années, des années à comprendre.
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