Teaser Metamorphose - Ericka Duflo
La tête collée contre la vitre, je regardais le paysage sans le voir, perdue dans le brouillard de mes tourments.
La nature était vraiment le meilleur des remèdes pour les maux de l'esprit. Quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber. Je me délectais de la sensation que provoquaient sur moi ces perles d'eau glacée, aimant à imaginer qu'elles me lavaient de tout ce qui ne se voyait pas physiquement, mais que je traînais derrière moi comme un fardeau douloureux.
J'ai retenu une citation, drôle et pertinente, de Christine Orban, que j'avais découverte dans l'un de ses ouvrages à la bibliothèque, et que j'ai même recopiée dans mon agenda de cours : " Tomber amoureux : il y a quelque chose qui, dans cette expression, ressemble à un piège, à la prise d'un pied dans le tapis.
L'embûche est là, dès le premier mot.
En anglais ? Fall in love.
Au Canada ? Tomber en amour.
Et si la base de tous nos malheurs était grammaticale ? "
-Ian?
Sans un mot, Ian s'immobilisa.
-Devrais-je...avoir peur de toi?
Il tourna légèrement la tête. Un sourire énigmatique sur les lèvres, il répondit:
-Certains te diraient que oui.
Il est là ! Tapi dans le noir !
Son visage est dissimulé sous sa capuche.
Mon coeur tambourine dans ma poitrine. Mon corps brûle de terreur, mais même si je l'envisage, je ne prends pas la fuite.

Je fermai les yeux. Tout mon corps était en alerte. Je me concentrai, tendis l’oreille, et là…, je sentis une connexion. Ma vue devint trouble, mon esprit s’évada, guidé par le vent. Pendant une fraction de seconde, je l’entendis : une voix forte et sans appel résonna dans ma tête :
« Ta place est parmi nous. Où que tu sois, nous te retrouverons. »
Il y eut un flash de lumière, comme un éclair, et je revins brusquement à moi. En sortant de ma transe, je lâchai un hoquet de surprise. La déconnexion fut si rapide et brutale que j’en eus mal au cœur. J’avais l’impression d’avoir quitté mon corps et parcouru des milliers de kilomètres.
– Tu as entendu ça ? m’écriai-je, sous le choc, en distinguant de nouveau Ian en face de moi.
Il haussa un sourcil, perplexe.
– Euh… Oui, le grondement de tonnerre, répondit-il comme si c’était une évidence. Senna, vite, il faut se dépêcher si on ne veut pas finir en sardines grillées.
Devenais-je folle ? J’étais persuadée d’avoir entendu quelque chose, pas un grondement de tonnerre, mais une voix. L’orage m’avait livré un message, ou plutôt… j’avais capté un message
Cela me demandait beaucoup de courage. Je me détestais chaque fois un peu plus de lui faire de la peine. Tout avait changé depuis la mort de ma mère. À présent, j’étais pour certains la fille que l’on enviait, sûre d’elle, populaire et inaccessible, et pour d’autres, je représentais celle qu’il fallait à tout prix éviter de peur de s’attirer des ennuis.
Les idées les plus folles me traversèrent l'esprit : et si Ian était un vampire ? Ou plutôt un loup-garou... peut-être bien un autre métamorphe ?
Pff, c'était ridicule ! Je m'imaginais déjà vivre un épisode de True Blood, ou de Vampire Diaries...
Je ne suis que de passage dans ce monde. C'est étrange, cette sensation de pesanteur et d'oppression que je ressens chaque fois que des humains passent près de moi. Je perçois toutes leurs émotions négatives, leurs idées noires profondes. S'ils savaient à quel point elles les affectent et déteignent sur leur vie en général ...
La Mort mon nouvel ange gardien