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Citation de enkidu_


Le capitalisme moderne a besoin d'hommes qui coopèrent uniment et en grand nombre, qui veulent consommer toujours davantage, et dont les goûts sont standardisés, facilement modelables et prévisibles. D'hommes qui, tout en ayant le sentiment de rester libres et autonomes, de n'être soumis à aucune autorité, règle ou contrainte intérieure, acceptent cependant d'être commandés, d'exécuter ce que l'on attend d'eux, de s'insérer sans frictions dans la machine sociale. D'hommes que l'on peut diriger sans violence, conduire sans chefs, mouvoir sans but, sinon celui de tenir sa place, d'être en mouvement, de fonctionner, de continuer d'avancer.

L’homme moderne a perdu contact avec lui-même, avec autrui et avec la nature. Transformé en marchandise, il éprouve ses forces vitales comme un investissement dont il doit tirer le maximum du profit possible en rapport avec les conditions du marché. Les rapports humains sont essentiellement des rapports entre automates aliénés, chacun assurant sa sécurité en s’efforçant de rester proche de la foule et de ne pas s’en distinguer en pensée, sentiment ou action. Dès lors, chacun reste absolument seul, en proie à l’insécurité, l’angoisse et la culpabilité, tous sentiments inéluctables lorsque l’on ne parvient pas à surmonter la solitude humaine.

Pour aider les gens à rester consciemment inconscients de cette solitude, notre civilisation offre de nombreux palliatifs : en premier lieu, la routine stricte du travail mécanique, bureaucratisé, qui noie dans l’inconscience les désirs humains les plus fondamentaux, le désir nostalgique de transcendance et d’unité. Dans la mesure où la routine du travail n’y réussit pas à elle seule, l’homme surmonte son désespoir inconscient par la routine de l’amusement, par la consommation passive des sons et des spectacles qu’offre l’industrie des loisirs ; à quoi s’ajoute la satisfaction d’acheter des choses toujours nouvelles et de bientôt les échanger pour d’autres. L’homme moderne n’est pas loin de ressembler au portrait que Huxley a tracé dans son Brave New World : bien nourri, bien vêtu, sexuellement satisfait, mais dépourvu de soi, sans autre contact avec autrui que superficiel. (pp. 105-106)
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